
Des semaines étaient passées et Marie Élisabeth n’avait pas vu réapparaître son virulent amant. Son coquard qui les premiers jours comme un étendard déchiré marquait sa défaite s’estompe et ne se remarque plus qu’à peine.
De la correction, de l’agression qu’elle a subi rien visuellement ne persiste.
Elle a repris son commerce et sert du vin dans sa petite auberge comme si rien ne c’était passé. A la voir souriante, pimpante dans sa tenue on pourrait la croire heureuse. Seule sa fille Augustine qui circule entre les tables avec des chopines sait son secret. La nuit dans la solitude de sa couche sa mère pleure, sanglote. C’est un chant sans mélodie, alourdi de fausses notes. Comme un petit chien seul dans le froid de sa niche, l’autrice de ses jours pleurniche en une lancinante partition. Depuis la journée funeste le beau voyou n’est pas réapparu, Madame Lacoste Testard affirme même l’avoir vu au bras d’une drôlesse près du quartier Notre Dame de Cougne. Tout est possible avec un tel oisillon, Augustine en est soulagée mais sa mère comme jalouse en souffre en secret. Puis un jour sans que personne ne s’y attende le voilà de nouveau attablé à l’auberge, souriant, gouailleur, enjôleur. Le bougre a même un cadeau pour Marie Élisabeth, un joli foulard rouge, il se fait gentil l’accroche lui même au cou de l’aubergiste. Elle sent sa chaleur, elle se pénètre de son odeur de jeune mâle dominant. Pour un peu elle se mettrait à genoux pour le supplier de revenir, se faire pardonner de n’avoir pas été gentille. Il se fait servir maintenant un repas, régale un copain de passage. Augustine est ulcérée, il ne paye rien à l’évidence, se fait rincer le gosier par sa proie. Elle se promet que ce soir elle restera avec sa mère pour que le marin ne reprenne pas possession des lieux et de son gibier. C’est une lutte à mort qu’elle doit mener.
Mais le diable sait se faire saint, il repart comme il est venu. Madame Robin chante pour elle même, il est de nouveau présent, elle va de nouveau être une femme. Elle va se faire jolie si il revient demain. Avec sa fille c’est une explosive explication, mais Augustine a beau argumenter, l’affaire est entendue. Sa mère est folle, idiote de croire qu’à cinquante ans ses charmes sont assez puissants pour attirer dans ses rets un homme dans la force de sa jeunesse. Elle risque un, » il n’est qu’un barbeau », et une gifle la cueille au milieu de l’auberge. Les clients surpris un temps suspendent leurs libations puis plongent leur regard dans leur consommation. Chacun s’occupe de ses affaires et ce n’est pas plus mal.
Augustine finalement lâche l’affaire elle n’ a pas à s’immiscer dans les affaires de cœur de sa mère, tant pis pour elle.
Tous les jours le macrotin est là, il a perdu son travail, Augustine s’aperçoit que sa mère puise dans la caisse. Lui le joli cœur s’installe à demeure. Il boit, il mangen, sa mère se conduit comme une gamine. Elle donne tout ce qu’elle a et use son corps au travail et en nuit folle. Mais un jour ivre et lassé de la vieille, il tente de goûter le fruit merveilleux de la jeunesse. Augustine se retrouve à fuir les vilaines pattes du vicieux pilotin. Elle se retrouve en chemise, à moitié nue sur le palier et s’en va tambouriner à la porte d’Étienne Meunier le porte-faix. Au bout d’un moment qui semble à Augustine une éternité, la porte s’ouvre. Étienne en chemise et en bonnet de nuit un brin ridicule les yeux embués de sommeil est fortement surpris de se retrouver face à sa jeune voisine.
Bientôt rejoint par sa femme Rosalie qui comprend immédiatement la situation, Étienne fait rentrer la petite.
La situation devient inextricable et le lendemain le porte-faix en vient aux mains avec le gigolo. Le voisinage s’inquiète et l’on se demande si on ne doit pas requérir à la force publique. Mais là encore chacun se détourne et s’en retourne à ses occupations. Augustine reste un peu chez ses voisins et de nouveau le profiteur sans doute lassé par les chairs ramollies de sa vieille concubine part en neuvaine. Élisabeth pleurniche et n’est guère contente de récupérer sa fille. En attendant les économies sont parties avec le beau merle et le bouillon devra se faire moins gras un petit moment.
MACROTIN, MAQUEREAUTIN, subst. masc.,
1.Subst. masc.Homme qui débauche et prostitue les femmes et qui reçoit d’elles l’argent qu’elles tirent de la prostitution.Synon. barbeau (arg.), entremetteur, mac (arg.), proxénète, souteneur, taulier (arg.).Retourne à tes tripots, tricheur… à tes putains, maquereau!… (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p. 353).Julot, un maquereau! C’est-à-dire qu’il dit qu’il est un maquereau. Mais il n’est pas foutu de l’être. Moi je l’ai vu payer sa femme (…) une femme qui était en maison, qui gagnait plus de cinquante francs par jour (Proust,Temps retr., 1922, p. 813):
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