LE ROMAN DES MORTS, Épisode 14, le premier mort

Les deux lettres

Les deux lettres viennent du village et témoignent toutes deux d’un amour fou et passionné. Marcel s’en attriste car ce qui c’est passé lors de sa permission ne mérite pas de telles envolées amoureuses. Pour lui ces quelques temps ne furent qu’un amusement éphémère, un jeu, une excitation d’homme jeune qui aurait bien profité de l’abandon de ces femmes mûres. Lui gamin de la terre avait d’un regard fait tomber le carcan qui le séparait d’une bourgeoise.Un seul regard, des paroles banales, quelques blagues et l’impénétrable fille du maire s’était laissée conter fleurette, puis courtiser.

Marcel fièrement se remémorait le moment où tout avait failli basculer. Denise, inexplicablement avait fait fi de toute convenance, avait jeté aux orties toute son éducation pour presque se donner. Elle n’est point belle, mais les derniers feux de sa jeunesse presque disparue, ont un instant enflammé les sens de Marcel. Mais il a manqué ce jour là à Marcel, l’habitude d’un homme à femme. Il a hésité, tergiversé et lorsqu’il s’est enfin décidé à passer à l’acte, le moment était passé. Pendant ce bref instant il aurait pu tout obtenir, cela ne tenait à rien, puis le rideau des convenances s’abattit entre eux. Mais la sèche Denise sait maintenant qu’un homme a eu une pulsion pour elle, elle se sent capable de faire réagir un jeune garçon, elle se sent capable d’être une femme.

Sa lettre est celle d’une amoureuse, elle dépeint ses affres et dévoile même quelques pans d’impudiques pensées.

Lui en lisant cette missive n’est guère soulevé par un sentiment quelconque, il se dit simplement qu’à la prochaine permission Denise serait prise, puis exhibée en sa mémoire comme un trophée de chasse.

Mais en la même période le ratier qu’il était, avait soulevé un autre lièvre. Presque aussi improbable, après avoir failli prendre la maîtresse il avait pris la servante. Là aussi le stratagème avait été le même et la citadelle inexpugnable s’était rendue. Là aussi point d’amour, du moins pas celui des sentiments, Marie Chauvin qui jamais n’avait touché un homme c’était ce jour là retrouvée, embrassée, caressée et troussée et baisée, cela faisait beaucoup de première . Marcel fier comme un cardinal qui vient d’avoir la fumée blanche ramène la fleur de la bonne dans sa besace.

Avec cet acte il pourra se vanter plusieurs années et rigoler à chaque fois qu’il verra la Chauvin à l’église. D’ailleurs avant son départ il a confié son secret à certains en affirmant que la bonne toute coincée qu’elle était valait son pesant de cotillon.

La lettre de Marie est plus celle d’un Restif ou d’un Sade que celle d’une vieille fille. Marcel si il en avait le temps en serait presque confus.

La nuit se passe et les ordres dans la nuit se transmettent, au matin les hommes sont fin prêts à l’avance, le noir est bu, un quignon de pain avec du pâté avalé,le ventre vidé de toutes souillures.

Marcel avec la douzième attend, les lettres de ses amoureuses dans la poche.

L’artillerie Française tonne et celle des Allemands lui répond. Les soldats commencent à reconnaître les bruits des différents calibres, puis ils supputent l’endroit où ils vont arriver, trop loin, trop court. Les hommes tombent, s’affaissent victimes des innombrables éclats qui pleuvent meurtriers.

C’est le départ, Marcel a peur, malgré l’eau de vie qu’il vient de boire. Il a les jambes lourdes, pourtant rien ne le tracasse, aucun pressentiment particulier.

Puis peu à peu le temps aidant, le corps se détend, ses sens sont en éveil, il suit les autres. Puis des coups de feux partent d’un bosquet, il voit ses copains se jeter à terre, la terre tourne, les feuilles des arbres rideau criant de verdure deviennent grises. Il ne sent rien de particulier, mais un filet de sang lui coule dans les yeux.

Il vacille, il n’est que lourdeur, sa bouche devient terreuse au contact de la terre d’Argonne.

La  mort le recouvre maintenant de  son suaire .

31 août 1914 le premier fils du Gué d’Alleré trouve la mort d’une balle dans la tête, Brieulles sur Sy, le Gué d’Alleré, une naissance, une mort vingt ans d’écart.

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 13, Marcel au front

Marcel Boutin sur le front

Marcel n’en peut déjà plus de tant de marches, il fait chaud, très chaud ; ils sont sales, haves de fatigue et les pieds en sang.

Ils atteignent la Belgique le 21 août 1914, pour y venir à la rencontre des Allemands.

Les flonflons se sont tus et les fleurs ne pleuvent plus sur eux, les populations ont déjà fui, les villages sont abandonnés.

Lui il ne rêve déjà que d’un bon lit ou au pire d’une bonne balle de foin. Les Allemands il n’en a point encore vus, mais bientôt tout va changer.

Le régiment doit aller cantonner à Neufchateau, mais les Boches y sont retranchés.

Quelle tempête pour un baptême, il fait un noir  de tombe en cette première nuit de fête. On forme une colonne et l’on avance, heureusement l’ennemi n’est pas signalé en force.

Marcel ne sait évidemment rien de ce qui se passe, tel du bétail qu’on mène à la foire.

Non de dieu les troupes marchent jusqu’à midi, les forces qui s’évanouissent sous l’effort, reviennent avec le stress du combat. Le combat commence.

Marcel a le nez dans les fougères du bois de Basse Héreau le troisième bataillon attend avec l’artillerie.

Au loin ils entendent la canonnade, la mitraille, des voitures, des cavaliers, des blessés refluent, le spectacle est fascinant. Marcel que ce défilé ne rassure guère, est mort de trouille. Un de ses copains doit baisser culotte, les entrailles se nouent, les jambes se dérobent.

Puis soudain les ordres sont aboyés, le troisième bataillon avance. Les hommes ne savent pas où ils sont, mais Marcel reconnaît une sapinière. Ils n’ont pas le temps d’en humer les flagrances, cela chauffe sur toute la ligne de front du régiment. L’artillerie se déchaîne, les hommes hurlent, fous de terreur, du sang, des membres déchirés. La compagnie de Marcel est engagée sur la fin, la ligne ploie, il faut reculer.

Il tire maintenant mais sans réellement voir ses ennemis, il entend des balles lui siffler autour, il n’a pas le temps de penser. Son état est second.

C’est le recul, vers Chiny, à voir l’état des troupes cela ressemble à une retraite.

Le soir on s’écroule de fatigue, la roulante n’est pas là, les morts et les blessés se comptent par centaines. On croit même que le colonel Aubé est mort ou gravement blessé. Le sacrifice n’a pas été vain dit-on, car les allemands sont ralentis dans leur avance.

Marcel ne pense qu’à son ventre, il a survécu à son baptême du feu et a le sentiment de n’avoir pas fait grand chose. Il veut dormir et s’effondre comme une bête le long d’un talus.

Ils sont réveillés par un gueulard d’officier, botté, sanglé dans un uniforme immaculé, faisant claquer son stick le long de ses jambes. Il hurle qu’ils ne sont que des bons à rien, bons qu’à manger, chier et dormir.

