LA RUE SAINT SAUVEUR, PARTIE 12, LA NOBLESSE DU BÂTARD

Marie Testard, aujourd’hui reçoit la famille Peyrot, les repas simples chez eux tendent à s’embourgeoiser un peu avec l’aisance de la famille qui grandit. Tout y demeure cependant très simple mais Marie s’attache à des détails qui juge t’ elle sont capitaux dans un milieu dont elle s’ enorgueillit d’avoir pénétré.

Tout cela peut paraître ridicule si l’on entend pas Louis raconter une énième fois l’histoire de sa famille.

Tous l’entourent, Joseph et Élisabeth Peyrot qui n’ont encore pas eu l’honneur de ouïr la narration de l’épopée et Marie qui pourrait en répéter presque mot à mot les phrases, sont à la disposition du conteur.

Les enfants que l’on a dispensé d’entendre le conteur vaquent en un silence relatif sans que cela paraisse embarrasser le maitre du lieu .

Louis qui manie aussi bien les mots que la varlope commence. La famille Testard est noble et c’est bien du sang bleu qui inonde en grande part ses veines. Doublement noble assène t ‘il à Peyrot éberlué. Le grand père Elie est né en 1736 dans le Périgord, son père François était un petit mais authentique hobereau, écuyer, seigneur du But et de la Caillerie. Louis perçoit une interrogation dans le regard de ses invités. Je vous assure une vraie noblesse, reconnue par l’armorial de France de d’Hozier avec armoiries et châteaux, avec sur leur écu l’emblème fait d’azur, avec une tête humaine d’argent, posée de front dans des lamines de gueules, voilà à quoi ils ressemblaient ces armoiries. Élisabeth ne dit rien mais se demande bien ce que veut dire ce charabia. Joseph attend la suite en se posant la question de savoir  pourquoi un rejeton d’une telle famille se retrouve menuisier.

La suite est simple, noblesse oui, mais noblesse du coup de rein. François est bien noble mais sa servante Léonarde Bonnisson ne l’est pas. La domestique culbutée au château par Monsieur et la naissance d’un petit bâtard. Le seigneur en son infinie miséricorde lui donne toutefois son nom mais pour ne pas salir ce dernier et ne pas mécontenter sa femme légitime lui accole le nom de son parrain. Élie Pierre ne sera pas Testard mais sera Lacoste Testard et son destin sera celui d’un enfant illégitime.

Les Peyrot sourient de cette chute mais Louis rebondit car le seigneur du But surveilla et protégea tout de même ce rejeton demi noble.

En 1778, le Élie se fait nommer De Testard fils légitime de François De Testard et de Léonarde Bonnisson, il est commis à la bourse de La Rochelle, ce n’est pas grand chose. Mais une protection sans doute occulte, lui permet de convoler avec Geneviève d’Archambaud fille de feu Jacques, écuyer et capitaine de sa majesté et de Marie Gendreau.

Un beau mariage pour lui, mais sûrement une semi mésalliance pour Geneviève. Joseph se dit qu’on est loin de Versailles et des Tuileries et la suite est édifiante. Commis puis concierge à la Bourse Élie de Testard perd sa pseudo particule quand la révolution survient, il perd aussi son emploi car lorsqu’il décède cours du Temple à la Rochelle il n’est plus que journalier, gueux parmi les gueux. Nous sommes en 1794, la terreur règne Geneviève d’Archambaud veuve de Élie de Testard redevient Geneviève Archambaud veuve Testard. Elle meure en 1814 en emportant les restes de noblesse de la famille, dorénavant les Lacoste Testard travailleront le bois.

Belle histoire qui fascine Marie à chaque fois que son mari la raconte, cela l’émoustille, cela l’excite et ce soir quand elle se donnera, elle s’imaginera princesse en son château. Elle oubliera l’odeur forte de son homme, ses mains caleuses. Son homme sera parfumé, doux, feutré et soucieux de sa jouissance féminine. Elle ne pensera plus à la Charlopeau, aux latrines débordantes, aux corvées d’eau et de bois, aux bruits incessants de la rue. Ce sera le parc du château, les eaux ondoyantes des bassins et les domestiques qui s’empresseront de nettoyer les souillures de son intimité. Oui c’est cela que procure cette histoire et jamais elle ne s’en lassera.

Les Peyrot repartent de la veillée sans être émerveillés par ce qu’ils considèrent comme une dégringolade sociale. Julie leur fille est heureuse de sa soirée car elle a pu effleurer la main de Fannie et sentir son doux parfum de femme qui désire. Lise qui a perçu quelque chose de bizarre dans l’attitude de sa sœur se promet de savoir. Adrien qui au départ ne voulait pas jouer avec une fille, s’est très bien entendu avec Théodore. Une histoire d’amour s’est même amorcée entre eux et ils se sont jurés fidélité et mutuelle découverte.

Laisser un commentaire