LE CHANT DU PLOMB, épisode 2, les vapeurs méphitiques

Le patron, lui de la merde il en vit et croyez moi plutôt bien. Tout ce que l’on récupère, lui il en fait commerce. Certains foutent la merde lui il la vend. Je ne connais pas exactement le procédé mais le Léon il a une usine à Paris, tous les jours des charretiers emmènent des tombereaux de merde. C’est mis dans des grandes cuves et on ajoute de la chaux. Le produit finit se nomme la poudrette, j’y suis allé une fois rue du dépotoir à la petite Villette, un vrai cauchemars pour l’odorat.

Le patron tellement il gagne bien, a pu se payer une jeunette , je l’ai vue une fois, pour sur j’en ferais bien mon affaire.

Le Favin il ne fait pas que dans la merde, il est aussi équarrisseur, rien de bien ragoutant mais l’argent n’a pas d’odeur.

Moi aux abattoirs j ‘ai jamais pu y mettre les pieds, je préfère encore mes fosses,l’argent n’a certes point d’odeur mais mon brave patron est nommé fabriquant d’engrais, ce qu’il est assurément. Cela fait mieux que entrepreneur en vidange pour se faire recevoir chez les notables de Provins.

Comme pour se rappeler que lui aussi il avait commencé avec des seaux, ce soir là il avait tenu à conduire le digne convoi. Il le faisait de temps à autre, point bégueule le chef.

Vider une fosse avait un prix et croyez moi le patron du café il avait attendu le dernier moment, la cuve était pleine et les émanations étaient suffocantes. La chaleur augmentait encore la pestilence, nous y étions habitués mais cette fois mon cœur tendait à se soulever.

Il faisait nuit noire, les rues étaient désertes, nous commençâmes notre triste labeur. Nous le faisions comme je l’ai dit, toujours lorsque le citoyen dormait, pour ne pas incommoder.

La noria commença, au début facile nous puisions à plein seaux dans les matières liquides. Ce n’était pas facile l’accès était étroit, les récipients s’entrechoquaient et nous nous en mettions partout.

Le Louis qui savait tout, me dit  » le patron ne nous a pas fait désinfecter la fosse, il économise encore le sulfate de fer, nom de dieu c’est pourtant pas bien cher »

En effet il faut que je vous explique, ce que nous redoutions le plus n’était pas les odeurs mais les gaz, moins l’odeur était forte plus nous devions nous méfier. Ces vapeurs méphitiques portaient un nom compliqué ( Hydrogène sulfuré ), nous on les appelait mofette ou moufette.

Ces émanations étaient très dangereuses et souvent mortelles, le patron il avait obligation de mettre du sulfate de fer pour les combattre mais il s’en foutait et pour économiser se passait bien de cette protection obligatoire. Nous pauvres diables nous avions besoin d’argent., alors en dépit des règles et du danger on effectuait la sale besogne, si on refusait, on se faisait virer, un point c’est tout.

Au bout d’un moment nous ne sentions plus l’odeur caractéristique de l’œuf pourri, j’en fis la réflexion à Valéry. C’est parce que tu es saoul que tu sens rien me répond t’ il. Moi je sais bien ce que je dis et je commence à être un peu oppressé. Je connais bien ce phénomène cela m’est arrivé il y a quelques semaines, un poids sur la poitrine, comme une chape de plomb, je commençais même à pousser des cris involontaires et à rire bizarrement. Quand ils avaient vu cela les autres m’avaient sorti, je poussais le chant du plomb.

Nous n’en étions pas là, Valéry en professionnel aguerri me dit cela pue trop pour que cela soit dangereux. Bon alors si il le dit.

Il nous fallait descendre maintenant dans la fosse, les matières devenaient solides, nous remplissions nos tinettes et la vase était bien brassée. Je remonte et sors à la rue pour vider mon contenant, Louis se fume une pipe car le patron est parti au dépôt pour vider une première tournée.

Je m’en retourne à la fosse et je n’entends plus Valéry, je gueule, il ne répond pas. C’est alors que je le vois, écroulé inerte dans la merde. J’appelle aux secours et je commence à descendre pour aller le récupérer.

Mais témérité , folie, la tête me tourne, ma poitrine me brûle, je m’enfonce dans le néant, je coule dans les rebuts humains. C’est chaud, humide, cela un drôle de goût, pas si mauvais, je vois ma petite bergère. J’arrive à me ressaisir et je m’extirpe de la gangue merdeuse, je n’ai pas réussi à remonter Valéry il faut que j’y retourne, ma faculté de penser est un peu trouble, j’ai mal à la poitrine.

Les autres ne sont toujours pas là , que fait Louis?

Je redescends, mû par une force invisible, je patauge à la recherche de mon compagnon, je le saisis mais il est trop lourd, malgré tout sa tête n’est plus dans la vase il ne se noiera pas.

Moi maintenant je perds pied, je m’affaisse sur moi même, au loin j’entends des voix. Je crois percevoir celle de Léon Favin mon patron, à moins que cela ne soit Louis.

Puis plus rien, seulement une légère brise au dessus de moi. Serais je sorti de la fosse plombée?

C’est Léon Favin qui de retour de son dépôt avec sa voiture s’élança dans la fosse pour récupérer ses deux ouvriers. Louis Mauguet l’aida à installer les deux hommes dans la rue et dans le corridor du café.

Nous étions rue du Val et Léon savait y trouver le docteur Rondeau, il le fit appeler et ce dernier rapidement accouru porta secours aux deux infortunés

C’est un praticien expérimenté de 31 ans, il voit immédiatement l’état gravissime des deux hommes.

Curieusement c’est Valéry Degrelle qui semble se remettre le mieux, malgré que cela soit lui le premier à avoir ressenti les effets de l’hydrogène sulfuré. En tout cas même si son état est inquiétant il a repris conscience.

Le pharmacien Jules Cordier réveillé par le bruit à quitter le nid douillet de son intérieur et est venu porter aide et assistance, il se penche sur Victor allongé sur le trottoir de la rue du Val face au café de l’hôtel de ville.

L’ouvrier est inconscient, parfois il râle, mais est toujours vivant. Les soins prodigués par le docteur et le pharmacien ne suffisent pas. On hisse les deux hommes sur la charrette de Favin et on file à l’hôtel dieu aussi vite que les chevaux le permettent, il y a maintenant attroupement, des femmes en chemise, des hommes à peine habillés jacassent sans rien savoir. Louis Mauguet fait son important et relate les faits. Son action au vrai fut minime car c’est son patron qui est descendu dans la fosse pour sortir les deux hommes moribonds.

L’hôpital n’est pas très loin, les sœurs réceptionnent les accidentés et l’on réveille le docteur Raphaël.

Rapidement l’on sort Degrelle de sa torpeur, il est sauvé, il pue, les infirmières le déshabillent et le lavent.

Par contre le Victor Calu aucun soin ne le sort de sa léthargie, le lendemain matin le médecin constate le décès.

Mort à 19 ans parce que son patron faisant fi de toutes les recommandations n’avait pas fait désinfecter la fosse d’aisance du café de l’hôtel de Ville et n’avait pas fourni de ceintures pour remonter plus vite.

Cet empoisonnement par les gaz était appelé par les vidangeurs le chant du plomb, à cause de la sensation d’étouffement et d’oppression. Lorsque ceux qui en  étaient atteints poussaient des cris involontaires l’on disait qu’ils chantaient le plomb.

Léon Favin fut condamné à l’audience du tribunal correctionnel de Provins du 22 mai 1867 à une amende de 50 francs il dut payer 100 francs de dommages et intérêts à Magloire Calu le père de Victor.

Pour avoir économisé quelques francs Léon Favin a mis en danger ses ouvriers.

Le jeune Calu n’était certes pas un bon élément et les médecins sous entendirent que si il n’avait pas été ivre sa vie ne se serait pas arrêtée tragiquement dans cette fosse à merde d’un café de la ville de Provins.

