Porte de la prison donnant sur la rue du Palais
JOSEPH HERBERT
PRÊTRE RÉFRACTAIRE ET BRIGAND DE VENDÉE
Lorsque ce 5 septembre 1793, extirpé de sa geôle située au palais de justice de La Rochelle, Joseph est en paix avec sa conscience, il a prié toute la nuit et a donné la communion aux autres condamnés.
Il ne regrette rien, il va mourir dans la religion de ses pères, n’a renié aucun serment. Il meurt fidèle à la papauté.
Cela fait plus de 3 mois qu’il croupit au fond de cette cellule de 12 m2 où s’entassent de trop nombreux prisonniers, il y a 5 cellules identiques, les conditions sanitaires sont détestables pour ces prisonniers qui se savent voués à la mort.
Le temple de la justice n’est pas loin du lieu du supplice, quelques centaines de mètres, le calvaire en sera moins long.
Ce palais de justice portant fièrement comme devise » temple de la justice sous le règne de la liberté et de l’égalité, l’an deuxième de la république Française » était un bâtiment de style corinthien pratiquement neuf car inauguré en novembre 1789.
Chacun est voué à la mort et pour un saint comme le père HERBERT, la montée au paradis est acquise, mais tout de même à bien y réfléchir quel est son crime, quels sont leurs crimes.
La révolution avait bien commencé, l’élan irrésistible de la liberté, de nouvelles lois, de nouveaux dirigeants, un air de fête, une ère nouvelle. Mais des causes profondes de la révolution restaient en suspend, celle au combien épineuse de la situation économique. Un futur défroqué, célèbre girouette s’avisa de la richesse du clergé, certes c’était une réalité, mais une discussion avec ce puissant ordre eut mieux valu qu’une spoliation.
Cette nationalisation des biens du clergé va bientôt s’accompagner de la constitution civile du clergé, les évêques et les prêtres seront désignés par leurs paroissiens et rémunérés fort bien d’ailleurs par l’état.
Le bon Louis dépassé par les événements, contraint et forcé accepte la constitution civile du clergé.
Comme il était à prévoir, le pape n’acceptera pas ce nouvel ordre des choses.
Écartelé entre la révolution et la papauté, les religieux furent placés devant un dilemme cornélien.
L’assemblée tranchera et exigera un serment de fidélité à la loi et à la nation.
La moitié refusera et deviendra non jureur, le pape déclarera hérétique et schismatique cette diabolique constitution.
Joseph HERBERT prêtre de la paroisse de Maillé opposera un refus très net et deviendra par la même un paria.
Plaque en l’honneur Joseph HERBERT, église de Maillé
En remontant la rue du Palais puis la rue Chaudrier , avec ses compagnons d’infortune, le curé se souvenait de son arrivée dans la paroisse de Maillé en plein milieu des marais. C’était le dimanche 25 septembre 1768 après vêpres.
Prêtre depuis le 31 mai 1749, il avait effectué 19 années de vicariat, avant de se voir attribuer cette cure, il fut le premier prêtre nommé par Monseigneur De CRUSSOL D’UZES évêque de La Rochelle.
Il était né en 1725 à Saint Melaine les Aubiers dans le bas Poitou de Joseph et Perrine LAVAUD.
Le premier acte qu’il rédigea fut un décès en date du 13 octobre 1768, l’ironie du sort voulut qu’il termina sa vie pastorale également sur un décès le 5 juin 1791.
A partir du mois de juillet, un long martyr commence, contraint de se rendre à Fontenay le Comte ou Fontenay le Peuple comme l’on voudra, il y fut emprisonné du 1er juillet au 13 septembre. Il fut relâché et rentra sur sa commune. Bien entendu un intrus avait pris sa place et ce n’est qu’en secret qu’il officiait parfois. Secouru par de fidèles paroissiens, il vécut ainsi, craignant pour sa vie, mais aussi pour celle de sa nièce, Marie Modeste RIBERT qui vivait avec lui.
Fin mars 1792 en vertu d’un arrêté du département de Vendée il fut de nouveau mis en état d’arrestation à Fontenay le Peuple. Il y resta en résidence surveillée, puis un autre arrêté du district de Bressuire ( Deux Sèvres ) en date du 7 novembre 1792, lui enjoignit de se rendre aux Aubiers commune de sa naissance.
Il n’y resta guère car tel un mouton pendant la transhumance, il fut conduit des Aubiers à Partenay, puis de là à Saint Maixent, puis à Niort, pour de nouveau se retrouver à Fontenay le Peuple.
La situation d’incarcération avait désormais changée, d’une résidence surveillée nous étions passés à des conditions beaucoup plus dures, les grilles des cachots s’étaient refermés. il restera jusqu’au 15 mars 1793 dans la prison républicaine de Fontenay, avant de commencer une nouvelle errance.
L’insurrection Vendéen incitera telle les autorités à déplacer une nouvelle fois ses prêtres, car Joseph se retrouvera de nouveau à Niort.
Mais décidément, Fontenay était son point d’ancrage car il y fut enfermé de nouveau, jusqu’à la date du 26 mai 1793.
Fontenay le Comte était comme la majeure partie des grandes villes de Vendée, de tendance républicaine.
La ville fut attaquée une première fois le 16 mai 1793, mais en nombre insuffisant les insurgés furent défaits par le général CHALDOS. Les vendéens perdirent 700 hommes et bien pire leur canon symbole nommé Marie Jeanne. Joseph et les autres prêtres prièrent, mais l’intercession de notre seigneur n’y changea rien. Les républicains étaient vainqueurs.
Le 25 mai une nouvelle bataille s’engagea pour la prise de la ville, 25 000 soldats blancs avec à leur tête les grands noms de insurrection, BOMCHAMPS, STOFFET, LA ROCHEJAQUELIN, LESCURE, CATHELINEAU.
Cette fois la supériorité était du coté des soldats en sabots, la ville fut prise, 1000 républicains furent tondus, quelques notables bousculés, quelques républicaines troussées et surtout les prisonniers délivrés.
Joseph soudain libre se demanda ce qu’il allait faire, plusieurs options s’offraient à lui.
Suivre les combattants et s’attacher à un des chefs, se cacher dans les roselières avec les maraîchins, le bon prêtre inconscient rentra simplement à Maillé pour y retrouver sa nièce.
Église de Maillé ( Vendée )
Pour franchir les lignes, le commandant DONISSAN de l’armée catholique et royale lui délivra un laisser passer.
Malheureusement à Maillé les choses ne se passèrent pas à l’avantage de Joseph, si de cœur la population était avec les insurgés, la municipalité était républicaine.
Le bon maire Barthélémy ROY, Jean MORIN officier municipal et Jean CAILLAUD procureur de la commune dénoncèrent leur ancien prêtre et firent appel à la force armée de Taugon, La Ronde. Des volontaires du village de Courçon formèrent le gros de la troupe et notre bon berger se retrouva une nouvelle fois en prison.
Les chefs d’inculpation étaient graves, » prêtre réfractaire, incitateur à la révolte », bref un brigand de Vendée de la pire espèce qu’il fallait éradiquer.
Le 5 juin 1793 il fut auditionné par le sieur BARBET administrateur du district de la Rochelle, commissaire nommé par le conseil général et par Joseph AVRARD , secrétaire.
Il patienta jusqu’au 4 septembre date de son procès devant le tribunal criminel de la Charente Inférieure de Saintes qui statuant en commission spéciale en la ville de La Rochelle le condamnera à mort lui et ses compagnons.