UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 14, LE TEMPS DU MALHEUR

 

Il sembla que Marie avait un peu d’avance sur Jeanne, le 17 juin 1769 au début de la nuit le travail commença, Jeanne fut appelée au chevet de sa sœur, la matrone était déjà là. Henri avec Simon s’installèrent à l’écart, pour ne pas gêner cette affaire de femmes. Ce fut long et très douloureux, le petit était mal placé. L’accoucheuse soit fataliste soit dépassée attendait que mère nature fasse son bon office. De fait la nature gagna , Marie lâcha son fruit, la délivrance car c’en était vraiment une, laissa Marie dans un état proche de la mort. Le petit avait un faible pouls , mais vivait. La joie ne prédominait pas dans le foyer, une voisine s’occupa du bébé et Jeanne de sa sœur. Une mare de sang s’agrandissait entre les jambes de la parturiente, les chairs déchirées laissant couler leur flot. Des chiffons de l’étoupe bloquèrent un peu hémorragie, mais !

Devant la faiblesse du nourrisson il convenait de faire au plus vite pour le baptême. On se précipita à l’église, Simon devint le parrain, et la demoiselle Hermouet devint marraine.

Cette précipitation au baptême était chose habituelle, pas question qu’un enfant meurt sans que son âme ne puisse rejoindre le domaine des cieux. Pas question pour un chrétien qu’un enfant soit bloqué pour l’éternité dans les limbes.

Le 20 juin Henri Paul Bourdajeau âgé de deux jours mourut dans son berceau, sans que sa mère sans force n’ai pu le prendre une fois dans ses bras. Le père et Jean Richard le sacristain enterrèrent le petit, Simon le parrain était reparti sur La Rochelle et Jeanne restait au chevet de sa sœur.

Marie depuis l’accouchement oscillait entre la conscience et l’inconscience. Un médecin l’avait examinée mais n’avait donné aucun espoir. Jeanne faisait ce qu’elle pouvait, tentait de lui faire prendre un peu de soupe, épongeait sa sueur. Avec l’aide d’une servante on la nettoyait quand elle se souillait. Jamais elle ne demanda à voir l’enfant, nageant dans les eaux troubles d’une mort qu’elle sentait roder.

Puis peu à peu, elle sen alla, tous se relayaient à son chevet, un matin Jeanne se réveilla en sursaut gênée par la froideur de la main de sa sœur, Henri dormant épuisé la tête sur son épaule. Sachant , elle réveilla doucement son beau frère. Marie un sourire sur le visage les fixait tous les deux, avec ses beaux yeux bleus.

La famille enterra Marie le 24 juin 1769, le journalier  le bourgeois coude à coude observaient tristement le cercueil descendre en terre. Jeanne qu’on avait fait asseoir à proximité pleurait sa jeune sœur de 26 ans avec un mauvais pressentiment .

Le 2 juillet au Magnou Jeanne a ses premières contractions, le spectre de la mort de sa sœur plane encore et même si tous les corps sont différents l’inquiétude est en droit d’être présente.

Finalement tout se passa bien, l’enfant tête en bas ne demandait qu’à sortir, une magnifique petite fille. La frimousse hurla aussitôt, Simon heureux décida de l’appeler Jeanne, comme elle râle comme toi dit-il à sa femme , il est normal qu’elle porte ton prénom.

La petite fut portée sur les fonds baptismaux par Jeanne Bouffard et Augustin Mallinaud le boulanger. Simon gentiment alla rendre visite à Henri son beau frère qui pleurait sa détresse.

Le 3 juillet un vilain cortège se présenta au cimetière de Fouras, Jeanne Gauvin deux jours, morte sans qu’on sache bien pourquoi allait être inhumée en présence de son père, de son oncle et du sacristain.

A la maison, Jeanne la mère se désolait, sa nièce, sa sœur, sa fille étaient parties. Elle n’avait plus la force de pleurer alors elle pensait au chemin qu’elle avait parcouru, sa rencontre un peu brusque avec Simon dans l’étable, puis sa lente ascension sociale, les enfants qu’elle avait donnés à son maître , puis à son mari. Elle était heureuse de tout cela mais de mauvaises pensées commençaient à l’assaillir. Elle voyait une grande dame habillée de noir qui rodait dans sa chambre et dans les allées du domaine, cette dernière l’appelait, lui faisait signe. Jeanne n’osait pas encore la suivre, mais bizarrement elle savait qu’elle obéirait à son ordre.

