UN INFANTICIDE REFOULÉ , PARTIE 2, LE MENSONGE

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Marthe, ce fut bien bien simple, nia tout en bloc, elle n’était pas enceinte, n’avait pas accouché et n’avait pas été visité par le médecin. A ce niveau de mauvaise fois les meilleurs volontés s’effacent.

Mais des dénégations, les magistrats n’en avaient cure, ils avaient les morceaux de l’enfant qui avec certitude n’étaient pas arrivés tous seuls . Ils se rendirent à Saint Siméon et firent de nouveau examiner Marthe. Le docteur Mie confirma les dires du docteur Mullot, elle avait bien accouché.

Mais non et encore non elle nia.

Marthe fut placée en garde à vue en attendant son transfert à la prison de Coulommiers.

Une autopsie pratiquée sur l’enfant montra qu’il avait été découpé vivant, d’abord la tête, puis les mains, puis les bras et les cuisses.

Marthe croyant sans doute à l’impunité jeta également sa chemise ensanglantée brodée avec ses initiales au même endroit que les malheureux restes.

Les médecins ayant donné leur accord pour un transfert, on vint chercher madame en coupé et on la convoya à Coulommiers, la foule se pressa à Saint Siméon pour voir passer la démembreuse.

Le 11 juin 1895 la Doublet fut emprisonnée à la prison de Coulommiers.

Au cours de l’enquête on détermina que Marthe savait qu’elle était enceinte car dans des lettres, elle en avait informé son amoureux. Bien sûr obstinément elle affirma que ce n’était pas vrai mais les lettres produites ne faisaient aucun doute.

Dans ses missives, elle avouait qu’elle ne voulait pas garder l’enfant et qu’elle désirait avorter, lui, réaffirmait son amour et son souci constant d’une réparation par le mariage.

D’ailleurs de ce mariage il en était bien question car aucun des parents ne s’y opposait.

Le futur marié Albert Legras était soldat au 1er régiment de génie de Nancy, il avait bien conscience que son amie était enceinte, d’ailleurs le 14 avril 1895 lors de sa dernière permission il y avait eu visite charnelle et réaffirmation de l’état de grossesse de Marthe. Il avaient même discuté du futur prénom.

Bien sûr comme pour le reste la fille Doublet nia et nia encore.

Mais il fallut bien en finir, Marthe fut déclarée saine d’esprit, elle avait bien accouché comme le certifiaient les médecins, l’enfant était viable à la naissance et bien vivant lorsqu’elle l’avait tué.

La défense de Marthe Doublet était suicidaire et elle termina par ces mots  » je n’ai pas eu d’enfant  »

Le défenseur maître Lustin demanda au jury qu’il prenne en compte l’absence de preuve et qu’il ne fasse pas montre d’une excessive sévérité.

Le jury après seulement 10 minutes de délibération déclara Marthe coupable et la condamna à sept ans de travaux forcés.

Le drame était maintenant terminé. Marthe était jeune et ressortirait de détention en 1902 seulement âgée de 29 ans. Elle pourrait sûrement refaire sa vie, avec un homme qui lui apporterait de l’amour et de la stabilité. Elle pourrait même si Dieu le voulait procréer une autre fois et cette fois l’assumer.

Le 24 novembre 1895 elle fut transférée à la maison centrale de Clermont dans l’Oise.

Elle rejoindra ses nouvelles compagnes dans le donjon et elle y effectua des travaux de broderie, elle fabriquera des corsets, confectionnera des cartons ou réalisera des tapisseries. Elle pourra se confectionner un petit pécule pour sa sortie car les bénéfices au donjon de Clermont étaient partagés entre l’entrepreneur qui récupérait un tiers des sommes, des condamnées qui en avaient un cinquième et l’administration qui récupérait le reste.

Elle n’eut guère le temps d’avoir une rédemption car la maladie l’emporta 17 mois après son incarcération.

Que c’était il passé dans la tête de cette lointaine cousine, peur de perdre sa place de domestique, peur d’avouer sa grossesse en un monde dur, peur de se marier au père de l’enfant, nul ne pourra le dire maintenant.

Conservons simplement en mémoire que les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’elles n’y paraissent et qu’il ne nous appartient pas de juger ce qui la fit basculer dans l’horreur.

UN INFANTICIDE REFOULÉ , PARTIE 1, LE MENSONGE