UN FUNESTE DESTIN, Épisode 13, un curetage mortel

Encore une fois ma mère poussa des cris d’orfraie, maladroit, idiot, incapable. Je la laissais dire par respect. De toutes façons Marie imprégnée des saintes recommandations de monsieur le curé ne voulait pas entendre parler d’une sexualité autre que reproductive. Je parle un peu savant car on m’a expliqué cela, en langage clair, je ne pouvais délivrer ma semence qu’en le corps de Marie, je ne pouvais la posséder que par les voies dites naturelles et pour sur ma femme répugnait à toutes aventures dignes de catin du vieux port de La Rochelle.

Cela ne se passa pas comme prévu, accablée par le travail, les tâches ménagères, l’allaitement de Nini, elle voulut en plus m’aider dans les gros travaux d’hiver.

Un matin au champ, Marie eut une vive douleur dans le bas du ventre et sa robe se teinta de rouge. Courageuse, elle voulut poursuivre mais son corps l’abandonna et elle s’écroula dans un sillon. Avec son frère qui labourait non loin on la ramena à la maison. Apparemment c’était choses de femmes et l’on nous renvoya à nos bœufs. La Marie avait perdu beaucoup de sang ainsi que des déchets brunâtres. Elle s’était aussi souillée en vomissant et ma mère avait fait venir le praticien. Ce que je sus en rentrant c’est que je n’aurais pas de bébé, quand à Marie elle n’était pas belle à voir, la douleur lui avait retiré la couleur du visage, blême, have, blafarde, déjà gisante de marbre blanc. L’enfant mort dans son ventre n’ y était plu, le chirurgien à l’aide d’une curette l’avait évacué.

Mais Marie avait maintenant de la fièvre et Monsieur Junin nous prévint qu’un curetage n’était pas sans risque pour la mère

De fait son état empira, la fièvre persista, toujours des vomissements et une forte douleur au bas ventre. La nuit fut catastrophique et maintes fois on crut la perdre. Vaillante guerrière elle lutta plusieurs jours mais le mardi 9 janvier 1841 dans un dernier spasme elle rendit son âme à dieu.

Le curé était à nos cotés, nous étions donc tranquille pour son avenir dans les cieux.

J’étais effondré car je n’avais pas imaginé ce dénouement, contrairement à mes deux premiers veuvages j’en fus grandement affecté. Ma première femme était morte en prison et je ne l’avais pas vue partir, pour la deuxième ma foi j’étais bien présent mais est ce dureté de ma part ou sentiments ambigus je n’avais pas ressenti une peine très chrétienne.

De plus j’entrevoyais qu’avec deux enfants ma vie ne serait guère facile. La première corvée fut de se mettre en quête de mamelles pour ma fille. Pas sevrée elle hurlait depuis des heures de ne pas être nourrie . Quand à François il ne comprenait guère que sa mère si aimante couchée dans ses plus beaux atours avec un chapelet dans ses mains jointes ne répondit pas à ses appels.

Elle eut droit à de belles planches de fruitier que j’avais dédiées en premier lieu à un buffet droit. Je les portais personnellement au menuisier du village. Ma mère et ma belle mère lui avaient fait une belle toilette mortuaire, pure comme le jour de sa naissance qu’elle serait la belle Marie quand on lui jetterait quelques pelletées de terre sur le ventre.

L’enterrement fut lugubre comme un soir d’hiver, nous étions endimanchés, chacun avait revêtu ses beaux atours. La bière posée sur une charrette, le curé et ses petits enfants de cœur, puis nous, silencieux derrière pour suivre le corps de ma splendeur trop tôt disparue. Tête basse, nez reniflant, yeux humides et semis clos nous avançâmes vers le jardin du repos sis au pied de l’église du village. Respectueusement les hommes se découvraient et les femmes se signaient, la haine à mon encontre avait disparu, remplacée maintenant par de la pitié.

Le fossoyeur avait eu toutes les peines du monde à lui creuser son trou, la terre étant gelée sur une forte épaisseur. Il faisait si froid que le curé expédia sa cérémonie, je comprenais mais cette précipitation non chrétienne était à la limite de l’indécence.

Le tout expédié je payais le curé, le fossoyeur, le menuisier et un coup à boire aux participants de notre triste cortège.

La soirée fut très dure, lorsque je me couchais je croyais sentir les pieds toujours froids de mon aimée. Je me tournais et retournais pour rechercher sa présence ne serait ce qu’une odeur, mais rien, désespérément rien, juste un vide absolu.

Dans notre société le mieux à faire lorsque vous aviez des enfants à élever était de vous remarier. Mais voilà j’étais un peu le maudit du village, je faisais un peu peur aux filles à marier et de plus j’avais passé l’age de faire le beau aux fêtes du village. Non il me fallait une femme à négocier, elle m’aiderait à élever les enfants et moi je lui donnerais une relative aisance. Je ne me sentais pas obligé de l’aimer et elle ne serait pas non plus contrainte d’éprouver quoi que ce soit pour moi. Bien sur il ne fallait pas qu’elle me rebute car elle devrait tout de même me satisfaire.

En fin d’année 1844 on me fit rencontrer une jeune femme qui pourrait correspondre à mes attentes.

Maintenant un autre problème se faisait jour, il était d’ordre moral, la mère de ma défunte était encore vivante mais subsistait grâce à nous et à son fils. Devais- je maintenant, que sa fille n’était plus là, continuer à l’aider. Ma mère, avare, dure et égoïste me poussait à arrêter ma charité. Maman toujours en veine de bons mots sortit à la cantonade avec le nombre de femmes ,qu’il enterre cela va nous couter cher en entretien de belle mère.

Finalement une mauvaise récolte me fit devenir sec en argent et en cœur et ma belle mère fut classée indigente par la commune.

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