Métier bien vil, mais nécessaire, les vidangeurs comme maintenant les éboueurs ne devraient susciter qu’admiration en lieu et place du mépris qu’on leur témoigne.

LE CHANT DU PLOMB, épisode 1, un bien sale métier

 

LE CHANT DU PLOMB

Je n’aime pas où j’habite, je n’aime pas comment je suis vêtu, je n’aime pas mon travail, je n’aime pas ce que je suis. Puis je être heureux dans l’environnement où j’évolue, c’est une question que je me pose souvent.

Je suis seul dans ma couche, je suis seul dans la maison, mon père est au travail, deux de mes frères également, un autre est à l’école et le petit dernier encore accroché aux jupons maternels est sans doute aux lavoirs de la rue des marais.

Moi je travaille la nuit alors le jour la maison est à moi, quand je rentre au petit matin je chasse de son lit mon frère Adolphe, alors la paillasse devient la mienne.

Allongé sur ma couche je pense à une petite bergère de la ville haute, nous nous sommes parlés un peu, je crois que je lui plais. Cette évocation provoque des choses en moi et instinctivement ma main va officier dans la joute amoureuse des célibataires et hommes sans femme.

Jouissance que je dédie à ma petite paysanne, je me réjouis de penser qu’elle puisse faire de même en pensant à moi. Nous avons tout l’avenir devant nous, mais il est bien loin encore. Nous sommes jeunes, sans argent et de toutes façons à part lui avoir sourit et lui avoir souhaité le bonjour rien ne s’était passé.

Mon père est marchand de chiffons, Magloire Calu qu’il se nomme, nous ne le voyons pas tous les jours car c’est un travailleur ambulant, il part en tournée à Provins bien sur, mais aussi dans les villages environnants, il pousse une petite charrette et troque des vieux chiffons et des peaux de lapin contre des babioles féminines. Ces tas de chiffons rebut de rebut car un paysan ne jette pas, sont ensuite revendus aux papeteries, pour les peaux de lapin que les ménagères font sécher elles échouent chez les tanneurs. Il emmène quelques fois mon petit frère Adolphe, mais préfère n’avoir personne dans ses jambes pour boire le peu que lui procure son pauvre commerce.

Ma mère, Hortense qu’elle se nomme, je l’admire, elle se tue pour nous, elle a perdu sa beauté depuis longtemps, la pauvreté ne lui ayant pas fait grâce. Elle travaille où l’on veut bien d’elle, elle prend tout, se donne plus qu’elle ne se vend mais ses quelques pièces lui permettent de nous nourrir quand les gains de chiffonnier n’arrivent pas.

Nous habitons rue du pré aux clercs, dans une mansarde en torchis et en bois toute droite sortie du moyen age. Sombre , vétuste, sale , exigue, peu chauffée, peu aérée, on y dort mais on évite d’y vivre.

Je me lève, vole sur la table un reste de quignon de pain, je suis nu car mes habits sont en tas dehors, je les attrape pour m’en draper, ils puent, ils sont crasseux et maculés. Nippé ainsi je ne suis guère ragoutant, mais à pratiquer mon sale boulot comment pourrais je l’être.

Avant de commencer ma nuit de labeur je vais boire un coup dans un petit estaminet, j’y retrouve mes compagnons d’infortune, le Louis Mauguet et le Valérie Degrele. Ils sont tous deux plus vieux que moi, Louis a 31 ans et vit rue des bains, il a trois petits à nourrir.

Valéry lui est encore plus vieux, 44 ans, je l’aime bien ce personnage. Il a un accent bizarre, la plus part du temps on comprend rien, je crois qu’il vient du nord de la France. Il a fait un peu tous les métiers, terrassier, cantonnier, employé de la gare, manouvrier, il n’en garde aucun à vrai dire, buveur, hâbleur ce n’est pas un bon élément.

En général pour se donner du cœur à l’ouvrage on boit un petit coup, chacun sa tournée, ni plus ni moins, mais bon pour une fois je bois un peu plus que mes comparses, Louis me prévient  » arrête petit c’est dangereux », je n’en n’ai rien à foutre de ses conseils, je vais effectuer un boulot avilissant alors je bois pour oublier .

Malgré la nuit qui tombe la température est encore élevée, le temps est à l’orage et au loin derrière la tour César, on aperçoit le ciel déchiré par des flèches lumineuses. Je titube un peu et je raconte pas mal de connerie, Louis me dit de la fermer pendant que nous arrivons à l’entrepôt du patron, rampe de Courloison. Cette courte marche ne m’a pas dégrisé, le Léon Favin si il me voit comme cela il va me foutre dehors. Il n’est pas très finaud et nous nous en méfions tous. Il est toujours le premier arrivé, moi je trouve cela normal, c’est lui qui gagne les sous, nous on est des traînes misères.

Bon le gros Léon il est pas stupide à mon haleine imprégnée d’eau de vie il remarque bien que je n’ai pas bu que de l’eau.  » Victor, je te garde seulement parce qu’il y a plein de boulot, encore un coup comme cela et je te fous dehors ». Je me fais petit et je vais préparer l’attelage pour les chevaux, les autres sortes la charrette , puis les canassons. Ensuite on revêt nos habits de lumière, des bottes et une grande blouse.

Le patron conduit la grande charrette où trônent d’immenses baquets en bois, nous on suit à pied, direction pour cette nuit le café de l’hôtel de ville. N’allez pas croire que l’on va boire un canon, non pas, la fosse est pleine et il nous faut la vider. Car voyez vous moi mon métier c’est de vider la merde, certes il faut bien que quelqu’un le fasse mais nom de Dieu je préférerais être à cent lieux.

A la campagne on chie et on pisse dans la nature mais en ville c’est plus difficile. On ne montre pas son cul et il commence à être mal venu de jeter son pot dans la rue. Remarquez c’est une bonne chose, les bourgeoises n’ont plus le bas des robes crottés et les chaussures vernies des beaux messieurs ne sentent plus la crotte. Je me moque, mais pour l’hygiène et les odeurs c’est quand même mieux que chacun se satisfasse dans les cabinets.

Le problème commun à tous, ce sont plutôt les fosses qui se trouvent sous ces lieux et qu’on appelle fosse d’aisance, car voyez vous comme tout contenant quand c’est plein cela déborde et il faut vider. C’est donc là que nous intervenons avec Valéry et Louis.

 

LA MORT DE COLUCHE, Épisode 3

Au village il redevint vigneron possesseur de quelques terres, une gloire locale sûrement.

Le 28 août 1816 il eut un fils qu’il nomma François Alexandre.

Toute sa vie il profita de sa notoriété et devint même sous lieutenant de la sixième compagnie du 1er bataillon de la garde Nationale de Nangis le 13 juin 1831. On le nomma aussi conseil municipal mais visiblement fâché des procédés employés renonça à cette distinction en écrivant au sous préfet cette missive

Gastins, 8 Novembre 1831

Monsieur le Sous-Préfet,

Ayant été nommé candidat composant le conseil de notre commune, j’avais accepté avec le plus grand plaisir si les élections s’étaient faites loyalement mais comme il est parcouru dans toutes les maisons de solliciteurs et monsieur le Maire luy-même et que cela n’a pas été fait dans la forme voulue, je vous prie d’accepter ma démission et de me rayer sur la liste de candidature.

Recevez, Monsieur le Sous préfet, les salutations les plus sincères de celui qui a l’honneur d’être votre serviteur

Coluche

De ses métiers on retiendra qu’il fut vigneron, ouvrier agricole, jardinier et aubergiste, mais soyons clairs entre la légende et la réalité il peut y avoir quelques divergences.

En 1825 au décès de sa mère il est propriétaire vigneron, en 1836 sur le recensement sa profession n’est pas spécifiée et son fils François est ménétrier, en 1841 aucune mention mais son fils est vigneron, en 1843 au mariage de son fils il est désigné comme propriétaire et son fils vigneron.

