Théroigne de Méricourt approche de l’entrée de l’assemblée. Une détermination farouche se lit sur son visage. Une bande de tricoteuses, ignobles mégères, à l’haleine empestée de mauvais vin et aux mains calleuses barrent l’entrée.
Théroigne bien déterminée à pénétrer dans le saint lieu tente de forcer le passage.
Les hideuses poissardes la traitant de Brissotine forment un impénétrable barrage.
La raison aurait du prévaloir et l’amazone de la révolution faire volte face.
Elle en appelle à la garde et la fureur des femmes du peuple se porte à son comble.
Une gaillarde à la forte corpulence saisit à bras le corps la pauvre Théroigne. Chacun pour cette fessée patriotique y mit du cœur à l’ouvrage, la robe de Théroigne fut remontée et bloquée sur les cuisses d’une mégère le cul impudiquement dévoilé.
Un attroupement se forme aussitôt, les gardes concupiscents poussent par leurs cris les tricoteuses à accomplir leur méfait. Des badauds s’avancent excités et des femmes richement parées aux combles de l’ignominie encouragent par de fortes acclamations les horribles poissonnières.
Les coups s’abattent avec violence sur les blanches fesses, chacune armée de futaie lui cingle le postérieur.
La foule excitée par la correction se densifie, Théroigne hurle, les femmes la fessent, des députés pétrifiés où excités par le spectacle n’osent ou ne veulent intervenir.
Le martyr continue, le cul rouge sang, le visage noyé de larme, l’humiliation au cœur, Théroigne subit encore et encore. L’une des brutes veut la mettre entièrement nue pour que le reste de son intimité soit dévoilée à la foule concupiscente. Mais arrive maintenant l’idole des parisiennes, lui seul peut faire cesser cet honteux spectacle.
Marat par une intervention autoritaire fait arrêter la fessée.
Les folles à sa dévotion lâchent Théroigne. Le silence se fait, l’amazone de la révolution baisse sa robe et s’enfuit morte de honte.
Marat à peine rentré dans la chambre sacrée ,que la nouvelle croustillante se repend dans le tout Paris.
La belle et la fière Théroigne de Méricourt a reçu une fessée cul nu devant une attentive assemblée par les représentantes du peuple vengeur.
Théroigne 1788
Cette volée de futaies précipita la chute de cette première féministe et l’entraîna dans les abîmes de la folie.
Mais qui était réellement cette femme ?
Née à Marcourt dans l’actuelle Belgique en 1762 dans une famille de laboureurs son véritable nom est Anne Josephe Terwagne.
Son enfance est celle d’une fille de paysans jusqu’au décès de sa mère lorsqu’elle a 5 ans, placée dans différentes familles puis dans un couvent, elle reviendra chez son père à l’age de 12 ans. Cela ne se passa pas au mieux avec sa nouvelle belle mère et elle se sauva pour devenir vachère puis servante. On imagine la proie qu’elle devait être. A l’age de 17 ans la vie lui sourit en la personne de madame Colbert qui la prend comme demoiselle de compagnie et l’éduque. Elle apprend à lire et à écrire, à jouer de la musique et enfin à chanter.
Elle s’émancipe bientôt et commence sa vie de femme. A Paris puis à Londres, elle tente une carrière de chanteuse. Séduite par un officier elle devient mère, sa carrière ne décolle pas et elle se retrouve en Italie ou elle vit à la façon d’une demie mondaine. De ses aventures multiples elle contracte la syphilis. Cette femme libre de son corps, sans attache ( sa fille est morte en 1788 ) est attirée par le chant des sirènes révolutionnaires.
Elle rejoint Versailles et se fait remarquée par sa présence assidue dans les tribunes dans la nouvelle assemblée nationale. Vêtue en amazone, entièrement de rouge , de blanc ou de noir on la surnomme déjà la bacchante révolutionnaire.
Elle se fait maintenant appelée Théroigne. Elle détonne auprès de la gente féminine qui n’est guère préparée à une émancipation quelconque.
Cette femme qui s’habille en homme et parle de politique se prête à la moquerie ou à la haine. Les femmes de cette fin du 18ème siècle ne sont pas mures pour porter culottes et parler d’affaires.
Elle ne fait pas partie du cortège qui ramène la famille royale sur Paris. Elle rejoint alors la capitale et ouvre un salon rue du Bouloy.
Les révolutionnaires influents se pressent dans le sillage de celle qu’ils nomment la belle liégeoise. Siéyes l’inventeur du tiers état, Petion, Brissot, Fabre d’Eglantine, Romme fréquentent assidûment l’endroit.
La belle est la cible des contress révolutionnaires qui la couvrent d’ordures et d’ignominies dans leurs brochures. Ils lui font une réputation sulfureuse et elle devient la catin du peuple.
Pensez donc une femme qui porte culotte, assume sa sexualité, demande l’égalité homme femme est une personne un peu en avance sur son temps et forcément incomprise ( y compris par les femmes ).
N’ayant plus la cote et les finances au plus bas, elle rentre en Belgique fin 1790, mais manque de chance elle est arrêtée par les autrichiens. Soumise à interrogatoire et emprisonnée elle n’est libérée que 9 mois plus tard sur intervention de l’empereur d’Autriche.
La santé altérée par l’emprisonnement et la syphilis elle revient à Paris en fin d’année 1791.
Sa popularité est de nouveau au plus haut, elle fait son entrée au club des jacobins au coté de son ami Brissot chef de file des Girondins.
Elle est pour l’entrée en guerre et tente de créer une phalange d’amazones, elle milite pour l’égalité homme femme.
En août 1792 elle participe activement à la prise des tuileries, mais encore une fois la presse se déchaîne et elle est même accusée du meurtre d’un pamphlétaire royaliste.
Elle est rappelons le une amie de Brissot et est à ce titre considérée comme une girondine.
Brissot est l’ un des chefs de file de cette mouvance politique et lutte avec opiniâtreté contre la faction des montagnards aux mains de Marat, Robespierre et Danton ( pour simplifier ). La Gironde et la Montagne sont des factions Républicaines qui s’opposeront de septembre 1792 à juin 1793. La lutte sera fatale à la Gironde et une grande partie des députés périront sous la pression de la terreur montagnarde.
Puis arrive en mai 1793 cette déconvenue qui lui sera fatale et qui l’entraînera avec sa neuro syphilis vers une aliénation mentale et un internement qui durera de 1794 à 1817 l’année de sa mort
Avec Olympe de Gouges, elle représente l’avant garde du féminisme. Olympes sera guillotinée et Théroigne deviendra folle, qu’elle triste fin pour 2″ grandes dames ».
Notons que Théroigne inspirera de nombreux auteurs dont le grand Baudelaire, elle inspirera également Eugène Delacroix dans son tableau la liberté guidant le peuple.
Décriée par les hommes pour ses positions avant-gardiste elle n’en fut pas moins outragée par des femmes. Mais gageons que les tricoteuses dispensatrices des fessées révolutionnaires péchaient par un manque d’éducation notoire qui les empêchaient de percevoir le travail d’opinion qu’effectuaient ces femmes d’un autre temps.