C’est profondément injuste, le régiment s’est conduit avec héroïsme. Maintenant c’est la retraite, le voyage de courtoisie en Belgique n’aura guère duré longtemps. Le défilé à Berlin n’est pas pour tout de suite.

Le régiment doit rejoindre la Meuse, le flot Allemand est presque irrésistible, la bataille des frontières se termine,une autre commence, celle  pour bloquer les allemands avant qu’ils n’arrivent à Paris .

Marcel comme les autres se demande si les généraux qui sont à leur tête ne sont pas des incapables.

Les routes sont pleines de fuyards, toute la population fuit la mort et les dévastations.

Les civils ont peur et disent que les soldats allemands pillent, volent, violent, fusillent.

On apprend même ébahis que des enfants auraient été mangés. Les plus sensés ne crient pas à ces fadaises, mais d’autres s’enflamment et jurent d’égorger les responsables.

Pied à pied le régiment se bat, Marcel ne pense guère au Gué d’Alleré pas le temps, sa tête est pleine de morts, de sang et de copains qui agonisent.

Le 30 août ils font volte face pour bloquer les défilés de l’Argonne, le bataillon prend position autour d’un carrefour près de Brieulle sur Sy. Enfin un peu de repos et de nourriture. Mais Marcel n’en croit pas ses yeux le vaguemestre les rejoint, comment dans un tel merdier les autorités arrivent elles à faire suivre le courrier.

Il est surpris car on lui tend deux lettres.

En voyant l’écriture sur les enveloppes, il devine immédiatement qui lui a écrit, la première est sans conteste d’une belle plume, la calligraphie est régulière, voluptueuse en ses pleins et ses déliés, l’autre est plus scolaire, comme celle appliquée lors d’un devoir. La première est féminine et assurée l’autre ressemble plus à celle d’une adolescente avec ses hésitations.

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 12, les demoiselles du chateau

Les doutes de Gustave Tirant

Gustave Tirant est serein, il lit et relit son carnet de mobilisation, il n’est pas partant. Sa classe est épargnée. Il faut dire qu’avec ses quarante deux ans de vie il ferait un bien piètre combattant.

Cela fait bien longtemps que sa vie militaire est derrière lui, d’ailleurs la conscription ne l’avait pas envoyé bien loin. Il avait passé trois ans au 6ème régiment d’infanterie de Rochefort. Il n’avait combattu que les moustiques et une vilaine chtouille attrapée dans la rue des mousses. L’exotisme de Rochefort par rapport au Gué D’Alleré était tout de même là. Odeur de la mer qui remonte le long du fleuve Charente, mâts des bateaux qui bruissent au vent, matelots avinés qui dans les bouges parlent de contrées lointaines. Il s’y était finalement plu, mais n’y serait pas resté pour autant, le rappel à la terre étant le plus fort.

Après en avoir discuté avec sa femme il se rend à la mairie car finalement il n’est pas trop sûr, monsieur Gougaud saura bien lui dire si il doit ou non partir.

A la maison commune Gustave apprend qu’il y a une réunion du conseil, cet idiot qui en fait parti a oublié. Le voilà bien avec son papier, il s’assoit avec les autres.

L’ ordre du jour c’est les réformés de la commune, l’adjoint au maire Fernand Charron prend la parole. Gustave n’écoute guère il est préoccupé. Puis soudain il entend le mot idiot, il croit que c’est pour lui. Pas du tout et maintenant la salle du conseil résonne de bons vrais rires. Il y a dans la commune quatre réformés pour idiotie, les conseillers les connaissent , mais il est bon de le rappeler. Il y a cet andouille de Benjamin Giraudeau le fils au Théophile et à la Zélie, puis Volcy le gamin au Léon et à Athénais. Il y a aussi Fradin Constant , lui aussi bien incapable de faire un soldat.

On rigole un bon coup cela ne fait pas de mal dans la morosité ambiante.

Le maire après avoir consulté ses conseillers décide que pour l’instant il n’ y a pas lieu d’avoir recours à de la main d’œuvre étrangère au village. L’essentiel des battages ont déjà été faits avec les batteuses mécaniques et les grains sont rentrés. Il reste simplement quelques gerbes à battre de façon ancestrale, mais ils pensent que ceux qui ne partent pas pourront aisément y pourvoir.

Gustave qui justement ne veux pas passer pour un idiot se tait, oh comme d’habitude, car il n’est là que pour faire le quorum.

Il finit par montrer sa feuille à Amédé Barreau, celui l’examine et lui dit que pour l’instant il ne part pas. Il sort de la mairie rasséréné et va dire la bonne nouvelle à Loetitia.

Les demoiselles du château

Dans la grande demeure bourgeoise que certains paysans désignent en se moquant sous le vocable de château, les deux sœurs Lucie et Denise se chamaillent pour un bout de laine . Elles ont viré vieille fille depuis un bon moment bien qu’avec encore un peu de bonne volonté elles soient encore mariables. Les hommes du village qui sont tous à,leurs yeux que des vils culs terreux ne peuvent certes pas faire l’affaire. Bien que plus d’un au café de Berthet se vantent de les avoir couchées dans le foin, elles sont probablement aussi vierges que le curé. Lucie souffre des ricanements lors des fêtes villageoises alors que Denise, elle s’en moque totalement. D’ailleurs depuis quelques semaines cette dernière est toute chamboulée. Un jeune garçon lui a conté fleurette, bien gentiment et bien sagement. Elle en avait été émoustillée et avait accepté un rendez vous. Le garçon n’était qu’un gamin mais il était entreprenant, pour un peu au deuxième rendez vous il enlevait la place.

Depuis elle se sent transformée, mieux dans son corps. Lorsqu’elle est agenouillée sur son prie dieu pour la prière du soir elle se rougit à elle même en pensant à la main qui a remonté sa robe dévoilant à la vue sa culotte blanche savamment fendue et dernier rempart à sa citadelle interdite. Elle en était restée pantois devant tant d’audace et aurait bien aimé découvrir à son tour le symbole sacré de son amoureux du jour.

Malheureusement et comme c’est dommage la venue d’un groupe de noceurs les avait interrompus et avait cassé l’instant présent. Elle le sait le diablotin l’aurait prise et cela lui aurait donné un avantage incontestable sur sa sœur.

En attendant qu’elle le revoit, le souvenir de sa silhouette et de la douceur de sa main lui donnait des envies pas très sacrées.

Ces nuits sont peuplées d’hommes qui la prennent, elle se réveille en ébullition, trempée de sueur, haletante et à moitié dévêtue.

L’élu de son cœur et de son corps est à l’armée, elle vient de lui écrire mais son inquiétude va grandissante devant les dangers qui se précisent.

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 11, la lettre et le départ d’Alexandre

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 10, Benjamin au dépôt d’artillerie de La Rochelle

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 11, la lettre et le départ d’Alexandre

Marie Chauvin la lettre

Au Gué Marie Chauvin est triste, il est loin, très loin et s’en inquiète. Elle fait son travail de façon machinale.

Sa patronne lui fait remarquer, elle n’est pas à sa couture et les points de reprise sont mal faits et ce matin elle a laissé prendre un entremet sur le feu.

