
Deux jours plus tard, tout est terminé, la commune est vaincue, l’espoir est mort, la volonté d’un monde meilleur s’achève, il ne reste plus que la force et la vengeance.
Paris n’est que ruine, Paris n’est que feu, Paris n’est que mort. Agathe se terre chez elle avec sa mère. Les versaillais fouillent les appartements à la recherche des fuyards, les dénonciations pleuvent, personne n’est à l’abri d’un ressentiment. Dans le quartier tout le monde connaît l’implication des deux blanchisseuses. La concierge en parlant crûment dit que les deux femelles du haut ont donné leur cul aux communards, heureusement la fureur s’éloigne un peu.
Agathe tente de retrouver Auguste, elle fait les hôpitaux, les morgues improvisées, puis les prisons. Aucune trace de lui, rien pas d’information, elle va chez Pierre. Lui non plus n’a pas de nouvelle de son frère.. D’ailleurs il s’emporte contre lui de les avoir mis en péril, c’était foutu d’avance cette histoire.
Agathe est sur le pavé, elle erre comme une âme en peine, une femme qu’elle pense avoir vue rue du petit musc s’approche. Des nouvelles, elle en a, Auguste oui elle l’a bien vu, vivant emmené avec d’autres.
Agathe reprend espoir.
Auguste est à Satory enfermé dans le camps, un à un ils sont interrogés. Nom, prénom, adresse, qualité, on les fusille, on les envoie en province c’est selon. Auguste avec un un groupe d’ouvriers est comme abandonné, le temps passe lentement, on leur donne à manger mais on ne leur dit rien.
A travers le grillage il a cru voir Agathe, il a crié son nom mais ne sait si elle a entendu. Les semaines passent, aux jours succèdent aux jours, il fait chaud c’est l’été. La haine à leur encontre baisse d’intensité, maintenant ce sont les tribunaux qui jugent pas des bourreaux improvisés.
Un jour lui et les autres sont emmenés, c’est leur tour, du monde, des juges. Mais les carnassiers de Versailles sont repus, on ne peut prouver qu’il a pris part à l’action il est relâché.
Un matin, il frappe à la porte de l’appartement du 11 de la rue Beausire, il ne sait qui va ouvrir, il ne sait ce qu’est devenue Agathe. Dans la tenue qui portait lors des événements il attend fébrile sur le palier. La porte ne tarde pas à s’ouvrir.
Agathe voit sur le palier un homme, encore un mendiant, un quémandeur comme il y a en a beaucoup depuis la guerre et insurrection, mais ses yeux se dessillent peu à peu. Derrière le masque de souffrance de cet homme il y a un visage familier, derrière le corps amaigri de l’importun il y a une silhouette reconnaissable entre mille. Elle hurle et appelle sa mère puis se jette dans les bras d’Auguste qu’un moment elle n’avait pas reconnu.
La joie est immense,elle le croyait mort, comme beaucoup, ou bien déporté comme un grand nombre. Lui ne peut rien expliquer, d’autres qui étaient dans sa cellule ont été condamnés lui a juste été interrogé.
Une sorte de destin gracieux, une protection occulte, peu importe il est là. La répression sanguinaire l’a épargné. Agathe par les journaux des vainqueurs a su l’étendue des massacres et des condamnations, elle se consumait d’inquiétude .
La vie a du mal à reprendre, Agathe est presque seule a assumer la tenue du ménage. Sa mère depuis la disparition de son amant , de l’amour qu’elle avait caché à sa fille n’est plus l’ombre que d’elle même. Inconstante en son travail, inappliquée, peu à peu personne ne lui donne plus d’ouvrage. Elle se laisse aller, ses vêtements sont souillés et elle devient d’une malpropreté gênante.
Auguste lui a perdu du poids et tousse beaucoup, son ancien patron au vu de son emprisonnement n’a pas voulu le reprendre, alors il erre dans le quartier à la recherche d’une tâche. Mais son état ne lui permet guère d’effectuer de gros travaux. Il est malheureux et promène son mal. De temps en temps des anciennes connaissance lui payent un canon, mais souvent il refuse, car dit-il, il ne peut rendre.
Suivant la saison il a des rémissions, l’été chaud lui apporte un léger mieux et il se plaît à espérer.
Alors après de longues semaines de galère, il ouvre sa grande main décharnée devant Agathe et lui donne les quelques sous gagnés. Elle lui sourit, l’embrasse se brûle sur sa barbe non faite et l’attire comme autrefois dans un recoin de la petite pièce, profitant de l’absence de sa mère.
Cette fois l’accalmie est bien là les quintes de mauvaises toux s’éloignent , on peut reparler mariage, la date est enfin fixée, les invitations sont lancées.