
Cependant tout n’était pas rose, Auguste n’avait pas recouvré la santé et souvent il était obligé de s’arrêter de travailler. Ses patrons successifs n’appréciaient guère et plus d’une fois il fut renvoyé.
Il avait beaucoup maigri et toussait énormément. Agathe comme une mère avec son bébé le dorlotait, le soignait avec une abnégation sans faille. Elle le bordait, le lavait, le nourrissait, lui racontait des histoires pour le faire tenir allongé encore et encore. Agathe mère ne se faisait guère d’illusion, en vieille habituée de la vie , elle avait posé un diagnostic et s’en tenait là. De fait elle se préoccupait plus de sa fille que de son gendre, d’autant que cette dernière devant l’exiguïté du logis dormait avec son mari malgré cette suspicion de tuberculose. Un jour elles se décidèrent enfin à faire venir un médecin. Il examina Auguste, regarda les deux femmes et leva les épaules en signe d’abandon. Des cas comme cela il y en avait des milliers à Paris, promiscuité, humidité des logements, malnutrition, tout concourait à la propagation de cette terrible maladie.
Bizarrement Auguste se requinqua et l’on reprit un cours de vie normal, certes avec un brin d’inquiétude lorsque l’hiver approchait et que le temps tournait en une pluie farouche.
La santé stabilisée ils se lancèrent alors dans une course à la maternité, tous les deux désiraient ardemment un petit. Ils firent cela avec fougue, croyant que le nombre suppléerait à la qualité. Chaque menstrue était attendue et commentée, chaque retard suscitait l’espoir. Mais rien ne venait, une planche sèche, un ventre aride, Agathe mère disait à tout va au lavoir que son beau fils devait s’y prendre comme un manche et que c’est sûrement lui qui cochait clair.
Le couple pour cette cause se délita, ils en vinrent à s’accuser mutuellement l’un était souvent malade, l’autre peu propre à la conception. Il y eut des scènes de ménage auxquels se mêlaient Agathe mère. Auguste n’était pas de taille à lutter contre deux femelles endiablées, alors il fuyait.
Il se réfugiait dans la boisson, pas l’ivresse encore, mais une sorte de griserie. Il était attablé avec d’autres recalés, avec d’autres incompris, il tapait le carton. Mais il fallait rentrer et soutenir un assaut de parole un jour où la tension était plus forte il faillit lui mettre une gifle. Mais elle fut plus prompte et elle lui abattit une monumentale calotte. Devant sa belle mère, médusé il ne sut quoi faire, fit volte face et se plongea dans l’obscurité parisienne. Il marcha comme un automate toute la nuit, il fut surpris par la lueur du jour et prit soudain conscience de la dérive de son couple.
Lorsqu’il rentra après sa nuit de fugue et la journée de travail qui avait suivi, il trouva sa femme et sa belle mère attablées, elles ne l’avaient pas attendu, il était comme rayé de liste.
Aucune parole ne fut échangée, Auguste épuisé se coucha avec ostentation, marquant chaque geste d’un bruit qui indiquait qu’il était chez lui. Agathe mère dans l’obscurité se mit au lit également et tira son rideau pour s’isoler.
Agathe traîna et traîna encore voulant retarder le moment, elle ne savait comme faire pour s’excuser, pour renouer. Obligée, elle se coula dans le lit en pensant qu’Auguste dormait, elle resta un long moment les yeux ouverts dans une immobilité parfaite.
Auguste savait qu’elle ne sommeillait pas, en lui germait l’idée de se venger, c’était ambigu, il avait envie d’elle mais la haïssait pour la gifle. Il n’était pas méchant, n’avait jamais tenu un magasin d’humiliation. Une idée, celle que tous les hommes ont, vint à son cerveau chamboulé. Il se retourna et monta sur elle. Agathe surprise commença à crier mais Auguste la fit taire en lui mettant sa main sur sa bouche. Elle était tétanisée, ne voulait pas, serra les jambes. Mais il était plus fort,ce fut bref, violent, sans amour, l’acte est immonde. La chose faite il tomba dans un profond cauchemar, Agathe ne bougea pas, paralysée par le viol de son mari, elle se sentait sale; Son esprit était retourné et un jour, une faille se fit dans sa détermination à lui en vouloir. Elle était responsable, elle ne savait le comprendre, jamais elle n’aurait dû le battre, jamais sa mère n’aurait dû être témoin. Oui elle avait tort, alors elle pleura et se lova le long du corps chaud d’Auguste. Dans son sommeil il sentit qu’elle était le long de lui, son odeur de femme l’enveloppa et ses pleurs lui mouillaient l’épaule. Lui aussi regretta, il se tourna et se mit à lui susurrer des mots d’amour.