Ce n’est pas dans ses habitudes et la sèche madame Berthe la menace de renvoi. Ce n’est pas qu’elle y croit car elle est au service depuis plus de vingt ans mais jamais elle n’arrivera à faire la part des choses dans sa relation dominant dominé.

Elle n’a qu’une hâte maintenant c’est de s’échapper un moment pour qu’elle puisse remettre son enveloppe au facteur rural qui fait sa tournée. Depuis de nombreuses années les municipalités qui se succèdent, demandent la création d’un bureau de poste. Mais leurs efforts sont vains et les autorités restent de marbre.

Elle profite d’une course à faire chez le charcutier pour échapper aux filles du château.

Bien sûr elle va de déconvenue en déconvenue, quand on est pressé tout vous ralenti.Madame Richard la charcutière, une vraie pipelette la retient un bon moment.

La commère veut tout savoir du château, Marie d’habitude s’étend sur le sujet mais aujourd’hui devant les yeux stupéfaits de cette dernière se sauve presque en courant à la première question.

Puis comble de malchance elle manque de faire tomber Marie Pinet la doyenne du village, 88 ans, encore alerte et aussi bavarde qu’une pie.

Marie lui explique qu’elle la verra à l’office, et se précipite sur la place de la mairie. Le facteur est tout prêt de repartir.

Elle n’a jamais envoyé une lettre, le préposé lit l’adresse sur l’enveloppe. Il connaît tout le monde et un sourire qu’elle juge narquois marque son visage. Elle devient rouge comme une pivoine, elle se cacherait dans un trou de souris.

Avant de partir il rajoute  » bon d’la que de lettres du château aujourd’hui  »

Comment cela plusieurs lettres du château, Marie normalement sait ce qui se passe et lorsque quelqu’un sort de la bâtisse elle le voit par la fenêtre de l’office. Elle peste de ne pas savoir.

Départ d’Alexandre Drouillon pour Bordeaux

Chez les Drouillon l’annonce du départ d’Alexandre a plongé tout le monde dans la consternation. Il ne veut pas partir et s’effondre totalement. Comme un enfant la tête dans les mains il pleure, sa femme Émilienne l’invite à se ressaisir.

Après les pleurs vient un abattement, il reste prostré sur son fauteuil. Maintenant elle le houspille, sa valise doit être aussi préparée et il doit aller chez son beau père pour les problèmes de la tournée. Il finit par se reprendre et comme des dizaines d’autres au village il se prépare.

Il doit se rendre à Bordeaux au18ème escadron du train des équipages militaires. Il avait bien aimé son service là bas, la discipline militaire n’était pas plus forte que celle de son père et la découverte d’une grande ville l’avait charmé.

Il en était revenu changé, transformé, il était devenu un homme. En 1904 il avait épousé Émilienne et le petit René était apparu l’année suivante.

Tout pour être heureux mais souvent il est pris d’une sorte de langueur dont ses proches ont du mal à le faire sortir.

Il se rend chez Maximilien, là bas c’est la consternation, non pas de perdre le Alexandre mais plutôt de perdre le cheval qui fait la tournée. Le vieux fait son cirque, hurle, tempête contre les autorités. On veut sa mort, on veut faire crever sa famille. Il prend sa veste et veut aller faire entendre raison au maire.

Au vrai c’est encore un peu prématuré car personne ne lui a rien demandé, mais il est comme cela et tous s’en accommodent.

Angélique la mère finit par lui faire entendre raison, il reste,s’assoie avec Alexandre devant une blanche qui certainement va les remonter tous deux.

Maximilien reprendra les tournées en attendant que son gendre ne revienne, après tout on dit que la guerre sera courte.

Drouillon rentre enfin chez lui, la nuit est tombée et lui est dans un triste état. La bouteille d’eau de vie du vieux est morte, vive la patrie, vive l’eau de vie.

Émilienne peste contre son père, quand il est saoul son mari est infernalement gai dans le sens amoureux du terme. Elle ne l’entend généralement pas de cette oreille et faire l’amour à un poivrot la répugne.

Mais ce soir c’est différent, il part à la guerre, cela fait parti du réconfort qu’on offre aux guerriers. La vision chancelante de son mari en liquette lui fait dire que le meilleur du réconfort serait qu’il dorme. Mais à la force de l’habitude il réussit à faire son ouvrage.

Le lendemain, la tête lourde c’est le départ à la gare du Gué direction Surgères. Sa grosse main tient la menotte de René. Il ne veut pas qu’on l’accompagne mais devant la gaîté de l’enfant il cède.

Les aux revoirs sont douloureux, cette grande idiote d’Émilienne se met à chialer, entraînant les pleurs du petit.

Maintenant le wagon s’éloigne direction Aigrefeuille, le paysage familier s’échappe à jamais, le moulin de Mille écus, le Treuil, au loin le château en ruine .

Puis les nombreuses petites gares du réseau secondaire.

Soudain l’émotion le submerge, comme un coup de poing, elle l’assomme, le retourne et le terrasse.

En face sur la banquette de bois, une femme l’observe, bien mise, élégante dans une robe longue d’un bleu azur. Ce n’est pas une paysanne, ses mains sont gantées et sa tête chapeautée. Il flotte même un relent de parfum qui fait penser qu’Alexandre dans la précipitation de son départ n’a pas effectué sa grande toilette. Subitement cela le gêne, il se dit qu’il pourrait indisposer cette dame qui certainement n’est pas habituée à l’odeur forte d’un mâle de la terre.

Émilienne cela ne l’incommode pas ou du moins elle n’en a jamais rien dit.

Les yeux bleus de la belle le fixent intensément, il balbutie ou croit le faire. Son regard est une invite. A quoi il ne sait le dire, mais c’est sûr, pour lui qui n’a guère connu que les yeux noirs de sa femme, le regard intense qui le scrute est une invite amoureuse.

Il se décide à tendre la main, un cahot, un crissement, un jet de vapeur, le train freine.

Il se retient au siège devant lui, il est seul, la beauté a disparu. Alors que d’autres rappelés s’installent à grand bruit. Il s’imagine terrorisé que sa vision ne peut être qu’une mauvaise compagne. Il transpire à grosses gouttes dans son chaud maillot qu’Émilienne l’a forcé à mettre. Il a peur et la place à coté de lui se libère, la camarde va t’ elle de nouveau s’asseoir à coté de lui?

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 10, Benjamin au dépôt d’artillerie de La Rochelle

Départ de Benjamin Sorlin pour le dépôt d’artillerie à la Rochelle

Le lendemain c’est le départ, ses doutes ont repris et Benjamin doit encore et encore la rassurer. Bientôt il reviendra, une permission et il la serrera de nouveau dans ses bras.

Il a décidé de faire le chemin à pieds, il n’est pas seul à se rendre la bas, le 123ème régiment y rassemble ses hommes. Sa besace est bien lourde, Adélia l’a surchargée de victuaille. Il pourrait traverser la France entière qu’il ne souffrirait pas de la faim, cela le fait sourire et d’ailleurs il s’aperçoit que chez bon nombre de mobilisés il en est de même. Les mères, les fiancées, les femmes comme pour exorciser le départ des êtres aimés ont fait montre de surabondance.