Ce n’est qu’en 1846 qu’apparaît la première mention d’une auberge tenue par Coluche mais contrairement à l’iconographie ce n’est pas Jean Alexandre mais son fils et sa bru Françoise Amélie Picard qui sont nommés comme aubergiste. Notre vieux grognard est désigné comme vigneron.

 

En 1851, le vieux bonhomme est dit pensionné de l’état et propriétaire, son fils est aubergiste et vigneron.

Sa femme décède le 05 février 1856 et son fils et sa bru tiennent une auberge.

En 1857 bien sur il reçoit la médaille de Saint Hélène, contrairement à la légion d’honneur elle lui est bien épinglée le 1 novembre de la même année à la préfecture de Melun.

Il est vrai en ces temps où le neveu du grand empereur règne les anciens soldats de l’empire sont à la mode. Jean Alexandre Coluche fait l’objet de bons nombres de récits dans la presse c’est une vedette et l’on se déplace pour l’entendre raconter sa fameuse histoire.

L’auberge du fils qui est nommé  » on ne passe pas  » fait le plein et bénéficie d’une large clientèle attirée par le personnage.

En 1859, il perd sa petite fille et ainsi toute possibilité de descendance .

En 1862 notre vieux carabinier à de nouveau son heure de gloire, il est convié à rendre visite à Napoléon III en son château de Fontainebleau.

On raconte que c’est muni des ses états de services et de son portrait qu’il se présente au factionnaire.

Là aussi les récits divergent, entre le vieux soldat adulateur de son empereur qui se présente spontanément au château et que l’on reçoit et la convocation par l’empereur curieux de voir un pilier de la légende qui peu à peu se construit.

Quoi qu’il en soit il est reçu une heure, ce qui n’est pas rien et l’empereur lui présente même sa famille. A cet age on ne se refuse rien et il aurait prononcé cette phrase en voyant Eugénie  » Eh bien Sir ! Je vous félicite de votre choix et de votre bon goût. « 

Puis avant de partir l’empereur lui aurait demandé si il avait besoin de quelques choses, Coluche aurait répondu  » Je n’ai plus besoin de rien maintenant que je vous ai tous vus, je suis content. Je vous prie seulement de me donner vos trois portraits « 

Il fit  bien et lui donna 600 francs, quelques temps plus tard il lui fit don d’un billard qui trôna dans l’auberge.

Âgé de maintenant quatre vingt deux ans il coulait des jours tranquilles auréolé de toute sa gloire, hélas en 1863 son fils décède.

Le journaliste sans que l’on puisse en déduire quoi que se soit sous entend un drame domestique dont ne serait pas étranger le domestique de la maison un certain Augustin Vervaet et la bru de Jean Alexandre.

Mais n’épiloguons pas quoique….

Le 19 novembre 1866 à Gastins le belge, l’étranger, le Vervaet épouse la veuve Coluche c’est un beau parti, elle a hérité de la fameuse auberge même si des parts appartienneent au vieux soldat.

La différence d’age est notable ( 19 ans ) et l’on jase beaucoup au village. Mais comme dit l’ancien ma bru est est libre de son cul. Cela ne va pas sans heurt car le Vervaet fait comprendre à tout le monde qu’il est le patron. Jean Alexandre n’a plus rien à dire et c’est tout juste si il peut s’asseoir tranquille pour boire un canon de la piquette qui vient de ses vignes.

Non de dieu c’est quand même bien ma maison j’y suis né et ce billard qui me l’a donné?

Puis en 1867 notre héros quitte la scène, un enterrement banal ou tout de même les pompiers lui rendent hommage.

De nouveau il fit la une des journaux, réapparaissant de temps à autre.

Ce fut sa belle fille remariée au grand flandrin de Vervaet qui hérita de tous ses biens en 1872 ils sont tous les deux à la tête de l’auberge ils le seront toujours en 1876.

En quelle année l’auberge fut elle vendue, mystère mais en 1881 les deux époux sont cultivateurs et apparaît un Adolphe Plisset comme marchand de vin.

En 1886 la fameuse auberge de Coluche appartient à Adolphe Plisset qui la transmettra à Emile Plisset, entre temps madame Picard veuve en premières noces du fils du carabinier Jean Alexandre est décédée à son tour.

L’héritage de la famille Coluche est aux mains de Vervaet qui pourra bientôt se dire rentier ( recensement 1891 ).

Le bonhomme se remarie rapidement c’est un beau parti, en avril 1887 il se lie avec une servante de ferme du nom de Marie Fournier cette fois c’est elle qui est plus jeune de dix ans.

Cela ne l’empêchera pas de mourir avant lui en 1904.

Notre vieux belge vécut une fin heureuse entouré des soins d’ une servante nommée Gabrielle Henriot, cette jeunette de  quarante six ans était elle sa maitresse ou bien une simple domestique?

Mais revenons à notre héros, tout appartenait à Vervaet et surement aussi la concession funéraire car en 1908 notre Belge choisit comme lieu de sépulture, la tombe de sa femme mais par la même celle de son premier mari François Coluche et du père de celui ci notre Jean Alexandre notre fameuse sentinelle.

Voila vous savez tout, non encore un détail, personne ne voulut des vieille reliques du chevalier Coluche et il s’en fut de peu que comme les ossements ils ne fussent jetés.

Heureusement un nommé Emile Ligonesch marchand de vin s’accapara le brevet de la légion d’honneur, l’épée de sous lieutenant de la garde, la médaille de Saint Hélène et son certificat.

Que sont devenus ses pieuses reliques, antiquaires, collectionneurs, descendants du marchand de vin ou simplement détruits?

En tout cas le billard serait toujours sur Gastins à l’heure ou j’écris ses lignes.

L’auberge n’est plus une auberge mais une plaque indique le passage de notre vaillant guerrier, quant à la tombe elle est toujours honorée mais contrairement à 1908 elle ne porte plus le nom de Vervaet Augustin mais celui de Coluche.

L’auberge Plisset n’existe plus mais l’établissement juste à coté existe encore sans avoir beaucoup changé.

LA MORT DE COLUCHE, Épisode 2, On ne passe pas

Comme je vous l’ai expliqué dans le premier épisode les restes de Jean Alexandre Coluche furent sauvés in-extrémiste et il s’en manqua de très peu pour que les ossements de se brave ne fussent dispersés dans une fosse commune et que nous ne puissions venir nous recueillir sur sa tombe.

Ce brave parmi les braves fut en sa jeunesse comme beaucoup d’autre happé par la conscription Napoléonienne, né le 30 mars 1780 à Gastins dans ce qui était la province de la Brie.

Comme les autres ses racines sont paysannes et son père Jean Coluche exerçait la profession de charretier. N’ayant pas souffert de l’autorité paternelle car son père est mort alors qu’il avait deux ans il a été élevé par sa mère Marie Muraton.

En 1801 ayant tiré le mauvais numéro il se retrouve carabinier au 17ème régiment d’infanterie lègère.

Il fut de toutes les grandes batailles, Austerlitz, Iena, Friedland, mais le fait qui nous intéresse et qui le fit devenir célèbre se passe lors de la campagne d’Autriche en 1809.

Nous sommes le 3 mai 1809 le soir de la triste boucherie d’Ebersberg. Jean Alexandre est de garde au palais, insigne honneur mais aussi insigne corvée. N’allez pas croire que sa faction se passe devant un superbe château car tous les endroits ou réside l’empereur sont nommés ainsi fussent ils des taudis. En l’occurrence la garde se passe devant une modeste demeure miraculeusement conservée des flammes qui ont ravagé la petite ville.

Le soldat Coluche a une consigne très ferme, on n’entre pas et on ne sort pas à moins d’être accompagné d’un officier.

Les minutes passent lentement lorsqu’une silhouette se présente, Coluche hurle un retentissant  » on ne passe pas  ». L’inconnu marque une hésitation mais poursuit son cheminement.

Jean Alexandre croise alors sa baïonnette et gueule  » si tu fais un pas, je te plante ma baïonnette dans le ventre  »

A ce bruit les généraux , les aides de camps de l’état major sortent et entraînent Coluche vers le corps de garde.

