LES TRANCHÉES OU LA GUERRE A FERNAND ( septembre 1915, février 1916 ), épisode 5

PHOTO 2 mon arriere grand pere tramaux

Fernand Tramaux   1891- 1969

Fernand ne se remit que lentement de sa blessure à la main, la fracture avait eu du mal à se consolider et l’infection de la plaie avait failli lui coûter la main. Mais des soins prodigués avec efficacité lui avaient évité l’amputation. Finalement ses copains d’hôpital considérèrent que c’était une fine blessure qui lui avait permis de s’absenter du front assez longtemps sans qu’il n’ait de séquelles. Fernand a effectivement savouré après l’éloignement du spectre de l’amputation ces quelques mois passés dans des draps blancs. Les manchots, les culs de jattes, les gueules cassées se comptaient déjà par milliers, lui c’est juste avec un bandage qu’il retrouva sa famille pour quelques jours de convalescence. Il retrouva aussi Fernande et la courtisa. Cette dernière émue par les supplications du soldat qui devait repartir au front accepta une demande en mariage et souleva en guise d’acceptation ses blancs jupons. Ayant goûté aux délices de l’amour, Fernand partit au château de Vincennes pour une période de formation comme mitrailleur. Fernande le cœur serré, l’accompagna à la gare, émue, amoureuse, inquiète d’un fruit qui pourrait naître en son sein, elle vit s’éloigner son beau zouave .

A Vincennes dépôt d’instruction, Fernand apprend le maniement de la mitrailleuse, cette arme qui avait tant fait défaut lors des premiers engagements, est en pleine expansion. En 1916, chaque régiment sera doté de 3 compagnies de mitrailleurs soit un total de 24 mitrailleuses. De plus chaque brigade se verra adjoindre une compagnie de mitrailleuses, celle de la 75ème sera formée le 26 août 1915 sous les ordres du lieutenant Duval.

Le modèle choisi est la mitrailleuse Hotchkiss, servie par un caporal chef de pièce, un chargeur et un aide chargeur.

A l’issu de son stage Fernand reprend la route munit de sa feuille de circulation, il arrive à Vignemont dans l’Oise en pleine région Picarde. Toujours destiné au bataillon Bornèque, il retrouve ses camarades le 21 septembre quand ils reviennent des tranchées.

La vie au front reprend ,monotone, alternant 1ère ligne et repos à l’arrière, le 1er zouave tient un secteur près du village de Tilloloy . Ce régime perdure jusqu’au 30 septembre, ou à cette date la brigade est relevée du front et enlevée en camion pour un cantonnement à Moyenneville.

Pendant un mois, la brigade est en instruction, manœuvres de régiment, mouvements en colonne.

– Putain c’est chiant
– ouai t’as raison les galonnés gueulent tout le temps
et puis qu’est qu’on en a foutre des mouvements, on est bloqué dans des trous à rats tout le temps.
– D’un autre coté, on s’fait pas marmiter la tronche et la bouffe est un peu meilleure.
– Alors Fernand à l’hôpital les bonne sœurs y parait qu’elles sont à poils sous les blouses.
– Tu rêves, celle qui me soignait ressemble au gros Joffre.
– Et ta perm, t’as vu ta future.
– Ouai
– et tu l’as troussée
– j’va foutre ma main dans la gueule si tu parles d’elle comme c’la
– T’énerve pas Fernand, c’était pour causer, moi j’ai juste ma main droite pour compagne.

Le 22 octobre le Général passe la brigade en revue, tout le monde est énervé, les gradés sur les dents les font poireauter pendant des heures.

Mais le 31 octobre la récrée est finie et la brigade relève la 208ème dans le secteur de Roye sur Matz.
Le 2 novembre 1915, Fernand au sein de la 3ème compagnie de mitrailleur est au front dans le secteur de la ferme de Canny sur Matz, le sous secteur est commandé par  » Papa  ». Ce terme affectueux est donné au Colonel Roland, commandant du 1er Zouave, ce dernier soucieux du bien être de ses troupes fait en général tout ce qu’il peut pour alléger le fardeau des hommes. La mise à l’arrière se fait à Berlière et à Ricquebourg. Le roulement est de 16 jours dans les tranchée et 8 jours au repos.

zouaves dans tranchée

 

La vie dans la tranchée est dure, heureusement le secteur est relativement calme. Il pleut et il fait froid, on patauge dans la gadoue, les bords s’effondrent sans arrêt et les inondations sont fréquentes.
Quand on est pas de garde, on s’enterre dans les cagnas. Les parties de Manille se succèdent et souvent le ton monte. On écrit à la famille.