Adélia a décidé qu’elle l’accompagnerait jusqu’au moulin David. Cela forme une belle cohorte, des vieux, des vieilles, des jeunes, des enfants entourent de leur amour ceux qui partent pour défendre la patrie.

Mais Adélia n’est pas la seule femme qui accompagne des yeux Benjamin. Elle ne voit rien, ne se doute de rien mais une autre pleure, une autre se tourmente.

Il n’est plus qu’un point à l’horizon lorsqu’elle se décide à rentrer, Marie la femme d’Emmanuel Hillaireau marche à ses cotés, son homme aussi est parti. Que de femmes seules, pense un jeune godelureau en s’imaginant des choses.

Benjamin que la marche n’effraie pas avance d’un bon pas, ceux de Saint Sauveur, de Ferrières, rejoignent les fils du Gué d’Alleré. Puis on récupère les gars de Nuaillé et de Longèves. Des cavaliers couverts de poussière les dépassent sans les saluer, une automobile brinquebalante et roulant à peine plus vite qu’au trot d’un cheval les oblige à se ranger sur le coté. Le pilote, manteau et bonnet lève le bras en guise de remerciement. Les soldats rient de bon cœur, devant un tel accoutrement, eux ils ont chaud alors ce pauvre type sur son carrosse à moteur, imaginez.

C’est enfin la Rochelle, quartier de Cognehors, la porte Dauphine puis les casernes.

Certains sont saouls comme des cochons ayant vidé les litres de vin pour s’alléger.

Les plantons font un peu la moue devant cette débauche, cela commence bien.

On les prend en charge, ils traversent une longue cour puis se heurtent à un bâtiment immense. Haut de plusieurs étages, percé de multiples fenêtres, il se dresse, fier de sa récente construction. Les dortoirs sont tout en haut, l’escalier est dur à monter après plusieurs heures de marche.

Benjamin redécouvre l’endroit, il le connaît, car ses périodes d’instruction se sont passées ici. Il essaye de prendre un bon lit mais la chasse au bonnes places est dure.

Enfin installé Benjamin prend quelques minutes pour observer le spectacle, des dizaines de lits tous identiques, un poêle au fond de la pièce et des paysans hébétés de se retrouver là.

Même si l’essentiel de l’effectif est du département de la Charente Inférieure, il y en a quand même bon nombre qui en sont étrangers.

Chacun se regroupe par pays, les gars de Vendée, ceux des Deux Sèvres et ceux de Charente. Les locaux forment bien sûr un bloc à part.

Par la fenêtre, Benjamin voit les toits de la ville, mais pas la campagne d’où il vient.

Au delà des bastions ne s’étendent que des petits villages agricoles, bandes de terres cultivables et marais.

Il ne voit pas la mer, d’ailleurs il s’en moque, il ne l’a guère vue jusqu’à présent et il s’en est très bien passé.

Mais assez rêvassé, les ordres pleuvent, les capo aboient, il faut se transformer de péquin en militaire. La transition est dure, Benjamin regrette aussitôt les ordres d’Adélia et les coups de torchon qu’elle lui assenait quand il rentrait avec ses croquenots plein de terre.

Il sourit, elle lui manque déjà.

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 9, les jours d’après

Village du Gué d’Alleré jour suivant la mobilisation générale

Au gué d’Alleré l’agitation continue, le maire ne sait pas où donner de la tête, tout le conseil est mobilisé. Il y a un très grand nombre d’ hommes qui vont partir dans les jours qui vont suivre et il se doute que l’hémorragie ne s’arrêtera pas là

Même si tous les moyens de transport sont utilisés, le train est privilégié, Julia Petit la chef de gare et accessoirement la femme à Georges Varvoux; est un peu paniquée, le trafic plutôt calme d’habitude, enfle à mesure. Mais elle le sait, l’ordre reviendra dans les jours suivants. Son mari qui statutairement est cantonnier de voies ferrées est dans ses jambes à l’ennuyer.

Son maintien habituel étant d’être appuyé sur sa pelle, il est devenu soudain plus martial. Pour un peu il se prendrait pour un adjudant chargé du bon ordonnancement de l’arrivée des troupes en un centre de tri militaire.

Cela ferait sourire sa femme si sa fatuité à se croire indispensable ne nuisait à l’ensemble. Déjà qu’elle a bien affaire avec sa marmaille sans en plus que son incompétent de bonhomme se rajoute à ses six enfants.

Les wagons sont pleins de soldats, on se reconnaît entre paysans des villages alentours. Même si l’univers villageois est restreint, les foires, les gros travaux agricoles, les fêtes villageoises et les mariages font que chacun peut mettre un nom de village sur chacun des malheureux qui rejoint son unité.

Pour sûr priorité au trafic ferroviaire humain, les marchandises s’entassent sur le quai car même si l’économie s’est ralentie elle n’en a pas disparu pour autant. Des balles de grains, des futées, des bois vont attendre pêle-mêle que les trains se libèrent.

Sur présentation du carnet de mobilisation les billet sont gratuits. Toujours cela à gérer en moins se dit Julia.

Adélia en cette dernière soirée prépare les affaires de son mari qui demain va partir, la petite valise en carton bouilli se remplit peu à peu, chaussettes, caleçons, tricots de corps, écharpes, pulls. Elle ne veut pas que son Benjamin est froid, même si lui  affirme qu’il sera de retour avant l’hiver. A un moment pendant qu’il ne la regarde pas, elle prend un ciseau et se coupe une mèche de cheveux. Elle met ce trophée souvenir entre deux vêtements.

Tout en préparant la valise elle concocte un vrai repas du dimanche, c’est le dernier avant un bon moment, alors il faut qu’il soit bon.

Sur sa broche, le poulet qui sue son jus rappelle par son arôme qu’ils vont se délecter.

Cela sera un dîner d’amoureux, seule la petite sera là.

Benjamin lui, sourit de tout cela, sa femme en fait un peu trop, il doit simplement rejoindre le 14ème bataillon d’artillerie à pied à la Rochelle. Aucun risque donc, les Allemands ne sont pas encore arrivés dans la région.

Lui à cause de son age il est dans la territoriale, beaucoup trop vieux pour se faire tuer.

Il a beau rire, Adèlia prend la chose vraiment au sérieux, elle le croit déjà baïonnette à la main en train de s’étriper avec un homologue allemand.

Non vraiment aucun risque à cela, lui explique t’ il en long en large et en travers. Mais devant les larmes qui coulent, il abandonne, la prend dans ses bras et fait comme si il allait au bout du monde.

Le repas est un peu morne, triste, bien que les deux s’efforcent de parler de tout et de rien. Benjamin est inquiet pour son atelier, dans un premier temps son jeune apprenti André Brousset finira ce qui est déjà commencé. Il n’a que seize ans mais se débrouille déjà pas mal.

Puis benjamin couche sa fille, la petite Aimée en elle même vit un drame, c’est la première fois de sa jeune vie que son père ne sera plus à coté de sa couche. Une maman ce n’est pas pareil, cela ne préserve pas des monstres et des méchants de la même façon qu’un papa. A la chandelle qui vacille Benjamin voit les larmes de sa fille. Lui qui n’est pas d’un naturel beulou sent irrésistiblement monter quelques perles lacrymales. Il se penche et en un geste d’amour embrasse le cou blanc de la petite. Elle s’apaise et bientôt sombre dans le sommeil.