L’affaire est d’importance il a bien faillit embrocher son empereur, comprenant enfin son erreur il se targue de sa consigne. On lui fait miroiter le conseil de guerre, le peloton d ‘exécution, il se défend, il n’a fait qu’obéir aux ordres.

On le traîne devant Napoléon, que va t’ il advenir de lui. L’empereur en fin communiquant n’est pas homme a punir l’exemplarité, bien au contraire.

 »Grenadier tu peux aller mettre un ruban rouge à ta boutonnière, je te donne la croix .

 » Merci mon empereur mais il n’y a pas de boutique dans ce pays pour acheter du ruban »

 » Eh bien, prends une pièce rouge à un jupon de femme ça fera la même chose »

La légende est en route, même si le récit diffère d’un chroniqueur à un autre, même si le geste est magnifié et que les mots employés ne sont pas exactement ceux qui furent prononcés,notre Jean Alexandre Coluche devint célèbre dans toute l’armée, vous vous rendez compte il est celui qui faillit embrocher le petit caporal.

Ruban sans médaille il lui fallut continuer les combats et il sera blessé à Wagram. Remis de sa blessure il suivra son régiment dans la tragédie espagnole.

Il y restera jusqu’en 1813 et remontera pour participer à la campagne de France, il combattit près de chez lui sur des terres qu’il connaissait bien. L’épopée se termina pour lui à Arcis sur Aube où il fut blessé d’une balle dans la tête. Pour survivre on se doute que cela ne devait guère être grave mais pour lui les combats étaient bels et bien terminés.

Son empereur abdiqua, son régiment fut dissout et il est probable qu’il rentra chez lui.

Bien qu’il affirme qu’il participa à la campagne de Belgique en 1815, rien n’est moins sur car jamais il ne fournit d’information sur le régiment dans lequel il se trouvait. Ce fut peut être une hâblerie de sa part quand plus tard l’on pouvait se glorifier d’en avoir été.

Ce qui est sur c’est qu’il se maria le 25 juillet 1815 à 12 heures avec Marie Madeleine Élisabeth Moreau. Convenons que pour un militaire qui avait combattu le 18 juin à Waterloo, il avait été vraiment rapide. Mais bon puisqu’il le dit.

Il lui fallait maintenant se faire officiellement reconnaître comme chevalier de la légion d’honneur, ce ne fut guère facile en mars 1817 il dut prouver son identité dans un certificat de notoriété, car en effet le 12 mars 1814 à Soisson, l’empereur lui avait décerné le fameux sésame mais au nom de Pierre Colache. Bref il était bien chevalier mais sans le brevet original qu’il n’avait jamais reçu, et bien sur sans médaille.

Bref pour résumer, reconnu par tous comme membre de la légion d’honneur, Napoléon lui attribua le ruban le 3 mai 1809, fut fait chevalier le 12 mars 1814 et son brevet ne fut signé que le 26 octobre 1821 à Paris. A partir de quel moment il toucha sa pension nul ne le sait mais il y a fort à parier qu’il ne la toucha pas avant que ne soit régler tout ses problèmes administratifs.

LA MORT DE COLUCHE, Épisode 1, une bien étrange sépulture.

LA MORT DE COLUCHE

Il est bien loin le chemin de la gloire quand il faut payer, qu’on en juge .

Il fait un froid de gueux en ce mois de janvier 1908, un vent d’est balaye la plaine Seine et Marnaise et nos deux cantonniers sont transis de froid malgré l’effort qu’ils produisent.

Il a gelé fort cette nuit et la terre grasse du cimetière de Gastins est prise sur une belle profondeur.

Il faut pourtant œuvrer car un nouvel occupant va bientôt s’installer à demeure dans ce froid jardin .

Après plusieurs heures d’effort ponctuées de pauses vinicoles les deux fossoyeurs finissent par tomber sur plusieurs ossements. Il fallait s’y attendre, bien qu’habituellement les dépouilles charnelles en cette terre humide retournent rapidement au néant.

Ils savent pertinemment à qui appartient les premiers os, ce sont ceux de feue Françoise Picard la première femme du futur locataire. Mais il faut en convenir elle n’était pas seule car deux autres morceaux de corps se dévoilent à leurs yeux.

Pour sur il ne reste pas grand chose le temps a fait son œuvre. Les lascars s’en doivent d’aller trouver le maire pour décider de ce qu’on allait faire de cette découverte impromptue. Le trou est fait, les os blancs attendent en tas sous la pluie hivernale.

Pour le maire monsieur Garnot la situation était fort claire,  » nom de dieu l’Auguste il nous emmerdait de son vivant et maintenant qu’il est mort c’est pareil ».

La réponse donnée aux deux hommes fut partielle, le maire connaissait l’identité des personnes enterrées là bas mais par contre n’avait aucune idée de ce qu’il devait en faire.

L’ Auguste en question était un vieux bonhomme qu’on surnommait le  » belge  » car il était né il y a fort longtemps dans les Flandres orientales. Arrivé dans la commune comme domestique en 1866, il était devenu aubergiste, propriétaire et rentier. Ce n’était pas son assiduité au travail qui l’avait mené où il en était mais plutôt ses mariages.

Auguste Vervaet puisque c’est son nom n’était pas un compagnon de tout repos en témoignent ses nombreux passages au tribunal, bagarres, diffamation, coups et blessures, toujours prit de boisson en son quartier général du père Plisset endroit qu’il connaissait fort bien comme on va le voir.

Son mauvais caractère, un héritage controversé et une sombre affaire qui causa la vie à un gamin du village lui faisaient une réputation sulfureuse.

Monsieur le maire lâcha enfin le morceau, ces restes appartenaient à la seule célébrité que le village eut connue et il était probable que les autres morceaux appartiennent à son fils .

Seulement voilà, il n’y avait à sa connaissance aucune famille.

Qui allait devoir se charger des frais pour un autre cercueil, certainement pas la commune.

Il y avait bien le neveu du défunt Joseph Vervaet qui après tout avait bénéficié des largesses de notre grand homme et qui était l’héritier de l’Augustin. Il s’opposa à toute contribution de sa part.

Il fallut trouver une solution et surtout que celle ci ne vienne pas aux oreilles de la presse locale et aussi des autorités préfectorales. C’est l’un des ouvriers qui trouva la solution, une grande boite à harengs fumés en bois, on y casa l’ensemble des reliques rejetées et le tout fut de nouveau enterré dans la tombe officielle d ‘Augustin Vervaet, voila une affaire rondement menée, que d’histoires pour quelques os,

Seize mois plus tard Paul Lagardère un journaliste du  » Petit Parisien » voulut faire un article sur le célèbre Jean Baptiste et se rendit à Gastins sur sa tombe, il ne la trouva pas lui même car ce simple tertre planté d’un pieu couronné d’une planche de hêtre clair découpé en écusson ne portait que la simple épitaphe  » Warvaet Augustin décédé le 15 janvier 1908 âgé de 73 ans  ». Il fallut bien lui conter l’histoire et c’est sous son ‘impulsion journalistique que la société archéologique de Seine et Marne donna 20 francs pour faire améliorer l’humble demeure d’un si grand homme.

Maintenant je crois que je vous ai fait assez languir, notre célébrité locale se nommait Jean Alexandre Coluche, les passionnés d’histoire connaissent sa saga les autres peut être pas.

Dans un autre épisode je vous narrerai donc la vie de ce simple soldat qui par la seule volonté de son caractère permet que je parle de lui encore aujourd’hui.

petit parisien 24 mai 1909

A bientôt pour la suite

MARIAGES ENTRE COUSINS

Autrefois trouver chaussure à son pieds n’était pas une chose particulièrement facile, de multiples contraintes faisaient face au prétendant au bonheur.