– Fernand tu peux m’écrire une bafouille, jch’ais  pas écrire.
– Ouai mais tu me refileras un peu du café qu’tas reçu.
– Tape la
– Tu veux quoi comme lettre
– Une lettre d’amour à ma future
– j’suis pas un spécialiste, faut qu’tu me dises.
« Ma douce adélaide
Tu me manques beaucoup, la vie est dure ici, mais ç’a va.
Les copains sont tous des bons gars, je gagne souvent aux cartes.
J’espère qu’à la ferme tout va bien et que les bestiaux sont en bonne santé
Je vais maintenant te quitter car je m’en vais à la corvée de soupe.
Je te serre dans mes bras, embrasse pour moi tes parents et ta petite sœur
Ton Léon ».
– Non de dieu tu vas nous faire chialer, tu risques pas d’être censuré.

Le temps dure, la pensée souvent divague. Les poilus dans une moindre mesure préfèrent le froid à la pluie, mais les heures à scruter la ligne Allemande, les mains rivées sur l’acier froid de la mitrailleuse usent les hommes.

On sort de la tranchée pour aller au ravitaillement, sinon on piétine. Les conditions d’hygiène sont désastreuses, les feuillées dégagent une odeur pestilentielle, on put, les poux nous bouffent, les puces nous piquent et les rats nous mordent.

De temps en temps une lettre de la famille, vous plonge dans la joie puis dans la morosité.

Puis on est relevé, par un autre bataillon et l’on prend sa place à l’arrière. On gueule car les cantonnement sont sales, mais c’est toujours mieux que les trous à rat.

Bien sur faudrait pas croire qu’on se repose, la coupe du bois nous occupe entièrement, chacun retrouve ses réflexes paysans. On confectionne des clayonnages ( sorte d »assemblage de pieux et de branches pour retenir la terre ), qui serviront à consolider les tranchées et a améliorer le quotidien des troupes.

Fernand préfère la coupe du bois à la stagnation dans les boyaux de terre et de boue, mais il faut y retourner.

Le 14 décembre, Fernand et sa compagnie posent des fils de fer barbelés pour un nouvel emplacement de mitrailleuse. Quelques coups de fusils partent, sans faire de victimes.

 

Le 18 décembre, une information d’un déserteur Alsacien indique une relève du coté Allemand, l’artillerie Française entre en action.

– Bordel, quoi qui foutent, on est tranquille, il faut qu’ils aillent les emmerder.
– T’as raison, ils vont nous en balancer sur la tronche dans peu de temps.

– De fait, les teutons ripostèrent de bon cœur.

Le 21 décembre, c’est le bordel,  des galonnés courent partout, car on essaie des nouveaux projecteurs.

Si le premier noël de Fernand s’était passé au cantonnement, le deuxième se passe dans la tranchée.

Les cuistots ont mijoté un petit ragoût qui rappelle un peu celui de la mère, la quantité de vin a été augmenté. Le colonel Rolland fait le tour des premières lignes de son secteur et dit un petit mot à chacun, vraiment un bon bonhomme.

Le 26, Fernand et son bataillon repartent au clayonnage et aux travaux d’amélioration des positions.

Le 27 les boches s’énervent et nous envoient 200 obus, les nôtres ripostent, on y fait même plus attention.

Le 16 janvier la brigade se met au vert dans la région Montdidier, Orvillers, repos complet jusqu’au 24.

– Enfin , on fout rien.
– On va pouvoir se décrasser ,puis dormir sur une bonne paillasse, le paradis!!
– Rêve pas trop, Fernand, le paradis c’est quand j’srai entre les jambes de bobonne.

L’instruction reprit, comme si depuis 2 ans on connaissait pas notre boulot bougonnaient les zouaves.

Le 29 janvier la brigade est mise en alerte et le 1er février a lieu un nouvel embarquement à la gare de Montdidier.

Le 1er zouave se retrouve dans la région de Crépy en Valois, pour un nouveau cantonnement.
La vie habituelle reprit, instructions , travaux, déplacements.
Mais des nouvelles alarmantes arrivèrent aux oreilles des soldats, les boches avaient attaqué près de Verdun, les lignes Françaises ont cédé, un fort a même été pris.

La plus grande bataille de la guerre commençait, la noria des régiments allaient démarrer.

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