Lui rejoint Adélia, ils traînent, dans le vain espoir de faire durer le temps plus longtemps.

Elle veux faire une surprise à son mari pour leur dernière nuit, elle le laisse se coucher puis dans le halo de lumière de la lampe à pétrole, elle se dévêt lentement. Jamais elle n’a fait cela, jamais elle n’avait offert ce sublime spectacle. Benjamin est fasciné, elle est belle et son corps magnifié par le désir, s’offre à lui. Nue elle se glisse dans les draps, offerte à son soldat de mari, qui ne doit emporter dans son esprit que la splendeur d’une femme et les larmes d’une fille.

Mais si l’acte est bon, leur esprit est finalement ailleurs et ils reprennent une conversation qui les mènera au bout de la nuit. Elle finit par s’endormir, la tête sur l’épaule de son homme, en sécurité et en toute quiétude.

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 8, le 21ème régiment d’infanterie coloniale

Marcel Boutin, 8 août 1914 Paris, 21ème régiment d’infanterie coloniale

Marcel Boutin comme ses camarades est fin prêt pour le départ et comme les autres il ne sait pas quelle va être sa destination. Il n’est pas d’usage de prévenir le troupier de l’endroit où on le mène se faire tuer.

Définitivement pris par la fièvre de combattre, il est comme l’ensemble de ses camarades impatients d’en finir avec les germaniques qui osent défier le coq Français.

Si il est heureux d’aller combattre , il pense aussi à ses parents qui maintenant sont comme tous les français au courant de la guerre. Il sait que sa mère va pleurer toutes les larmes de son corps et que son père pataud ne saura pas la consoler.

Mais son esprit ne se tourne pas uniquement vers ses parents, une petite aventure qu’il a eu avant de partir du village lors de sa permission le fait sourire et lui tire quelques regrets.

Cette histoire est sans conséquence pour sûr, mais le regard qu’il a vu dans les yeux de celle qui lui tenant la main sur le chemin charbonnier lui chavirait le cœur.

Certes lui en espérait plutôt une relation physique qu’un véritable amour. Mais cupidon décocha une improbable flèche et ce qui se passa sous les couverts des arbres de la terre des eaux mortes lui fit regretter son retour à la vie de la caserne.

Nous sommes le huit août 1914 et Marcel voit la grille de la caserne s’éloigner direction les quai d’Ivry où va se faire le départ en train. Comme la veille pour les premiers départs du régiment, la foule est au rendez vous. Femmes, enfants, vieillards, tout le monde les presse, les congratule, les encourage. Bientôt ils se retrouvent tous couverts de fleurs, Marcel en a de piqué sur son képi, une véritable couronne orne sa ceinture. Les jeunes femmes leur sautent au cou et les couvrent de baisers, si la pudeur et l’incongruité du lieu ne les retenaient pas elles se donneraient en cadeau aux futurs vainqueurs. On sent un érotisme guerrier à ces embrasses, ces caresses, ces regards. Mais pour des mères de famille et des épouses le ressenti est différent, sous la joie point la peur et la résignation.

Sur le quai les wagons sont chargés, il fait soif et des débrouillards ramènent des bidons de bon pinard. Des inscriptions explicites couvrent maintenant les voitures, vive la France, mort aux boches, à Berlin, vive Poincaré.

Chacun monte et s’installe, le confort est rudimentaire dans ces wagons à bestiaux, mais enfin la paille est propre.

Comme pour se donner du courage ou récompenser la foule, les soldats entonnent la Marseillaise et le chant du départ.

La victoire en chantant nous ouvre la barrière 

La Liberté guide nos pas.


Et du Nord au Midi la trompette guerrière
A sonné l’heure des combats.


Tremblez ennemis de la France,
Rois ivres de sang et d’orgueil 


Le Peuple souverain s’avance
Tyrans, descendez au cercueil 

Marcel en a la larme à l’œil, quand reverra t’ il son village d’enfance et ses rives aux chênes têtards.

Puis le silence se fait, vaincu par la fatigue, le vin, l’ivresse du départ, bercés par la mélopée des sifflement de la machine à vapeur, ils s’endorment comme des enfants.

Mais le voyage traîne un peu, les provisions s’épuisent, certains ont la nausée et les odeurs du bac à merde commencent à incommoder.

Marcel s’efforce encore une fois de penser à autres choses, les jambes blanches de sa nouvelle amie, la voix grave de son père qui houspille sa mère pour rigoler ou le sourire de cette dernière quand son bonhomme un peu gris chante des couplet grivois.

Enfin ils arrivent, gare de Mussey dans la Meuse, le village est triste et sinistre, on quitte la joyeuseté de la capitale et on se retrouve dans le trou du cul du monde.

Mais les stratèges de l’état major ont sûrement choisi cet emplacement pour une bonne raison. Les trois bataillons sont répartis dans les villages environnant, celui de Marcel va à Révigny sur Ornain. La bataille des jambes continue, pour être un bon troufion il faut avoir des jambes solides. Heureusement la plupart sont paysans et sont de rudes gaillards.

Le lieutenant Grundfelder  apprend aux hommes qu’ils font partis de la 5ème brigade du corps d’armée coloniale dépendant de la 4ème armée commandée par le général de Langle du Carry.

C’est gentil mais les soldats se foutent bien de l’organisation de l’armée, eux cherchent la roulante car sans rata pas de soldat.

Marcel comme beaucoup se méfie des officiers qui ont des noms à consonance germanique, le lieutenant et un autre officier de réserve qui se nomment schoeffer également.

Pas de schleus en vue mais.

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 7, la mobilisation générale

ORDRE DE MOBILISATION GÉNÉRALE

Par décret du président de la république, la mobilisation des armées de terre et de mer

est ordonnée ainsi que la réquisition des animaux, voitures et harnais nécessaires au complément de ses armées.

Le premier jour de la mobilisation est le deux août 1914

Tout français soumis aux obligations militaires doit sous peine d’être puni avec toute la rigueur des lois obéir aux prescriptions du fascicule de mobilisation.

Tout est dit dans ces quelques phrases, chacun sait ce qu’il doit faire. Après la consternation de la première lecture, le ton monte peu à peu, on s’encourage par les paroles, on se regarde.

Un jeune énervé commence timidement une Marseillaise, sa voix est inaudible mais bientôt elle est reprise par une plus puissante. La foule sur la place hurle maintenant les couplets vengeurs et pleins de sang.

Allons enfants de la patrie le jour de gloire est arrivé.

Pour les plus lucides ce n’est pas le jour de gloire mais le jour de guerre, la nuance est large.

Mais pour conjurer le désespoir de partir à la guerre on se grise, de chansons, de mots orduriers envers les allemands et le Kaiser.

Tous en rajoutent, on va leur botter le cul, on va reprendre l’Alsace, on va baiser leurs bonnes femmes. C’est de la folie, l’annonce court dans le village.

