RUE SAINT SAUVEUR, PARTIE 9, LA HONTE D’ÊTRE FILLE MÈRE

Au 8 c’est la tempête, Suzanne Méhaignery est entrain d’ hurler une fois de plus après sa bonne. Véronique d’après ses dires à une conduite indigne d’une bonne maison. Elle est peu éduquée et comprend rien aux ordres reçus. Elle met aussi une mauvaise volonté évidente à servir, joignant cela avec une hygiène plus que douteuse. Madame chaque matin l’humilie en lui examinant les ongles. Rien ne va et chaque jour Véronique doit avaler le mauvais breuvage de la méchanceté de madame. Alors en ultime défense elle pleure et pleure encore dans son minuscule débarras que ses maîtres appellent chambre. Ce n’est pas chauffée, les commodités sont dans la cour et la vieille mère de Madame la surveille quand elle se monte un broc d’eau en lui faisant remarquer du regard qu’avec une telle consommation elle va tarir la source. Véronique Ficher a trente ans, elle est rhétaise et est au service du couple depuis leur mariage, elle a comme été offerte, comme une pièce de terre, une mesure de grain ou une pile de draps.

La maitresse et la bonne ne peuvent se sentir mais renvoyer cette dernière serait prendre le risque qu’elle ne dévoile les secrets familiaux à tout le monde, d’autant que comme toutes les domestiques, Véronique fait partie de l’intime.

Elle connaît les dates des menstrues de madame , elle devine les problème intestinaux du couple en vidant leur merde, elle entend aussi leurs disputes et écoute leurs conversations. Elle connaît également la moindre parcelle de chair de sa maîtresse plus réellement que ne les connaît son propre mari. Il n’empêche que chaque jour tout en se livrant à elle Madame agonise sa petite bonniche.

La situation d’ailleurs ne sait guère améliorée depuis que la mère de Madame, veuve une deuxième fois ne vienne s’installer rue Saint Sauveur. La veuve Métivier Suzanne est une acre bonne femme de presque soixante dix ans qui n’a rien à faire sinon surveiller le travail de Véronique et espionner le couple de sa fille. La vieille saloperie comme aime à la nommer la domestique, se croit encore sous l’ancien régime et se croit sortie de la cuisse de Jupiter.  Ses mariages avec un marchand et avec un capitaine en retraite lui ont donné l’idée qu’elle était d’une autre essence, un bois rare, une perle précieuse, une page de poésie.  Son père était fermier du château d’Exoudin dans les deux sèvres, se plait elle a dire sans cesse. Vous parlez d’une affaire, des gens avec un peu de biens à l’évidence , mais rien  de mirobolant. La Suzanne avait marié sa fille unique avec un corroyeur nommé Victor Méhaignery. 

Le lascar avait de l’ambition, de l’entregent, une bonne réputation et une famille dont la réputation dans le milieu du tannage et de la vente  de cuir n’était plus à faire.  

Le prétendant originaire de La Rochelle et demeurant avec ses parents à Saint Martin de Ré a rencontré Suzanne lors d’un voyage d’affaires à la Motte Saint Héray  centre important de tannage sur la Sèvre Niortaise. Les deux se sont tout de suite plus et la belle qui se consumait de ne pas connaitre l’amour charnel à ouvert son cœur et son corps à celui qui brulait de jeter sa gourme et de faire quelques folies avant de s’unir sérieusement.

Un bois dense au cours d’une sage promenade le long de la belle Sèvre  a abrité leurs premiers baisers. La chambre de Suzanne où l’imprudente mère les avait laissés jouir d’une intimité amoureuse fut le cadre d’une belle envolée. Cotillons soulevés, bas enlevés, Pâques avant les rameaux, la charrue avant les bœufs, l’idiote fut pleine et le pressé tanneur se vit contraint avant que le polichinelle ne fut trop visible de marier l’écervelée à la cuisse légère.

La première fille arriva donc cinq mois après le mariage et fut baptisée aux effluves du port de Saint Martin de Ré. Depuis le joli couple avait prospéré tant en affaires qu’en rejetons .Deux morveux et une pisseuse sont pour Véronique un véritable fléau. 

Elle sert tout le monde et excepté le petit Léon qui la cajole un peu, ils sont sans exception des tyranneaux domestiques.

Véronique se jure qu’un jour elle se vengera et a déjà une petite idée sur la question.

Car la Rosine Victoire que l’on prénomme par ailleurs Suzanne comme sa damnée mère se targue de donner une éducation parfaite à ses enfants. Sa fille de quatorze ans entre dans un âge dangereux et elle ne souhaite pas à sa fille d’être grosse comme elle pour son mariage. Elle n’entend pas que sa fille franchisse le portail de Saint Sauveur en ayant perdu sa fleur précieuse.

Véronique qui n’est point sotte et connait les dates de vie de ses maitres pourrait bien un jour révéler à tous que sa maitresse a eu comme une galvaudeuse des envies animales sans le consentement de notre sainte mère l’église.

 

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