DE HÉROS A SALAUD, PARTIE 1, JOSEPH DU MONT SANS NOM

                    

Il pleut comme jamais de mémoire il n’a plu, le ciel semble pleurer toutes les larmes qu’il possède. Je pose mon front sur la vitre et je me noie. J’ai de la fièvre et le froid du verre ne me soulage qu’à peine. Moi aussi j’ai du chagrin, je viens de l’apprendre. Moi aussi, je ne surnage qu’à peine dans mon désarrois depuis que je l’ai appris. Salaud, putain de salaud, nous faire cela, ce faire cela, s’infliger une telle ignominie. A u nom de quoi Joseph, explique toi de là où tu te trouves maintenant.

Lorsque ce temps maudit aura cessé, pourras tu par un soleil retrouvé nous faire comprendre pourquoi tu t’es embarqué dans une telle galère.Lorsque ce temps maudit aura cessé, pourras-tu par un soleil retrouvé, nous faire comprendre pourquoi tu t’es embarqué dans une telle galère.

C’est ce matin au fort de Chatillon qu’un peloton de chasseur alpin t’a mis en joue, d’après les journaux tu n’as pas manqué de courage. Cela, je pense personne n’en doutait même tes fidèles détracteurs. Le salaud de la cellule 57 n’est plus, d’autres monstres t’ont salué pour ton départ, tout Fresnes a frémi. Tu es mort en chrétien, il est vrai que Dieu pardonne à tous et pour tout, le père Bruckberger t’as entendu en confession et tu as communié avec lui, c’est sûrement un saint homme que de côtoyer le diable. Il paraît que le soleil t’a rendu hommage et qu’à l’heure fatale le chant des milicien est sorti de ta poitrine.

A genoux nous fîmes le serment,

Miliciens de mourir en chantant.

9 H 40, le bourreau est crevé, ceux du Mont sans nom vont-ils te faire une place dans leur panthéon, dans le temple de ceux qui n’ont pas pu jouir de leur vie et qui sont devenus comme un faire valoir à ton célébrissime héroïsme. Rien n’est moins sûr,comme d’ailleurs la position que tu as prise pendant la guerre, enfin la sale guerre la deuxième, tu me comprendrais bien.

Oui Joseph moi aussi j’en étais de cette folle expédition, de ce coup magnifique, moi aussi je faisais partie de la bande à Balestié. Tout comme toi j’étais grenadier au 366ème régiment d’infanterie. Je me souviens comme si cela était hier. Je te détestais, vraiment tu étais un connard fini, toujours à l’écart, supérieur, un brin hautain. Mais vois tu je t’admirais quand même et oui l’on peut admirer et détester. Je t’aurais suivi au bout du monde en combattant, mais j’aurais tout aussi bien pu cracher à ton passage. Ta peur de la mort, ta folie au combat, ton abnégation, ton génie dans les coups durs, ta science infuse du commandement sous le feu ennemi, faisaient que nous t’admirions tous. Avec toi la devise était » tous volontaires ».

Alors permets moi de m’étonner, toi qui chiait sur les boches lors de la grande guerre, 25 ans plus tard tu leur léchais les bottes.

Joseph Darnand tu ne te souviendrais sûrement pas de moi, tu étais sergent, et moi simple parmi les simples, pourtant j’ai combattu à tes cotés, je t’ai obéi et j’ai tué sous tes ordres.

La pluie cesse un peu, est-ce là toutes les larmes que tu suscites?

Nous sommes le 10 juillet 1918 en Champagne, la situation après 4 ans de guerre ne nous est pas particulièrement favorable et nos huiles attendent un ultime déferlement teuton. Nous qui n’avons pas une vision d’ensemble loin de là, notre regard se porte tous les matins sur les mêmes lignes ennemies avec la simple satisfaction d’être encore vivants. Mais l’on peut dire sans trop se tromper, qu’en cette période s’il il y a un Dieu, il est sans doute français. Un observateur dans notre secteur du Mont sans Nom dans la Marne a la sagacité de remarquer une activité bien particulière au niveau de la quatrième ligne allemande. C’est rétrospectivement assez cocasse de se dire que la grande guerre a été gagnée parce que l’on a remarqué une livraison importante de vin bouché laissant supposer qu’on ravitaillait un poste où se trouvait beaucoup d’officiers allemands qui souvent faisaient bombance. L’information fut remontée jusqu’au général Gourgaud qui devant l’imminence d’une attaque générale sur tout le front, subodora que cette concentration d’officiers n’était pas anodine et que des renseignements importants pourraient être soutirés à ces imprudents noceurs de premières lignes.

Tout alla très vite et le coup de main sous la direction du lieutenant Balestié fut organisé. Je me trouvais donc avec toi Joseph parmi les 170 soldats qui furent désignés et plus particulièrement dans ta compagnie.

Dire que cela ne m’a pas contrarié serait un mensonge, en étant avec toi j’avais la certitude de faire partie des héros ou des morts.

Je te revois dans une tranchée la pipe à la bouche entrain de scruter l’horizon, tu avais la même gueule que sur les photos où l’on te voit en milicien. Ton regard est le même, je te craignais comme j’ai crains les foutus cinglés qui s’étaient enrôlés sous cette bannière maudite.

Remarque je ne te juge pas sur tes choix, moi après la guerre je ne demandais qu’une chose, fonder une famille, rejoindre au lit une petite femme et voir courir de multiples mouflets.

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