Le petit François âgé de trois ans vint se blottir le long de sa mère, il aimait y venir et sentir la peau de sa mère, humer son odeur de maman. Elle ne l’accueillait pas toujours avec aménité mais cette fois, elle le serra très fort. Comme lorsqu’on se sépare pour longtemps, Jeanne enlaça son fils et embrassa ses cheveux.

Le petit mu par un instinct animal sentit dans ce commencement une fin. Des grosses larmes coulèrent sur ses joues et noyèrent la chemise de Jeanne.

Simon de retour du cimetière interrompit ce moment magique et retira le garçon du lit de sa mère.

Elle était bien faible et il fallait qu’elle se repose.

Le lendemain une fièvre apparut, d’abord peu intense mais progressivement plus forte. L’affolement fut général, Simon bousculait tout le monde, la peur l’envahissait, les médecins de Fouras vinrent à son chevet, on en fit même venir de Rochefort. Tous étaient finalement impuissants, si la fièvre cessait elle vivrait, sinon.

Deux jours plus tard la température de Jeanne tomba un peu, on la suréleva sur ses oreillers et on lui donna quelques cuillerées de pain avec du lait.

Elle reparla ensuite, fit des projets.Elle voulait décorer la maison refaire les jardins et peut être avoir une salle de bain où un boudoir pour ses moments d’intimité.

Mais la nuit la fièvre revint forte , intense, il fallait la changer régulièrement. Simon ne quittait guère la chambre, on interdisait la porte au petit François. Jeanne sombra ensuite dans l’inconscience, ne se réveillait plus, n’entendait plus. Le 8 juillet 1769 plus aucun signe de vie n’était perceptible, le curé Thalamy fit son office. Jeanne était morte en chrétienne.

On enterra Madame Gauvin le neuf juillet, le curé Jean Louis Burgaud de saint Laurent était là , ainsi que son vicaire un cordelier du nom de Jean Bernard.

Le curé officia dans une simple cérémonie, Henri Bourdajeau et Simon Gauvin étaient là tous deux dans leur peine, à se soutenir, le journalier et le maître, le pauvre et le bourgeois unis pour les mêmes femmes unis pour un amour similaire.

Simon se remaria à Fouras le 11 septembre 1769 avec Marie Thalamy. De cette union ils eurent 6 enfants.La métairie du Magnou fut vendue en juin 1769 au chevalier François Delpy de la Roche.

 

Après le décès de sa première femme Simon Gauvin semble habiter à Saint Laurent de la Pré car tous les enfants de sa seconde union y naîtront.

Lui mourra le 7 octobre 1781 à Saint Laurent de la pré.

Le seul enfant, François Paul issu de ses amour avec Jeanne Sautereau et qui avait réussi à survivre à la prime enfance mourut à Thairé ( probablement à Mortagne la Vieille ) en 1784 en présence de sa belle mère Marie Thalamy.

Marie Thalamy se remaria le 25 juin 1789 à Saint Laurent de la pré avec Jean Prévost, futur maire de Fouras.

Les enfants de Simon Gauvin et de Marie Thalamy firent souche et leur histoire se confond avec celle de Fouras.

Ils sont en outre les arrières arrières- grands- parents d’Antoine Duplais des Touches l’historien de Fouras.

Ils furent également les grands parents du maire de Fouras, Etienne René Joseph Gauvin  (1870- 1871 ). Lui même fils d’Étienne Marie Gauvin maire du 5 mai au 6 août 1815 .

J’accueillerai bien volontiers toutes les précisons et remarques utiles sur cette famille pour pouvoir compléter ou corriger mon texte.

Depuis de nombreuses années que je fais de la généalogie, je n’étais jamais tomber sur un mariage mixte de cet ordre, je me devais donc d’en compter l’histoire.

 

UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 13, MADAME GAUVIN

UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 12, LA MAITRESSE JEANNE

UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 11, UNE INSULTE À LA MAJESTÉ SEIGNEURIALE

UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 10, LA MORT DU DEUXIÈME ENFANT NÉ DE LA CUISSE GAUCHE

UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 9, UNE VICTOIRE AMÈRE

 

 

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