Comme nos ancêtres se déplaçaient à pieds leur rayon de recherche se réduisait à quelques kilomètres et les unions se passaient dans un cercle disons d’une douzaine de kilomètres, ce qui on en conviendra est déjà une belle distance pour se rencontrer à l’aide de ses jambes et de ses sabots.

Une autre contrainte était celle de l’age, pour pouvoir se marier il fallait un petit pécule et si la famille ne le fournissait pas il fallait se le constituer, cela retardait souvent les unions et il est donc fréquent d’avoir des mariés qui dépassent allègrement les 25 ans. C’était par ailleurs une façon de réguler les naissances.

Donc pour résumer, il fallait trouver une femme dont l’age correspondait dans une zone géographique bien définie. Malheureusement ce n’était pas tout, dans une société paysanne et pour le moins rurale, les structures sociales étaient bien définies et le mariage était avant tout un contrat social entre deux familles. En bref un riche n’épousait pas une pauvre, un laboureur se mariait avec une fille de laboureur et un journalier se liait souvent avec une journalière. Cette endogamie professionnelle pesait très fort dans le choix d’une épouse, préservation des terres lors des partages, main d’œuvre pour la mise en valeur de l’exploitation familiale.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas le mot endogamie, c’est l’obligation pour un individu de choisir son conjoint dans un groupe bien déterminé, même race, même région, même métier, même classe sociale etc.

Donc avec cette restriction supplémentaire, vous imaginez que le choix se réduisait encore.

Les familles qui peuplaient nos campagnes avaient parfois l’obligation de marier leurs enfants à des membres de leurs propres familles. Cela tenait souvent lieu de la nécessité.

Les mariages familiaux étaient le plus souvent le fait de cousins, il fallait de toutes manières obtenir une dispense de consanguinité auprès du curé de la paroisse qui transmettait la demande à Monseigneur l’Evêque. Je ne parle ici que des cas les plus courants et non de mariage princier ou les liens familiaux étaient encore plus resserrés.

La révolution française simplifia et autorisa le mariage entre cousins.

En l’occurrence nous avons tous des mariages entre cousins dans nos arbres.

J’ai choisi pour illustrer le propos un double mariage charentais, ce qui est assez marrant et ce qui m’a attiré est le fait que les quatre mariés portent exactement le même noms

Nous sommes le mercredi 10 novembre 1813 dans la petite localité charentaise de Vars, situé au nord d’Angoulême, la commune est un gros bourg rural de presque 2000 habitants.

Deux familles en ce jour s’apprêtent à marier leursenfants, mais s’agit ‘il bien de deux familles ou d’une seule ?

Jean Marchive cultivateur au hameau de Brars et son frère François cultivateur également au même endroit vont s’unir respectivement à Jeanne Marchive et à Anne Marchive. Ils n’ont pas eu à courir bien loin pour convoler les deux sœurs résidant dans le même hameau.

Ces quatre mineurs au regard de la loi se connaissent depuis toujours.

Dans ce coin reculé de Vars la population est souvent apparentée et les Marchive y sont légion.

Jean et François vivent et travaillent en famille avec leur père Jean Marchive et leur mère Jeanne Malet.

Jeanne et Anne vivent et travaillent également en famille avec leur père Jean Marchive et leur mère Louise Salée.

Pour faire simple Jean Marchive va unir ses enfants à ceux de Jean Marchive, ces derniers ont la même profession, habitent la même commune dans le même hameau.

Ils se connaissent également depuis très longtemps.

Jean Marchive le père de Jean et François est le fils de Jean Marchive et de Jeanne Quantin.

Vous me suivez !

Jean Marchive le père de Jeanne et d’Anne est le fils de Jean Marchive et d’Anne Grézillon.

Comme vous l’aurez sans doute deviné ou pas , Jean Marchive et Jean Marchive sont de la même commune, ont la même profession et demeurent dans le même hameau.

Bien j’arrête le suspense, Jean et Jean sont les fils de Jean Marchive et de Suzanne Allard.

Je vais m’arrêter la.

Faisons le calcul, nos quatre tourtereaux du mois de novembre 1813, sont bien de la même famille.

Leur lien commun est leur arrière grand père Jean Marchive.

Nous sommes bien en présence d’une endogamie familiale , mariage dans une même famille )

Nous retrouvons l’endogamie professionnelle car tous sont des cultivateurs.

Pour finir la démonstration nous sommes également en présence d’une endogamie régionale car tous du même hameau.

Avant la révolution une dispense de consanguinité eut été nécessaire pour ces cousins issus de germain.

J’ignore si les enfants de ses cousins germains eurent à souffrir des méfaits de la consanguinité mais une nombreuse descendance leurs est venue.

D’autre part de nombreux Marchive demeurent toujours à Vars.

Jean Marchive le marié mourut en 1825 entouré de son frère François et de son père Jean.

François Marchise le second marié est mort nettement plus tard en 1871 au hameau de Brars qu’il n’a jamais quitté.

Jeanne Marchive la première mariée est morte en 1829 au hameau de Brars après s’être remariée avec un cultivateur du même hameau que son premier mari.

Anne Marchive la deuxième mariée eut une existence bien brève car elle mourut un mois après son mariage à l’age de 16 ans.

Mon exemple est un exemple comme un autre mais il est tout de même assez rare de cumuler les mêmes noms et les mêmes critères d’endogamie.

 

Jean Marchive et François Marchive ——————Jeanne Marchive et Anne Marchive

I                                                                                     I

I                                                                                     I

Jean Marchive et anne Malet —————————Jean Marchive et Louise Salée

I                                                                                      I

Jean Marchive et Jeanne Quantin———————Jean Marchive et Anne Grezillon

I                                                                             I

Jean Marchive et Suzanne Allard

 

 

A QUEL AGE MOURAIT ON DANS UNE VILLE AU 18EME SIÈCLE, LA ROCHELLE VILLE OCÉANE, SUITE

 

Clocher de l’église Saint Jean du Perrot

PAROISSE SAINT JEAN DU PERROT

Encore une paroisse tournée vers la mer comme coincée entre le vieux port, la porte des deux moulins et le ruisseau de la Verdière.

Petite par sa taille elle n’enregistre que 55 morts ( plus deux sans indication d’age )

31 hommes, prépondérance dut aux activités portuaires et 24 femmes

La constatation est la même que pour la paroisse précédente car la moyenne d’age des décès est de 29,34.

27,51 pour les hommes et 31,66 pour les femmes

23 décès de 0 à 3 ans, la aussi une mortalité infantile effrayante se montant à 41,8 %

PAROISSE SAINT SAUVEUR

La paroisse se trouve jouxtant le port, le chenal Maubec, la paroisse Notre Dame et la paroisse Saint Barthélémy, centre de l’artisanat, c’est un monde grouillant d’ouvriers en tous genres.

Le constat est alarmant, 97 décès pour une moyenne d’age de 29,92 ans

La disparité hommes et femmes est parlante, 21,6 pour les hommes et 37,61 pour les femmes.

La présence de 3 octogénaires et de trois nonagénaires dont l’une de 98 ans vient légèrement augmenter la moyenne féminine.

Comme dans les autres paroisses une forte mortalité entre 0 à 3 ans , 36 décès soit 37,11%

Passons maintenant à la dernière paroisse celle qui fut crée en premier,

PAROISSE NOTRE DAME

DÉPÔT DE PAUVRES

Avant de commencer la paroisse proprement dite examinons les décès dans un dépôt de mendicité ou comme on le nomme dans les registres paroissiaux un dépôt de pauvres.

Ce dépôt ouvert en 1765 près de l’actuelle rue saint François, on y accueillait des vagabonds, des mendiants, des femmes débauchées, des condamnées des démentes, enfin bref tous les parias. c’est plus une prison qu’un hôpital et l’on y entrait pas volontairement ni de gaieté de coeur

Quand on étudie les actes on s’aperçoit qu’ils viennent de la France entière et pour bon nombre des pays voisins, vraisemblablement attirés par un travail éventuel ou un embarquement aux Amériques.

Cet endroit entre hôpital et prison avait un caractère répressif évident.