Cette foutue affiche de mobilisation, c’est les gendarmes qui l’ont amenée, tout est prévu à l’avance, l’administration française est efficace. Les points d’affichage sont pourvus du funeste papier. La boutique du maréchal ferrant Landret, la maison de monsieur Charron sur la route d’Anais, au portail du cafetier Proteau, au café de Batmal sur la route de Saint Sauveur en sont pourvus. A Rioux c’est sur la porte du chai de monsieur Tétard et à la porte de l’écurie de Charles Hillaireau. A Mille Ecus c’est au chai de Giraud et pour la Moussauderie cela se fait chez Tardière.

Puis pour ne rien laisser au hasard, une affiche est mise à la gare, personne ne pourra ainsi dire qu’il n’a rien vu.

Le café d’Alcide est plein, on boit, on trinque, on entend pas que la fièvre ne baisse.

Celui de Marie Louise Turquois est aussi rempli et s’y introduit une bande de filles menées par les sœurs Belnard, Marcelle et Angèle. Elles embrassent à bouche que veux tu tous les hommes présents.

Le drôle de l’instituteur en bave de jalousie.

Mais le maire par précaution supplémentaire a envoyé le garde champêtre aux hameaux de Rioux et le secrétaire de mairie à Mille écus.

Pour la Moussauderie il envoie son adjoint Charron , ainsi tous seront prévenus. Il a un peu peur que la situation ne dégénère, mais il a tort tout rentre bientôt dans l’ordre.

Car chacun rentre chez lui, les préparatifs de départ doivent se faire au plus vite. Les départs vont s’échelonner sur quelques jours mais les premiers partiront dès demain.

Gougaud est sombre car il connaît le nombre exact des hommes qui vont partir, c’est une catastrophe, l’économie va s’écrouler, tout le jeune sang va être sucé par l’énorme vampirisme de la guerre.

En rentrant chez lui après cette rude épreuve, il se persuade que cela va être très bref et que les malheureux qui partent reviendront très vite.

Chez Émile Boutin village du Gué d’Alleré

Marie Vicenté assise à sa table, a le visage caché dans ses mains, elle pleure à chaudes larmes, c’est irrésistible, l’annonce de la guerre et la présence de son fils Marcel au service la terrorise. Un trouble sentiment prémonitoire l’assaille, elle qui a déjà perdu son fils Émile voilà bientôt sept ans ne supportera pas la perte d’un second.

Émile son mari est là comme un couillon à ne savoir que faire, c’est lui qui vient de lui annoncer la guerre. Il ne dit rien de ce qui s’est passé sur la place et ne se vante pas d’avoir entonné l’hymne national. Il ne dit rien, aucune larme de lui vient c’est un homme, mais lui aussi est glacé d’effrois de savoir que son fils va monter en ligne.

Dans toutes les maisons , dans tous les ménages, l’allégresse patriotique a fait place à une joie plus raisonnée ou au désespoir complet.

Chez certains jeunes l’excitation de quitter la maison, de s’éloigner des parents, de cesser de patauger dans le fumier prévaut sur les risques. Ils vont partir, sauver la France , mais aussi voir du pays et s’émanciper de leur terre nourricière qui les retient comme une chaîne sur un banc de forçat.

L’immense majorité n’est pas comme cela, ils doivent aller défendre leur pays, ainsi qu’en ont décidé les édiles de Paris c’est un fait. Mais jamais ils ne le feront dans la joie et l’allégresse. Peu leur chaut les défilés à Berlin, les bières de Munich, le cul des gretchens, ils ont leur femme, leur fiancé, leurs bêtes, leurs terres et ils n’ont nul besoin de s’égosiller dans une course folle à la gloire de la nation.

Chez Auguste Tirant

Gustave Tirant a quitté son ouvrage, d’autres l’ont rejoint et autour de la table en bois ils refont le monde.

Alors que le premier litre est tombé au champs d’honneur Joseph Gueret son copain fermier à Rioux pénètre dans la pièce. Tous les deux ne font pas partis du fait de leur âge de la première tranche de mobilisation. Ils sont donc plus à l’aise et détachés pour parler. La discussion devient politique et Gueret attaque directement par la mort de Jean Jaurès. Si il n’avait pas été assassiné il n’y aurait pas eu de guerre. Gustave que l’alcool a énervé s’emporte, pour lui Viviani le président du conseil a mené la bonne politique et le Gaston Doumergue qui est pressenti pour devenir ministre des affaires étrangères va nous arranger cela. Les autres en doute, ce sont des girouettes, des profiteurs mais rassurons nous cela ne va pas durer longtemps. C’est à voir, par contre il faudrait peut-être voir à rentrer chez soi ou aller reprendre l’ouvrage.

Mais finalement comme des fêtards en goguette, ils se dirigent au café. Loetitia débarrasse, bien contente que ces poivrots s’en aillent picoler ailleurs.

En d’autres endroits les paysans s’inquiètent pour leurs bêtes, va t’ on réquisitionner leurs chevaux, après avoir réquisitionné leurs jeunes.

Alexandre de peur de se faire engueuler par son beau père prend le parti de continuer sa tournée, il y a peu d’espoir qu’elle soit très lucrative mais bon il verra.

Il doit aussi préparer son paquetage, mais rien ne presse la date qu’il a d’inscrit sur son carnet lui permet de profiter d’Émilienne.

Sur le chemin qui le mène à Rioux il ne pense qu’à cela, il voit les courbes de sa femme, il se pénètre du souvenir de l’ odeur qu’elle avait ce matin.

A la vérité il n’y a qu’elle qui lui manquera, ses tournées il s’en moque. Bien que la douceur de certaines clientes peuvent lui faire vraiment aimer ce travail de marchand forain.

A la mairie Camille Gougaud est satisfait en temps que maire de la tournure patriotique qu’ont pris les choses. Pas de manifestation hostile, aucun nom d’oiseau à l’encontre des autorités, cela fera un bon retour pour la préfecture.

Il s’en retourne maintenant chez lui prendre un peu de repos, demain sera un autre jour et les tâches ne manqueront pas.

Au retour il remarque que les cafetiers font des affaires, que les jeunes discutent entre eux en échangeant leur lieu d’affectation. Les futurs cavaliers se moquent déjà de la piétaille et de ceux qui n’iront qu’à La Rochelle au 123ème régiment.

Il règne quand même un brin d’insouciance que le maire pessimiste tente de chasser de ses pensées. Il rejoint à la maison sa femme et ses filles qui n’ont pas été foutues de se trouver un homme. Il se dit qu’il aurait pu être aujourd’hui comme ces pères qui sont fiers du départ de leur fils tout en redoutant de les voir partir.

LE ROMAN DES MORTS, ÉPISODE 6, le marchand forain

Alexandre Drouillon, août 1914 village du gué d’Alleré

A Proximité de la ferme où s’affaire le petit groupe d’hommes, Alexandre Drouillon prépare sa carriole et sa marchandise, c’est un bric à brac qu’il entasse dans sa voiture, il est bien le seul à s’y retrouver.

Depuis qu’il s’est marié avec la Emilienne Drappeaud il ne pratique plus son métier de Maréchal Ferrant. Il vend la marchandise de son beau père Maximilien. Ce dernier épicier lui a confié les rênes de la vente au porte à porte. Alexandre s’en accommode fort bien, toujours en chemin à voir du monde. Son bagout le rend bon vendeur et les affaires s’en portent assez bien.

