1788, l’Année terrible ou la brie champenoise à la veille de la révolution

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Église Courtacon

Le curé Mercier du village de Courtacon en Seine et marne nous a laissé dans les registres paroissiaux d’intéressantes observations sur la vie de son village et sur l’influence du climat

Celles de l’année 1788 sont particulièrement significatives, car on a coutume de dire que la météorologie de cette dernière a été déterminante dans le déclenchement de la révolution Française.
Le petit village en cette année prérévolutionnaire a environ 220 habitants, le curé s’appelle Mercier, le recteur des petites écoles se nomme Jean Bié.
La population laborieuse cultive une terre grasse et fertile, des bleds, un peu de vigne,un peu de maïs. Les vergers produisent abondamment des pommes et des poires, apportant un complément de revenu et du cidre pour la consommation locale. Des pois et des vesces sont également plantés en complément.

 

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Aubetin à Courtacon

 

Un petit ruisseau l’Aubetin traverse le village, mince affluent du Grand Morin, il sert de déversoir à de nombreux rûs et déborde de son lit lors des épisodes pluvieux importants.

Un étang où au siècle du grand roi l’on péchait une carpe appréciée à la cour agrémente le paysage, le village est formé de plusieurs hameaux.

Mon lointain aïeul Nicolas Torpier vit avec sa jeune épouse Madeleine Viennot, il n’ont pas encore d’héritier mais en ces jours d’hivers ils s’y emploient avec assiduité.

Nicolas n’a comme famille que sa mère, cette dernière au grand désespoir de Madeleine vit avec le jeune couple. En cette époque on abandonne pas ses vieux et comme l’on disait , on les finit.

La famille Viennot est depuis longtemps implanté sur Courtaçon, Madeleine a 2 sœurs et un frère qui vivent encore avec leur mère Marie Guiot.

Toute la famille travaille la terre comme manouvrier où manouvrière. Hors justement la terre en ce premier semestre, il est très difficile de la travailler car les pluies tombent sans discontinuités, l’Aubetin est sortis de son lit et la prairie est gorgée d’eau. Le semis des maïs se fait avec de grandes difficultés et l’on sème de l’avoine jusqu’au mois de mai.

Le père Mercier est inquiet, la situation de ses ouailles est difficile et la moindre fluctuation météorologique détruit le frêle équilibre campagnard.
Mais il n’y a pas que dans la campagne de Brie que la situation est catastrophique, la royauté est sur le point de faire banqueroute.

La moindre velléité de reforme se heurte aux privilégiés et en se mois de mai, les parlements se sont révoltés,ces bons messieurs ne veulent pas de réforme fiscale et pour être plus juste ne veulent pas  payer d’impôts . Coupant la branche sur laquelle ils sont assis.

La première partie de la révolution Française débute par une révolution parlementaire.

Nicolas, lui est plutôt satisfait, il va être papa et Madeleine arbore un magnifique ventre rond. Certes les travaux agricoles lui sont pénibles, mais comme ses mères avant elle, continuera son labeur jusqu’à la délivrance.
Fin mars, le curé baptise son premier bébé de l’année, il y a déjà eu 3 inhumations. Heureusement l’équilibre se fait et le bon père enterre autant qu’il baptise.

Au niveau du temps les pluies cessent enfin, les charroies se font plus faciles et la lourde terre ne colle plus aux sabots. La chaleur vient rapidement, mais pour les bleds, le mal est fait.

La révolte des parlements continue et le 7 juin le peuple de Grenoble qui défend ses parlementaires entre en révolte, les tuiles volent des toits, il y a des morts, les premiers d’une longue série.

A Courtacon, la moisson est catastrophique, le coup de chaleur du mois de juin à échaudé les céréales. De mémoire d’homme jamais une récolte ne fut si petite. La disette se profile et les propriétaires ne peuvent être payés sur une récolte aussi mince.

La Brie Champenoise n’est pas la seule région à être touchée, l’ensemble des Provinces est sinistrées.

Le 5 juillet le roi convoque les états généraux, la machine est lancée, mais Nicolas Torpier, le curé Mercier et l’ensemble des habitants du village n’envisagent pas une France sans royauté. Le problème est économique et non politique.

Le 16 août la banqueroute est déclarée, Loménie de Brienne prélat à la tête des finances Française doit laisser sa place au banquier Génevois Necker qui fait son retour aux affaires.

Si la pluie n’avait cessé de pleuvoir jusqu’en juin, la sécheresse qui lui succède dure jusqu’en octobre.

Les bleds n’ont rien donnés mais les vins sont abondants et la récolte des poires et des pommes est énormes. Les pressoirs à vin et à cidre fonctionnent à plein, Nicolas aide aux vendanges chez l’oncle de sa femme Jacques Viennot vigneron au Fortail, hameau du village.

Le 3 octobre 1788, le curé baptise la première née de Nicolas et Madeleine, on la nomme Denise et on lui donne comme parrain et marraine Philippe Verteil et Adélaide Eluard.

Le 20 octobre la première journée de gèle survient, rien d’inhabituelle dans la précocité mais les gelée perdureront sans discontinuités jusqu’au 13 janvier 1789. Le 25 novembre jour de la Sainte Catherine, une neige épaisse tombe sur Courtaçon recouvrant la campagne, là aussi jusqu’au 13 janvier 1789.

Dès la Toussaint, Nicolas se nourrit d’orge, Madeleine dont le sein se tarit, peine à nourrir sa petite Denise.

Necker tente de réguler le commerce des grains pour éviter la famine et les troubles.

Les paysans ne peuvent gagner leur pains car le froid paralyse l’économie du pays.
L’Aubetin est pris par les glaces entièrement et les enfants s’aventure sur l’étang.

 

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Aubetin de nos jours

 

Aucun moulin à eau ne fonctionne et les paysans doivent parcourir plusieurs lieux pour abreuver leurs bêtes, la fontaine de Gizienne est l’une des rares non prise par la glace.

Les tonneaux de vin du curé Mercier gèlent dans la réserve et son puits est gelé très profondément.

Les deux tiers des habitants sont réduits à la misère et la moitié manque de bois , d’eau et de pain.

Localement, le Marquis de Champcenest fournit 800 livres de pain par semaine au plus démunis.

Les paysans que rien n’épargnent voit même disparaître leur grosse récolte de poires et de pommes.

Le 6 novembre le roi et Necker convoquent une seconde assemblée de notable qui comme la première ne servira à rien.
Le bilan de cette année est terrible sur Courtacon 3 femmes meurent de froid chez elle, affaiblies par la malnutrition.

L’année 1788 détient le triste record du froid qui est sans équivalent jusqu’à maintenant , la Seine est restée gelée 56 jours. Cette météo même si elle n’est pas responsable de la révolution a engendré une récolte catastrophique qui a encouragée et augmentée le mécontentement.

Sources . Registres paroissiaux Courtacon, page 100,  années  1767-1793.

2 réflexions au sujet de « 1788, l’Année terrible ou la brie champenoise à la veille de la révolution »

  1. Bonjour, je suis en train d’écrire l’histoire de ma famille et je découvre votre blog; particulièrement cet article qui décrit largement la situation de 1788 à partir du registre du curé Mercier, que j’ai bien scruté aussi. J’en avais déduit que mon ancêtre Nicole Petit était l’une de ces trois femmes mortes de froid. Puis-je faire figurer votre article dans mon livre en vous citant (il n’est destiné qu’à ma famille)? Merci!

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