Il y eut 79 morts en cette année 1783 la moyenne d’age étant de 39,9 ans, chiffre non diminué par une mortalité infantile.

Dans cet aumônerie il y avait plus d’hommes que de femmes,  53 décès masculin pour 26 féminin, mais il est vrai qu’ils y avaient plus d’hommes que de femmes sur les routes.

La moyenne pour les hommes est de 47,79 alors que pour les femmes elle n’est que de 23, 9.

Il saute aux yeux que ce dépôt était fréquenté par de toutes jeunes femmes d’où la ridicule moyenne de ce mouroir.

HÔPITAL DAMES HOSPITALIÈRES

Il existait aussi près de la rue Rambaud, l’hôpital des dames hospitalière, où l’on accueillait que des femmes. Ces dernières venaient de toutes les paroisses mais aussi d’autres diocèses. Fondé par lettre patente en  1629 et tenu par les dames hospitalières

31 décès pour une moyenne de 44,2 tout en sachant que des dames âgés allaient finir leur vie la bas.

PAROISSE PROPREMENT DITE

233 décès pour cette grande paroisse ouverte sur la campagne par la porte de Cougne et par la porte Royale.

De nombreux artisans, notamment des fariniers car de nombreux moulins y déployaient leurs ailes, ainsi que de nombreux boulangers attirés par les sources.

Beaucoup de laboureurs et journaliers car les terres cultivables jouxtaient l’immédiat territoire de la ville.

La moyenne d’age est la aussi ridiculement basse, 26 ans.

Comme partout ailleurs la moyenne féminine est un peu plus élevé mais vraiment légèrement

28,10 pour les femmes contre 24,72 pour les hommes.

Si l’age des décès n’est pas très élevé le bilan s’alourdit à cause de la mortalité infantile.

Pour les moins de trois ans il est de 83 décès soit 35 %.

Après les paroisses rendons nous à l’hôpital général pour y faire un bilan

HÔPITAL GÉNÉRAL

Cet endroit accueillait les pauvres et les mendiants et était tenu par des sœurs, la mortalité est purement effrayante. La aussi presque un lieu de rétention, on raflait régulièrement les vagabonds pour les interner dans les hôpitaux généraux. Ils y travaillaient dans des ateliers et des manufactures. Celui de La Rochelle est fondé en 1662 ( édit royal ).

60 décès pour les moins de trois ans sur un total de 95 soit 63 % .

Ce pourcentage rend illusoire toute moyenne, d’autant que l’on venait y mourir de toutes les paroisses. Mais après calcul elle est de 20,6 ans.

Étudions maintenant le cas des décès des protestants.

Deux registres le premier concerne le cimetière protestants rue du prêche et l’autre celui des protestant n’ayant pas droit à une sépulture ecclésiastique

1er cas, nous entrons dans le monde des négociants, des bourgeois et capitaines de navire et  bien sur quelques artisans mais en général le niveau social est plus élevé que chez les catholique

Moyenne général 45 ans, femme 46 et hommes 43,8.

2ème cas, la aussi immense majorité de négociants

Moyenne 33,80 ans femmes 30 et hommes 33, 5 ans

dans le cas des protestants provenance divers sur l’ensemble des paroisses.

EN RÉSUMÉ

Paroisse saint barthélémy

68 décès, 34 hommes 34 femmes

age moyen 33,7 ans

Femmes 34,9

Hommes 32,7

Mort de 0 à 3ans, 18 soit 26%

Paroisse Saint Nicolas

87 décès, 39 hommes 48 femmes

age moyen 31,28 ans

Femmes 36,06

Hommes 27,71

Mort de 0 à 3 ans, 30 soit 34%

Paroisse Saint Jean du Perrot

55 décès, 31 hommes 24 femmes

age moyen 29,34 ans

Femme 31,66

Hommes 27,51

Mort de 0 à 3 ans, 23 soit 41,8%

Paroisse Saint Sauveur

97 décès, 49 hommes 48 femmes

age moyen 29,92 ans

Femmes 37,6 ans

Hommes 21,6 ans

Mort de 0 à 3ans, 36 soit 37,11 %

Paroisse Notre dame

233 décès, 120 hommes 113 femmes

age moyen 26

Femmes 28,10

Hommes 24,72

Mort de moins de 3 ans, 83 soit 35%

Comme on peut le voir les moyennes d’age sont toutes basses quelques soit la paroisse, la mortalité infantile est stupéfiante et frappe quelques soit le milieu de naissance.

La mort ne fait donc pas la différence entre gens riches et gens pauvres.

Pour ce qui est des hôpitaux, il ne fait pas bon y vivre non plus

Dépôt des pauvres : 79 décès, age moyen 39,9

Hôpital général : 95 décès moyenne d’age 20,6

Hôpital saint Barthélémy : moyenne 32 ans pour les gens de passage plus militaires et marin dont les ages ne sont pas précisés

Dames hospitalières : 31 décès age moyen 44 ans

Dames Saint Étienne : 9 décès age moyen 33 ans

Pour ceux qui serait intéressés par le sujet lire l’excellent livre de Pascal Even

 » les hôpitaux en Aunis et Saintonge  »

A QUEL AGE MOURAIT- ON DANS UNE VILLE AU 18EME SIÈCLE? LA ROCHELLE VILLE OCÉANE

A QUEL AGE MOURAIT- ON DANS UNE VILLE AU 18EME SIÈCLE? LA ROCHELLE VILLE OCÉANE

 

 

Je me suis toujours demandé si dans une époque reculée les riches et les pauvres étaient touchés par la mort de la même façon.

J’ai donc tenté de répondre à mon interrogation en analysant les décès des différentes paroisses de la ville de La Rochelle pour l’année 1783.

Chaque paroisse de cette petite ville, fermée d’une ceinture militaire, comportait ses spécificités, les habitants s’y groupaient souvent par corporation ou pour le moins par types de métiers,  »négoce, artisanat, monde maritime, paysannerie, bourgeoisie, monde ouvrier.

Bien sur ces paroisses n’étaient pas entièrement hermétiques et des pauvres côtoyaient des riches, la société n’était pas entièrement close.

Les beaux hôtels pouvaient jouxter des immeubles où s’entassait la plèbe, mais néanmoins comme actuellement certains quartiers, certaines paroisses étaient plus huppées.

La ville blanche était découpée en cinq paroisses :

Paroisse Saint Barthélémy, paroisse Saint Jean du Perrot, paroisse notre Dame, paroisse Saint Sauveur, paroisse Saint Nicolas.

La paroisse Saint Barthélémy est celle des beaux hôtels, et des belles demeures, mais par la porte neuve cette entité est aussi tournée vers la terre et vers l’extérieur.

La paroisse Saint Jean du Perrot est plus tournée vers l’océan, elle forme comme un îlot entre la mer , le port, la Verdière et le Lafond. On y rencontre beaucoup de marins et beaucoup de professions liées à un port.

La paroisse Saint Nicolas est presque une île, on y rencontre là aussi des marins et des artisans travaillant pour les industries liées aux activités portuaires.

La paroisse Saint Sauveur est liée au monde de l’artisanat et du commerce, mais le port n’étant jamais loin elle est aussi abondamment habitée par un monde hétéroclite de marins , de portefaix et de tonneliers.

Puis nous avons pour finir la paroisse la plus ancienne celle par où tout a commencé, ouverte vers les terres, campée légèrement sur une hauteur, artisans, fariniers, boulangers et tout un monde de passage attiré par le port et par le grand large.

Dans certaines paroisses , ils existaient des hôpitaux ou des dépôt de pauvres et aussi une prison. J’ai choisi de ne pas les inclure et de les traiter à part, car la plus part des gens qui y décédaient, n’appartenaient pas à la paroisse.

Pour la détermination des métiers, j’ai choisi celui du père ou du mari.

Voila les choses étant dites nous pouvons commencer notre étude.

