LA RUE SAINT SAUVEUR, PARTIE 25, LA MESSE

Le dimanche arrive et toute la rue est sur le parvis, la messe est un spectacle, on s’y presse même si avec le temps la nature de l’amour que l’on porte au Seigneur s’est un peu modifiée. Joseph est là parce que sa femme le veut et que ses parents l’emmenaient déjà. Il considère que ce qu’on raconte sous ces voûtes anciennes ne sont que sottises pour incrédules. Certes le cérémonial l’impressionne encore mais penser comme sa femme que le Christ est réellement dans une hostie fabriquée chez Clatz et que son sang est dans le mauvais vin que boit le desservant il y a un pas qu’il ne veut plus franchir. Le monde arrive, s’est la même foule qui applaudissait à la bagarre de ses voisines mais en habits de dimanche.

Celles qui piaffaient de voir une mère de famille se faire corriger par une autre sont là à se tortiller pieusement avec leurs mioches. Leurs maris n’attendent que la fin de l’office avec impatience pour se sauver boire un verre ou bien pensent aux faveurs maritales qu’ils n’ont que le dimanche.

 

Les voilà les deux faiseuses de désordre, Marie Anne l’œil encore un peu poché et la Élisabeth Charlopeau qui a failli se retrouver le cul à l’air devant toute la rue Saint Sauveur. Elles sont toutes sourire, toutes mièvres, souriantes aux uns et aux autres. Sa femme lui a dit qu’elles se sont réconciliées, sont devenues copines, ils n’empêchent qu’elles devraient avoir un peu honte quand même. Joseph a même l’impression que la Marie Anne est encore plus ronde que d’habitude, peut être un polichinelle dans le tiroir, cela serait le sixième. Il n’est pas le seul à avoir remarqué et déjà quelques bonnes femmes se demandent si le Louis ne serait pas encore cornard une autre fois.

Tout de même il y a un peu de déception si elles sont d’accord les deux de qui va t on rire.

Peut-être de Rosine Méhaignery qui s’avance parée de ses beaux habits, où se croit-elle, nous ne sommes pas dans le quartier Saint Barthélémy. Elle est la femme d’un employé de l’octroi, pas de quoi pavoiser même si sa godiche de bonne se dandine derrière elle comme pour porter la traîne. Tout le monde connaît maintenant l’histoire , le Jean Victor aurait reniflé les dessous de la Testart. Fière comme un marbre voilé mais cocue comme la dernière des poissonnières, voilà ce qu’elle est, celle qui se croit déjà bourgeoise.

L’office commence, c’est d’un long et d’un ennuyeux, Joseph envie les enfants qui derrière les piliers se font des grimaces, chuchotent, étouffent leurs rires. Lui est coincé entre sa sainte femme est ses deux filles Julie et Rosalie, il joue l’exemplarité mais trouve la comédie trop longue.

Sur le banc juste devant lui il y a la famille Lacoste Testard comme si à l’église l’on se rangeait par immeuble. Mais quelque chose de bizarre l’intrigue, la Fannie se retourne sans cesse et sourit à Julie, elles sont amies depuis toujours mais un frisson le traverse sans qu’il puisse encore parvenir à définir ce qui le travaille.

Joseph comme tout le monde entonne un chant, il n’en comprend pas les paroles et d’ailleurs ne le cherche pas. Cet air religieux il l’a dans la tête depuis son enfance, c’est une berceuse, il se remémore sa mère.

Puis cela le change des chansons paillardes qu’il entend sur les chantiers. D’ailleurs il repère dans la foule ses rustres ouvriers qui à plein poumons pleurent la mélopée de l’avé Maria et qui demain sur les quais du bassin des chalutiers feront rougir les petites bonnes avec des couplets bien sentis.

Derrière il y a les pauvres, ils se mettent au fond et vont tout à l’heure tendre la main. Lui ne donnera rien, il hait la mendicité, le travail ne manque pas et il estime que la sueur ouvrière vaut mieux que la pitié chrétienne. Sa femme n’a pas la même opinion que lui, elle donnerait sa chemise.

 

Le jeune professeur de musique Gustave Sauvaget salue bien bas tout ceux qui l’entourent, il faut dire que tous sont des clients potentiels. D’ailleurs les deux filles de Joseph se piquent de faire leur gamme. Lui se dit qu’elles feraient mieux de savoir tenir un ménage mais sa femme y tient. Il pense que ce lascars aux mains fines n’a d’autres idées en tête que la séduction des jeunes filles, mais la beauté de son épouse semble contredire son impression.

 

C’est la communion, à la queue leu leu l’on va se nourrir de Jésus, les uns en arrivant tendent la langue au prêtre d’autres tendent les mains. Joseph préfère se nourrir lui même alors que sa femme ouvre la goule en offrande.

A la sortie on se salue, on discute, le curé vient voir Joseph et lui dit qu’il compte sur lui pour qu’il se confesse avant Pâques et qu’il doit aussi lui montrer quelques pierres descellées derrière l’autel. Le madré ne manque aucune occasion de mettre à contribution ses paroissiens. Il se ment d’ailleurs à lui même en rejetant le fait que cela le valorise. Maintenant ils sont attendus dans le quartier de la porte de Cougne pour un repas en famille, ensuite ils iront en promenade sur le Mail  

 

 

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