C’est aussi un joyeux drille qui sait lever le coude avec ou sans les clients. Son surnom c’est  » la France  » allez savoir pourquoi il a ramené cela de son service militaire au 27ème dragon.

Les anciens à chaque fois qu’ils le voient ne peuvent s’empêcher de sourire et de se rappeler d’une vieille histoire. Alors qu’il était en convalescence chez sa mère au cours de sa période, cette dernière lui avait fait boire une fiole d’huile de ricin, enfin c’est ce qu’elle croyait en vérité c’était une solution de crésol et de glycérine. Il avait failli être empoisonné et s’en sorti avec l’aide du docteur Jacob de Saint Sauveur de Nuaillé. Il avait failli mourir et avait été la risée de tous pendant un moment. La parution de l’histoire dans le Courrier de La Rochelle lui avait assuré une belle notoriété. L’ingestion de ce désinfectant bactéricide lui avait laissé quelques séquelles et il maudit sa mère chaque jour que Dieu fait..

Il s’élançe pour sa tournée et salue ses voisins au passage. Il doit commencer par le hameau de Rioux, puis par Mille écus, les petites rivières et Anais. Le temps est au beau fixe, la chaleur commence à poindre. Il ne doute guère du bon résultat de ses ventes.

Sa femme Émilienne, avant d’aller rejoindre sa mère à l’épicerie lève son fils René, les vacances se traînent et les taloches se multiplient au fur et à mesure des jours qui restent avant que les vauriens ne rejoignent la férule de monsieur Billeaud.

Avec Alexandre ils sont mariés depuis dix ans, elle l’aime d’un amour raisonnable, bien qu’elle sache qu’il est un peu volage et qu’il a tendance à profiter des femmes seules qui le reçoivent sur le pas de leur porte. Elle en a pris son parti, il revient toujours. Elle n’a aucune velléité d’adultère, les hommes la laissent froide. Pour les choses de l’amour elle se soumet aux volontés de son bonhomme mais se garde bien d’en demander plus.

Non pas qu’elle soit prude ou frigide, loin de là, elle n’est pas grande consommatrice voilà tout.

Ce n’est d’ailleurs pas l’arrivée de leur fils qui a arrangé les choses. L’accouchement avec madame Giraud s’est mal passé et elle a souffert en ses rapports des longs mois.

Elle prend son panier et se dirige vers l’épicerie, au loin elle voit un groupe de personne au niveau de la maison commune, c’est bizarre que ce passe t-il ?

Son père Maximilien doit bien le savoir

De fait il règne dans le village une atmosphère assez étrange, un mélange d’ondes négatives et d’ondes positives. C’est la veille d’une fête, mêlée à l’éminence d’une catastrophe. Chacun se doute, chacun s’imagine son programme, mais tous ont peur.

Alphonse Landret le maréchal ferrant colosse au bras d’acier, rougeaud, sanguin et fort en gueule interrompt son ouvrage. La barre de fer qu’il martèle, perd peu à peu de son rouge sanguin, elle attend en vain le coup qui la forgera. C’est rarissime que ce fier travailleur, amoureux du feu , du fer et des chevaux arrête un ouvrage en cours d’élaboration. Même un défilé de belles dames en petite tenue n’aurait pu lui faire cesser ce qu’il aimait le plus au monde. Mais là au regard des événements qui depuis deux mois s’enchaînent dans le monde, il est comme les autres, fort troublé.

Martial Billeaud, costume, cravate et souliers vernis accompagné de sa femme Marie s’apprêtent à partir sur Saint Sauveur où madame a de la famille.

Eux s’inquiètent que contrairement aux habitudes on ne les salue pas bien bas. L’énervement dans le village est tel qu’on en oublie la politesse.

Martial de haut de ses un mètre soixante cinq en impose autant qui si il était un géant, cet enseignant craint et respecté est au Gué depuis 1898.

Il a donc tiré les oreilles à plus d’un Gué d’Allérien et bon nombre se souviennent d’avoir reçu sur les bouts de doigts des coups de sa grosse règle carrée.

Elle, contrairement à lui n’est guère appréciée, on lui trouve un air de fille de la ville, trop apprêtée, précieuse. Les femmes en rigolent lorsqu’elle se pince le nez d’un mouchoir immaculé, incommodé qu’elle est par les flagrances des tas de fumier.

Elle fait l’importante et tente de côtoyer le beau linge, cela en fait sourire plus d’un. Le traitement d’un instituteur n’est guère élevé et certains cultivateurs besogneux et économes ont certainement un bas de laine plus rempli que notre fonctionnaire.

A sa décharge cette fille de Saint Sauveur d’Aunis est encore belle, ou non disons plutôt jolie. Elle est moins abîmée que les paysannes du coin car exempte de dur labeur. Elle ne va jamais au lavoir et à recours à une lavandière.

Lorsqu’elle déambule dans le village les hommes l’observent en rignochant, légèrement concupiscents.

 

Au vrai elle n’en a cure car l’ impression qu’elle donne est fausse. Cette  mauvaise réputation  lui a été révélée par son amie Léonie Lacour l’institutrice des filles.

Mais comme lui explique cette dernière peu importe une quelconque vérité, seule l’impression qu’elle en donne compte.

Henri leur fils âgé de seize ans, quand à lui, file le parfait amour avec la libertine Angèle, entendons que cette dernière, joli brin de fille délurée  lui en fait voir de toutes les couleurs. Elle est plus âgée que lui et sans lui dévoiler beaucoup de son intimité en a fait son jouet. Ils sont donc à se promener du coté du chemin des charbonniers. Elle doit aller à l’abbaye de la Grâce Dieu et comme un  homme de bât elle lui fait porter sa charge en l’échange d’un baiser.

L’instituteur se dirigeant sur Saint Sauveur et voyant les habitants se diriger vers la mairie fait demi tour. Il passe le pont qui en cette période permet de traverser un ruisseau bien à sec.

Sur la place de la mairie il y a du monde, le vieux Joseph Mélé a quitté l’épicerie de son épouse Honorine. Que peut bien faire ce cacochyme vieillard a piétiner ainsi.

Moise Belnard le tisserand et Moise Martinet le scieur de long devisent en s’agitant, Gapail le marchand de vin a laissé ses commandes et Olivier Richard le charcutier ses boudins. Cela s’agite, cela s’énerve, la foule grossit devant l’éminence d’une grave annonce. Il y a déjà plus de monde qu’à l’office de dimanche dernier.

Soudain la porte s’ouvre, Auguste Petit raide dans son uniforme comme à la parade du 14 juillet tient une affiche à la main.

Le rude et bougon garde champêtre doit se faire jour à travers les habitants qui se pressent .

Derrière lui paraissant calme mais intérieurement bouillonnant le maire Camille Gougaud préside et scrute la foule comme à un comice agricole.

Gougaud c’est un peu le père de la commune, à la fois paternaliste, dur en affaires, grand seigneur et bien sur premier magistrat.

Il est maire depuis 1912 mais avait déjà effectué un premier mandat avant d’être remplacé par son meilleur ennemi Jules Petit.