PAROISSE SAINT BARTHELEMY

Hôpital Saint Barthélémy

Sur cette paroisse se trouve l’hôpital Saint Barthélémy, uniquement réservé aux hommes,il y a eu 162 décès pour l’année étudiée.

Établissement où étaient hospitalisés les soldats et les marins. Il est le plus vieux établissement de la ville puisque fondé en 1203 par un riche armateur Mr Aufrédy.

37 marins et 49 soldats ainsi que 4 prisonnier anglais, pour ces militaires aucune mention de l’age n’a été faite.

Pour les autres, l’age est mentionné et nous trouvons une moyenne de 32 ans ce qui est bien peu.

Leur profession est la plus part du temps manuelle et tous sont notés par les frères comme pauvres.

Pour exemple on compte 11 journaliers, 6 jardiniers, 5 domestiques et 5 tonneliers, les autres sont rouliers, charretiers, tailleurs, perruquiers, vignerons, cordonniers, couteliers, boulangers, maçons et aussi guichetier de la prison.

La plus grande partie de ces pauvres laborieux n’est pas de la paroisse de La Rochelle ni de son diocèse, car sur le nombre seulement 4 sont mentionnés comme natifs des environs. Les autres viennent de la France entière et aussi de l’étranger.

Hôpital Saint Étienne

Réservé aux femmes pauvres et malades, dirigé par les sœurs de Saint Étienne ou Forestière. Fondé en  1709 par une paroissienne nommée Anne Forestier ( protestante nouvellement convertie )

Il accueillait des femmes pauvres et malades et se trouvait au niveau de l’actuel magnifique café de la Paix.

9 personnes y décédèrent pour une moyenne d’age de 33 ans, la plus jeune  8 ans la plus vieille  64 ans.

Bien évidemment et là aussi les décédées ne sont pas de la paroisse.

Prison rue Chaudrier

Deux hommes et une femme sont morts en ces lieux , un homme 34 ans et la femme 48. Pour le deuxième homme l ‘âge n est pas mentionné.

Décès paroisse

Maintenant passons au cœur de notre étude à savoir les décès à domicile. Il y en eut 68.

La moyenne d’age est de 33,7 ans, ce qui est la moyenne des deux hôpitaux précédemment cités.

Égalité parfaite entre les hommes et les femmes 34 hommes et 34 femmes.

Sur 68 décès nous constatons une énorme mortalité infantile, car je recense 18 enfants de moins de trois ans.

Si la personne la plus âgée est un homme de 86 ans, la moyenne chez les femmes est plus élevée: 34,9 ans contre 32,7ans pour les hommes

Nous rencontrons dans ce quartier qui est rappelons le celui des grands hôtels, une part notable de négociants, courtiers, capitaines de navire, écuyers au conseil du roi, huissiers, procureurs, directeur chambre de commerce. Mais aussi bon nombre de laboureurs et de jardiniers qui sortaient par la porte neuve pour travailler sur les terres hors les murs, nous y trouvons aussi quelques métiers de l’artisanat, maréchal, loueur de chevaux etc.

Ancienne église Saint Nicolas ( maintenant hôtel )

PAROISSE SAINT NICOLAS

Comme je vous l’ai dit c’est un univers de marins, de charpentiers de marine, tout y fleur bon l’océan et la plus part des activités y sont liées.

Il y a eut 87 décès.

48 femmes et 39 hommes

La moyenne est de 31,28 ans

La mortalité des moins de 3 ans est effrayante car ce n’est pas moins de 30 enfants qui décèdent dans ce créneaux soit 34,4%

Ces morts précoces font évidemment chuter la moyenne car on y rencontre de vénérables vieillards, dont une veuve de charpentier de marine âgée de 91 ans et 5 autres qui meurent octogénaire.

La moyenne d’age pour les femmes est de 36,06 ans

Pour les hommes elle n’est que de 27,71 ans ce qui est fort peu même pour l’époque.

On peut déjà constater que la terrible mortalité infantile ne peut être compensée par ces quelques vieillards

LES CHARNIERS DE L’ILE DE RÉ

 

 

Jean comme tous les jours pénétra dans le vaste bâtiment qui servait d’hospice civil au petit bourg de Saint Martin de ré. Faisant office de croque mort , accompagné de son aide François, il venait quérir leur charretée quotidienne de cadavres

En entrant dans la première salle il croisa sœur Adélaïde la supérieure du couvent des filles de Saint Vincent de Paul , il la salua et s’enquit du nombre de morts à transporter.

Aujourd’hui encore la tâche serait rude, l’épidémie avait fauché son lot de jeunes hommes.

Au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans les méandres des salles, le nombre de malades augmentait, il y en avait partout, tant l’hôpital manquait de lit pour faire face à l’afflux massif de soldats contaminés. Dans les salles des grabats supplémentaires avaient été rajoutés aux lits habituels, on devait les enjamber pour se mouvoir. Chaque couloir, chaque recoin, chaque cage d’escalier recelaient son quota de moribonds. Les préaux servaient de salle d’attente et même les combles avaient été squattés pour pallier à l’affluence.

L’odeur qui émanait de cet entassement était indescriptible, les effluves de sang se mêlaient à celles des vomissures, l’acre senteur de l’urine se mélangeait à celle douceâtre des excréments. Les fades relents des paillasses pourrissantes s’unissaient aux nacres émanations de sueur des hommes qui savent qu’il vont mourir. Dans un coin presque oublié, un jeune garçon d’une vingtaine d’années les yeux ouverts déjà vitreux exhalait une flagrance de mort. Jean se dit qu’il faudrait commencer par ce pauvre hère avant qu’il ne pourrisse et ne fasse qu’un avec sa litière de mauvaise paille.

Les vivants pour la plupart fiévreux attendaient stoïquement leurs derniers instants, les sœurs s’affairaient, soignaient,nourrissaient et réconfortaient les pauvres condamnés.

L’afflux toujours croissant de malade fit que l’on délocalisa à l’hôpital de la marine, à l’aumônerie Saint Louis et à l’ancienne église du couvent des Capucins mais rien n’y faisait nous étions en ce mois d’août 1811 en plein pique épidémique.

L’hôpital avait été réquisitionné en tant qu’établissement de place de guerre de première classe, il était géré par un médecin militaire et du personnel militaire y officiait aidé par les sœurs de Saint Vincent de Paul.

L’île de Ré était en état de siège et un nombre incalculable de soldats étaient entassés dans la place de Saint Martin.

En effet l’administration militaire avait décidé de grouper les conscrits réfractaires du grand sud ouest pour des raisons évidentes de facilité de surveillance, ils arrivaient par colonnes entières et étaient logés dans des conditions épouvantables. Ces arrivées massives entraînèrent une surpopulation, la citadelle regorgeait d’hommes, il fallut en loger dans des tentes et chez les habitants. Les ressources alimentaires furent rapidement épuisées et la malnutrition fit son apparition. Entassement, mauvaise hygiène, mauvaise alimentation, association explosive qui entraînèrent rapidement une épidémie.

Le colonel Dubreton commandant de la place et le général Jarry gouverneur ne s’en préoccupèrent point. Ils laissèrent pourrir la situation et envoyèrent au ministère et à l’empereur des notes d’un optimisme non dénué de flagornerie.

En attendant les décès s’accumulaient, mais menu fretin, gibet de potence ces jeunes réfractaires n’étaient qu’insignifiance.

Jean fit le tour des salles et avec François Renard le commis il comptabilisa six soldats à emporter. Il y avait eu pire.

A l’aide d’une civière il descendit avec son adjoint tous les corps, ils les entassèrent dans une charrette et les conduisirent sur leur lieu de repos.

La fournée du jour appartenait au 7ème bataillon de conscrits réfractaires ils étaient tous en instance d’incorporation dans un régiment de type pénal comme le 29ème régiment léger, le régiment de l’île de Ré ou le régiment de Walcheren.

