PHOTOS, GENS DU PAYS ET AMOUR DES MOTS, Partie 5/5

LA MORT D’ARMAND D’AUSSY.

Armand avait quitté l’armée en 1906 avec le grade de capitaine, il était père de trois enfants et aspirait à une vie plus en conformité avec son rang et sa fortune personnelle.

Mais lorsque la guerre survint, il reprit immédiatement du service. Son âge l’avait fait verser dans l’armée territoriale. Ne comptant pas bouder sa part au service de la France et de la gloire, il manifesta aussitôt l’envie de rejoindre l’armée d’active.

Comme le baron Oudet son aïeul, il comptait bien que son nom rejaillisse sur les tableaux de la gloire militaire Française. Comme d’ailleurs ses cousins tous glorieux soldats, il ne pensait pas pouvoir commander une compagnie de pépères surveillant les routes et les gares.

Nommé au 293ème régiment d’infanterie à compté du 3 avril 1915, il ne doutait guère de servir au mieux les intérêts de sa patrie.

Depuis la fin août le régiment poussait à fond les préparatifs de son attaque sur le secteur de Ville sur Tourbe en Champagne.

Le double réseau de défense était en place , les nids de mitrailleuses bétonnées étaient terminées et la préparation d’artillerie semblait donner de très bons résultats.

Le 24 septembre l’assaut était imminent bien que de nombreux points du secteur allemand ne fussent pas suffisamment éprouvés selon l’avis du colonel.

Armand commandant de la 20ème compagnie reçut comme les autres officiers ses ordres, il faisait partie de la 3ème vague d’assaut avec la 19ème compagnie.

A 9 heure du matin le 25 septembre sous un tir de barrage les hommes sortirent des tranchées, les officiers en avant les encourageant de leur présence. La puissance de feu des allemands était presque intact, les hommes tombaient, certains face contre terre comme des pierres qui s’écrasent, d’autres sous l’effet du choc tourbillonnant comme de la paille en plein vent. D’autres enfin surpris tombaient comme des habits qui choient lors des déshabillages amoureux.

La première tranchée fut prise. Les nettoyeurs avec leur rosalie entrèrent en action et débarrassèrent les boyaux de toutes vies. La deuxième tranchée fut prise de la même façon et du même élan fut également nettoyée. Les hommes couverts de sang et de terre se ruèrent encore sur la troisième ligne menaçante. Alors que le combat semblait sur le point d’être gagné, Armand qui avait su avant l’assaut qu’il était nommé chef de bataillon, s’affaissa sans un cri. Sans doute en ces quelques instants où la mort se battit avec la vie il revit les images chères à son existence.

Sa belle Charente où miroitaient les ombres du château familial, les pièces sonores et fraîches qui avait accueilli ses jeux d’enfant . Il vit aussi le sourire de son père et entendit le rire éclatant de Louise sa mère. Il sentit une dernière fois la douce caresse de sa femme Jeanne et entrevit le visage poupon de ses deux petits. Les brancardiers le relevèrent avec une balle dans la tête. Celui qui aurait pu resté dans la territoriale sans que cela affecte son honneur mais qui par amour de la patrie, dans l’intérêt de la nation avait préféré rejoindre ses frères d’armes au plus près du danger était passé de vie à trépas.

Armand d’Aussy,l’enfant du château de Crazannes avait rejoint dans la gloire son prestigieux ancêtre après d’un siècle de distance mais avec la même fois en son pays.

Puisse ma courte évocation de ces deux vies intéresser le plus grand nombre et prouver qu’avec la découverte de photos anciennes un pan d’histoire local peut être levé.

Le combat où périt Armand d’Aussy se situe dans la deuxième bataille de Champagne du 25 septembre 1915 au 6 octobre 1915 entre Aubérive et Ville sur Tourbe.

Elle opposa la quatrième armée de Langle du Cary et la deuxième armée de Pétain à la troisième armée allemande.

Sur un front de seulement 20 kilomètres, les pertes furent colossales , 27851 tués, 98350 blessés et 53000 prisonniers du coté des Français.

Les allemands qui défendaient perdirent 14000 morts, 8000 disparus, 17500 prisonniers et 60000 blessés.

Le gain de terrain ne fut que de 3 à 4 kilomètres sans rupture du front. Dérisoire pour tant de victimes mais révélateur d’une stratégie qu’il faudrait mettre en œuvre pour gagner.