Il est l’homme le plus aisé de la commune et a fait sa fortune dans les eaux de vie.

Il n’a plus l’âge d’être envoyé aux armées, mais il se doute des conséquences de ce que le garde champêtre va afficher.

Il scrute la foule et devine l’inquiétude sur les regards.

Maintenant ils peuvent lire, les voix s’éteignent, les sourires s’effacent, une femme pleure, un vieux sort son grand mouchoir à carreaux et se mouche bruyamment.

LE ROMAN DES MORTS, ÉPISODE 5, le gueulard d’Édouard

Gustave Tirant , août 1914 village du gué d’Alleré

En cette matinée du 2 août, cela chauffe au foyer de Gustave Tirant, comme toujours, un mot en entraînant un autre la dispute enfle. Le ton monte et bientôt le voisinage sera au courant de leur énième dispute.

Il n’y sans doute guère de raison pour le déclenchement des colères de Gustave et ainsi tous les prétextes sont bons, cela peut être une soupe pas assez salée, un vêtement pas prêt, un refus de devoir conjugal, une dépense excessive, ou simplement la mauvaise humeur.

Loetitia son épouse ne lui envie rien sur le sujet et lui emboîte le pas dans les colères, elle est vindicative, mauvaise et sa langue qu’elle a d’acérée ferait vaciller les couples les plus solides.

Avouons que parfois elle a de quoi s’énerver, le Gustave picole avec ferveur, mange le bénéfice et ne met pas une tendresse excessive quand il veut son dû.

Les vitres tremblent, il a empoigné une ceinture pour lui mettre une volée, c’est son credo, sa volonté , son fantasme, lui mettre une tournée le cul à l’air. Mais la fille du Joseph Coudrin n’est pas fille à’ se laisser humilier, elle campe sur ses positions, hurle plus fort que lui. Il renonce, comme il renonce toujours, elle finit par avoir le dernier mot.

Il va aller se coller un coup derrière la cravate chez Alcide Berthet, au moins au café Agnès la patronne, est bien plus gracieuse et souriante que son harpie.

Les raisons réelles de leurs disputes continuelles sont sûrement profondes, mariés depuis l’année 1897 ils n’ont pas le bonheur d’avoir des enfants. Lui est meurtri de n’avoir pas de descendant à qui transmettre son lopin de terre et son savoir ancestral et elle est frustrée dans son corps et son âme de ne pas avoir enfanté.

Peut-être qu’il n’est pas trop tard, elle a trente huit ans. Alors parfois pleine d’espoir, elle se livre comme une damnée à son minotaure de mari.

Mais rien ne vient, elle commence à croire ce que dit sa mère, tu es marié un bon à rien.

Loetitia a même ouvert sa conscience au curé de la paroisse, mais que peut conseiller un homme sans femme, un homme de Dieu à part des prières.

De dépit elle est maintenant encline à écouter les conseils véreux de sa voisine Églantine Mussat. Si ton homme a l’aiguillette nouée va en voir un autre.

De fait ce n’est pas si idiot que cela, elle est encore jolie et ne manque pas d’arguments pour débaucher un homme. Loetitia qui pense réellement que cela serait une bonne chose ne veut pas se donner à un jeune freluquet, hâbleur et vantard. Non elle a besoin d’un homme fait, sûr de sa puissance et qui ne tomberait pas amoureux d’elle. Elle veut non pas de l’amour mais de la semence.

Malgré tout, elle aime son mari, elle en est sûre, enfin pas toujours. Lorsqu’il lui vient à penser qu’elle aurait pu avoir mieux. Elle voit la petitesse de son homme qui à la toise ne dépasse pas les cent cinquante neuf centimètres, elle voit son visage ovale qui maintenant qu’il commence à perdre ses cheveux le fait ressembler à un œuf. Elle ressent aussi parfois du dégoût pour ce travailleur de la terre à la mise non soignée. Son Gustave n’aime guère le contact de l’eau, ses pieds aux ongles longs sont sales et elle hurle lorsqu’il se glisse dans les draps le soir . Son odeur est celle dont on ne s’accommode guère même lorsqu’on n’est point délicate comme Loetitia. Entre flagrance de boucs et de cochons le fumet oscille. Le grand bain a lieu que lors des grandes occasions, autrement le bénéfice de la petite toilette ne revient qu’à ses mains caleuses et craquelées.

Elle rêve d’un homme à la peau blanche et lisse, parfumé avec goût, dont les beaux habits immaculés seraient posés avec soin lorsqu’il se serait déshabillé pour lui faire l’amour dans des draps de coton soyeux.

N’ayant connu que son rude Gustave, la paille de l’étable et les draps de lin rêches et froids elle ne pouvait que s’imaginer. Cela l’aidait lorsqu’elle avait du vague à l’âme ou que les travaux qu’elle effectuait étaient trop durs.

Gustave son battoir sur l’épaule s’en alla rejoindre le père Raymond. Sur l’air de battage il rejoignit son copain Eugène Jean, un journalier vendéen qui se louait pour les gros travaux. En général et bien que la plupart soient propriétaires et maîtres d’eux même les gros travaux se faisaient en commun.

On battrait les grains chez Raymond, puis on irait chez Tirant et ainsi de suite. Le travail est moins dur, on boit des canons à la régalade et on y commente les derniers événements du village mais aussi de la France. Gustave fait rigoler l’assistance en racontant qu’il s’est encore engueulé avec sa femme et encore une fois se gausse qu’il va lui mettre une tannée. Cela fait rire les autres car tout le village sait que si volée il y a,  c’est lui qui l’a prendra.

Non entre deux commentaires sur le mariage de Marie Louise Coudrin avec un vendéen qui porte le prénom ridicule de Clovis et le nom de Bouhier, ils parlent sans bien comprendre de ce que les journaux appellent la montée des tensions.

Gustave suit les événements par les journaux, mais ne perçoit guère le rapport entre un archiduc autrichien assassiné par un serbe et le déclenchement d’une guerre où participeraient les français.

Au Gué d’Alleré la Serbie on ne sait pas où cela se trouve. Le père Raymond qui est plus intelligent qu’il n’en a l’air se lance dans une explication passionnée, la Russie et son tsar Nicolas II, la lutte pour l’hégémonie dans les Balkans entre l’Autriche et la grande Russie. La France et l’Angleterre qui sont alliées à la Russie qui elle soutient la Serbie. Il y a aussi l’empire allemand allié de l’empire autrichien qui attaque la Serbie.

Les lieux, les pays, les noms dansent dans le cerveau de Gustave, il lâche un peu prise, on verra bien.

Lui, la haine contre les Allemands il ne l’a pas, en 1870 il n’était pas né, l ‘Alsace et la Lorraine il s’en fout pas mal.

En attendant les battoirs s’abattent en cadence, vivement le casse croûte que doit lui amener sa bonne femme.

 

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 1, le début du drame

LE ROMAN DES MORTS, Épisode 2, la bonniche du château

LE ROMAN DES MORTS, ÉPISODE 3, deux femmes pour le même amour

LE ROMAN DES MORTS, ÉPISODE 4, le menuisier du Gué d’Alleré