LE COMMUNARD DE LA ROCHELLE, PARTIE 8, LES OUVRIERS ROUGES

Face aux menaces qui pèsent sur Paris, Auguste et d’autres ouvriers se demandent si il ne doivent pas rejoindre les rangs de la garde nationale, ils sont très nombreux à le faire.

Finalement il ne le fait pas, écoutant les conseils de l’un de ses camarades de lutte, d’autant que le commandement de la garde nationale de Paris est donné à d’Aurelle de Paladines, qui n’est pas un général foudre de guerre, et qui ne serait guère écouté que par les bataillons des arrondissements bourgeois.

Un matin sur un chantier, Auguste aperçoit une silhouette qui lui est familière, il a comme une sorte de tressaillement, son ventre se noue. C’est son premier amour, l’amazone qui lui a tout appris, il la hèle et il discute un long moment aux rythmes des coups de pinceau. Une nouvelle fois il est subjugué par elle et se surprend à l’inviter le soir même à une réunion ouvrière. Elle accepte.

Angèle est une furia rouge, une de celles qui traînent avec les extrémistes, elle est passionnée par la cause ouvrière, la lutte contre les inégalités, à coté Agathe est une agnelle, une bonne sœur, une bourgeoise aux mains blanches. Elle dit qu’elle est disponible pour mourir en combattant. Auguste en l’écoutant mesure le fossé qui les sépare mais se plaît à regarder son beau visage qui aux grés des conversations peu à peu s’anime d’une énergie flamboyante . En voyant son corps qui s’agite, ses membres qui dansent , sa poitrine nourricière qui se soulève aux flots de ses paroles tumultueuses Auguste se sent fondre, se sent faiblir.

Il n’écoute plus vraiment la phraséologie de l’amazone et se demande si il va encorner le contrat qu’il est entrain de mettre en place avec Agathe. La folie des envies submerge l’amour qu’il a pour sa future femme, il aimerait posséder à nouveau cette inquiétante meneuse d’homme.

La soirée se termine, Angèle est maintenant sur les genoux d’un officier de la garde nationale, Auguste rentre seul. Chez lui il monte les étages tristement, il entend à peine les bruits coutumiers, le cordier qui se dispute avec sa femme, le bébé de la domestique qui hurle de ne pas avoir du lait régulièrement, le libraire libertaire qui déclame des vers d’Alfred de Musset à sa femme qui n’en a que faire. Il pousse la porte de sa sous pente et stupéfait remarque qu’Agathe est dans son lit à attendre, les cheveux défaits, les habits négligemment posés sur la chaise, en chemise. Elle est là offerte à la vue, il marque un temps d’arrêt, repense aux mauvaises pensées qu’il a eu avec Angèle. Il la rejoint se demandant si en la possédant il ne sentira pas le corps de l’autre, si en la caressant il ne s’imaginera pas faire courir ses doigts sur les rondeurs de la furia rouge. Mais ce qu’il sent réellement dans les bras de sa future dépasse de beaucoup le plaisir charnel, il la devine sienne et se devine sien, les deux forment un tout. Ils sont unis dans leurs âmes, dans leur cœur, dans leur corps, dans l’état civil et il l’espère dans la mort.

Mais dans Paris les événements se précipitent, l’assemblée le 10 mars décide de se transporter à Versailles, Paris est orphelin de sa représentation. Rien ne va plus entre les délégués du comité central de la garde nationale et le gouvernement. Les gardes nationaux n’obéissent pas au chef que leur a donné Thiers le chef du gouvernement.

Les parisiens ne veulent pas se laisser désarmer et les canons de la garde sont regroupés à Montmartre dès la fin février.

Le gouverneur de Paris le général Vinoy fait suspendre les journaux, Auguste qui lit le  « vengeur  » peste de ce coup de force, Gustave Flourens et Auguste Blanqui qui s’étaient opposés au gouvernement de défense nationale sont condamnés à mort par contumace. L’antagonisme monte entre le gouvernement et le comité central de la garde nationale.

Le 15 mars Auguste et Agathe main dans la main traînent autour du Vauxhall, ils n’y sont pas pour écouter un concert mais pour attendre le résultat des élections du nouveau comité central et l’instauration de ses statuts. Parmi les 1350 délégués qui représentent 215 bataillons de la garde nationale il y a le patron d’Auguste. Ce n’est pas un extrémiste, ni même un socialiste mais un petit bourgeois qui a peur du retour de la monarchie, il veut simplement la consolidation de la république et la fin d’une armée permanente.

Le nouveau comité se compose de 33 membres, professions libérales, artisans, un peu d’ouvriers, petits patrons, commerçants, pas de personnalité connue ni de membre de la haute bourgeoisie ou de la haute finance. Les deux amoureux comme les autres parisiens sont heureux mais aussi inquiets de la suite des événements. Mais la certitude de leur amour leur fait voir le soleil plutôt que la nuit. Ils savent que tous les parisiens ne partagent l’enthousiasme du comité et que beaucoup d’arrondissements n’ont pas envoyé de délégués. Mais qu’importe, comme des gamins Auguste et Agathe se promènent main dans la main ignorant de la menace qui plane.

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