 

Sur le dessus gisait Denis Chantre, fils de François et Marie Maunac, enfant de Champagne et Fontaine en Dordogne . Il avait refusé de servir et avait rejoint un groupe de réfractaires qui se cachaient dans la forêt avoisinante. Malheureusement une troupe de gendarme à cheval qui ratissait le pays l’avait cueilli lui et ses comparses fuyards. Il fut conduit de marche en marche à Saint Martin de Ré et s’était retrouvé comme bête que l’on parque. Entré moribond le 28 juin 1811 à l’hospice il avait survécu trois semaines dans ce mouroir ce qui était à n’en point douter un genre de record.

Il était là maintenant comme une carcasse vouée à l’équarrissage, les yeux que personne n’avait pensé à fermer, vous regardaient fixement comme une prière éternelle.

Le corps se figeait en une posture ridicule, gisant clownesque sans public.

Les formalités effectuées les entrepreneurs de la mort partirent en direction du cimetière des Chartrains. Le vieux cimetière de la ville était plein, un autre dut être ouvert à l’extérieur du village. La charrette grinçante passa la porte des Campanis et pris la route de la Couarde, la garde souleva chapeaux mais blasée ne fit d’autres commentaires. Devant le grand nombre de décès une fosse commune avait été creusée, les corps rangés têtes bêches comme des sardines en boite étaient recouverts de chaux, l’odeur de charogne empuantissait tous les environs et même les effluves marines n’assainissaient point l’atmosphère. Des nuées de mouettes se battaient avec des nuées de grolles en un festin dantesque. Jean et François en vieux habitués firent fis de la puanteur et déchargèrent leur fardeau. Alignés comme à confesse, certains semblant rire et d’autres se tordre de douleur les cadavres attendaient leur détroussage. Jean se mit en devoir de mettre nus les cadavres, les défroques d’uniformes pouvant être monnayées. Parfois des petits malins avaient même cousu dans la doublure du manteau quelques petites richesses. Un négoce fort lucratif s’était instauré entre Jean et un fourrier de la citadelle. La rigidité des clients rendit la tache ardue, le soleil tapait dru, heureusement la chopine était fraîche. Le butin fut bien maigre et c’est avec dépit que Jean et François balancèrent les corps dans la fosse. Des centaines s’y tenaient déjà, car plus de 400 soldats étaient déjà morts depuis le mois d’avril.

Denis Chantre notre enfant de Dordogne avait tout risqué pour ne pas mourir à la guerre victime des guérilleros Espagnol, des bandits Calabrais ou des cosaques Russes il périt tristement loin de son père et de sa mère assisté seulement par le râle lointain des autres mourants et par le grondement sourd des vagues de l’océan se brisant sur les murailles de la ville.

Aucun des touristes qui foulent en masse cet endroit ne soupçonnent l’existence de charniers où reposent plus de 3000 malheureux, aucune stèle ne rappelle le martyr de ces gamins qui sont morts de ne pas savoir voulu mourir.

L’administration Napoléonienne avisa la famille en mai 1812

LA MORT DU JEUNE FRANÇOIS

En ce 16 mai 1811, il fait déjà chaud sur le petit bourg de Champagne et Fontaine dans le département de la Dordogne. Il est trois heures de relevée  et Pierre Labroux mène son cheval à l’abreuvoir. Il vient de fournir sous la cagnasse un rude labeur et il ne faudrait pas qu’il en crève.

Pierre est un solide quinquagénaire, veuf depuis quelques années déjà, il travaille dur à sa terre, et souhaite transmettre son patrimoine intact à son fils lorsqu’il rentrera de la guerre.

L’homme et la bête s’abreuvent à la même source quand soudain une violente douleur déchire la poitrine de Pierre, il s’écroule, sa vision se trouble, il voit des hommes en arme alignés comme à la parade, des nuages de fumée et un homme empanaché sur un cheval qui hurle des ordres.

Il entend également , comme des bruits de tonnerre, des cris déchirants et des hennissements de chevaux qui s’emballent.

Puis plus rien, allongé, immobile, il sent son cheval qui le renifle, comme inquiet. La douleur dans sa poitrine a disparu, mais un mauvais pressentiment le gagne alors qu’il se relève péniblement.

La sensation fugace d’un malheur le taraude maintenant.

Au même moment à mille cent kilomètres

Église d’Albuera,  Estramadure, Espagne : diorama de la bataille, musée d’Albuera

En ce 16 mai 1811 sous une pluie diluvienne près du petit bourg d’ Albuera en la région espagnole de l’Estramadure, François Labroux au coude à coude avec ses camarades de la colonne avance.

Le déluge vient du ciel, mais aussi des lignes anglaises, la fusillade est intense, le bruit des mousquets et de la pluie empêchent aux hommes d’entendre les ordres, la confusion est grande.

Jamais, depuis qu’il combattait dans les rangs de l’armée impériale du grand Napoléon il ne s’était trouvé confronté à un tel acharnement, une telle violence.

Pourtant depuis son recrutement en décembre 1805, il en avait vu, des collines de Bavière aux plaines polonaise, gelées ou boueuses. Des montagnes d’Espagne traîtresses aux insurgés espagnols fanatisés par des prêtres gorgés de haine et commettant les pires atrocités .

Oui vraiment il en avait vu, mais ici

Les soldats continent à tomber, le sang gicle, des bras et des jambes sont arrachés, serrer les rangs, continuer d’avancer sous la mitraille. Les écrevisses font vaciller la ligne française, le général Pépin commandant la division s’écroule, c’est la fin, la troupe se débande.

Il est trois heures de relevée, une douleur foudroyante dans la poitrine submerge soudain François. Il s’écroule, des corps le piétinent. Un liquide chaud et poisseux s’écoule de son torse.

Puis l’obscurité, les bruits vont s’estompant, dans un halo de lumière, François voit son père, tenant cheval à la bride et le menant à l’abreuvoir, il voit sa mère penchée au lavoir et ses sœurs, robes bleues et fichus blancs qui jouent à colin maillard dans un pré vert de sa belle Dordogne.

Un grand coup de pieds le sort de sa torpeur, la douleur l’immobilise, quelqu’un lui retire ses godillots, on le fouille, faire le mort surtout ne pas bouger.

Son pantalon glisse le long de ses jambes, il est maintenant nu, les détrousseurs s’en vont .

La nuit est maintenant tombée, au loin des bivouaques, autour de lui à la lueur blafarde de la lune il ne voit qu’un enchevêtrement de corps nus, des bras , des jambes, des chevaux, l’odeur de la mort, du sang de la merde et des tripes. Des râles font échos au silence glacial de la nuit.

Sa vie s’échappe, une dernière lueur, il n’est plus.

Le corps de François comme celui des autres, qu’il soit Anglais, Français, Espagnol ou Portugais fut déposé dans un brasier pour être réduit en cendre.

Les têtes brûlant mal,étaient jetées en un charnier avec les os mal consumés. Loin de sa Dordogne natale, cet enfant de France repose en terre Espagnol, victime d’une bataille perdue, victime d’une guerre perdue.

Les Français perdirent cette bataille d’Albuera et le Maréchal Soult, tout Jean de Dieu qu’il fut dû faire retraite. Sur 18 000 soldats engagés par les français, 7000 furent tués ou blessés. Cet affrontement inutile est l’un des plus meurtriers de la guerre d’Espagne.

François Labroux notre fils de Dordogne faisait parti de:

Armée du Midi : Maréchal Jean de Dieu Soult duc de Dalmatie ( 1769 -1851 )

5ème corps d’armée : Général de division Girard ( 1775 – 1815 ), mort de  blessures reçues à Waterloo.

2ème division : Général de division Pépin ( 1765 – 1811 ), tué à Albuera

2ème brigade : Général  de brigade Maransin ( 1770 – 1828 ), grièvement blessé à Albuera

28ème léger : Colonel Praefke  ( 1758 – 1811 ), tué à Albuera

2ème bataillon

1ère compagnie.

Sa famille fut informée le 24 août 1812, et son décès retranscrit sur le registre d’état civil de Champagne Fontaine.