
La première tranchée allemande s’appelle Andrinople, joli nom pour une tranchée qui sans coup férir est prise sur les Allemands. Un groupe procède au nettoyage, il faut que personne ne survive et qu’aucun teuton nous empêche de passer au retour.
Nous continuons, les chleuhs savent maintenant que nous arrivons, un bunker, il saute. La deuxième ligne nommée Tirnova est en vue. Toujours du bruit, les poumons nous brûlent car nous passons au milieu de gaz moutarde qui stagnent depuis plusieurs jours. Nous progressons encore, Radius et Cubitus, la troisième et la quatrième sont prises également.
C’est maintenant à notre tour d’agir, Joseph tu nous comptes, nous rassembles, nous sommes vingt. Le bunker où doivent se trouver les officiers allemands est un peu plus loin.
Je suppose Joseph que lorsque la nouvelle guerre a commencé tu étais animé de la même haine, de la même hargne contre ces allemands qui rejouaient la même partition qu’un quart de siècle plus tôt. Toi tu as évidemment rempilé, moi j’ai évidemment esquivé, j’estimais comme beaucoup ,qu’après avoir été victorieux de la guerre nous avions perdu la paix. Alors à quoi bon mourir, pour des polonais qui se foutaient bien de nous. Pour sûr personne ne pouvait deviner le drame qui se jouerait sur notre sol et notre cruelle défaite. J’ai vu arriver les allemands dans mon village avec stupeur. Vois-tu, j’ai même pleuré, puis pendant que toi tu devenais encore une fois un héros moi je m’habituais à l’occupation, après tout ils étaient corrects et dans l’ensemble assez discret.
Lorsque l’armistice a été signé je pense comme moi que tu as été satisfait que notre vieux maréchal prenne les commandes. Il nous avait sauvé une fois après tout, il pouvait recommencer. D’ailleurs je pense que tu le connais mieux que moi c’est lui qui t’a remis la médaille militaire sous le front des troupes, trois jours après les faits.
J’étais un peu loin mais tu avais me semble t’ il la même impassibilité que lorsque tu as donné tes derniers ordres au bunker des officiers.
Cela chauffait sérieux, les bombes françaises ne tombaient pas loin, les renforts allemands allaient arriver, et ces salauds d’officiers se terraient toujours au fond de leur trou. Bientôt l’encagement de notre artillerie allait cesser, il fallait prendre une décision, on te pressait de partir, mais comme les autres sections n’avaient pas de prisonniers, il fallait pour que la mission soit une réussite, que nous en ramenions.
Je t’ai vu faire Joseph, mon dieu quelle grandeur, tu es descendu avec une bombe incendiaire dans l’abri et tu les as tous fait sauter.
Bordel quel vacarme, on a récupéré le maximum de documents. Les officiers boches hébétés erraient dans la tranchée. Une bonne cinquantaine. Alors on a pas pu les ramener tous, une bombe en fin de colonne, puis une autre, ils se sont écroulés et on les a achevés. Une obéissance aveugle à ton endroit, tu nous as ramené vivants et on a ramené 27 prisonniers.
C’était la liesse, la stupéfaction, les prisonniers interrogés on tout dit de l’attaque que l’état major présentait. Nous avions un coup d’avance et c’est grâce à toi Joseph Darnand. Ton talent de la guerre, ton sang froid et ton courage ont certainement permis à la guerre de s’achever plutôt et surtout victorieusement.
Sans toi et le goût immodéré du vin mosellan chez les officiers allemands, le kaiser et son stupide fils le kronprinz auraient pu se vautrer dans les draps du palais de l’Élysée.
Tu as été récompensé, nous aussi d’ailleurs et tu es devenu l’artisan de la victoire avec l’illustre Clemenceau et le magnifique Foch, presque un dieu en sorte.
Après la défaite, l’armistice, le gouvernement Pétain se crée la légion française des combattants. Pour une fois j’en suis, certainement moins actif que toi mais j’en suis.
Les événement finalement iront très vite, moi j’abandonnerais rapidement cette légion d’anciens combattants et toi tu remueras tout cela à ta manière en créant le service d’ordre légionnaire. Idéale pour toi cette organisation politique et militaire, tu es enfin le chef de quelque chose, une vraie responsabilité ou tu peux t’exprimer pleinement.
Pour sûr, cela a mal tourné pour toi, comme pour le régime, antisémite, collaborationniste et anti communiste et j’oubliais anti-gaulliste. Un beau mélange en vérité et une aberration qu’un anti boche comme toi soit devenu leur vassal.
Puis l’irréversible en janvier 1943 avec la création de la milice, ta milice. Encore une fois je ne juge pas, mais l’ombre de tes exactions obscurcit irrémédiablement tes actes héroïques. L’image du Mont sans nom et l’image des crimes que tu as cautionnés et ordonnés se mélangent, il pleut toujours et je suis sombre.
Moi qui n’a été qu’un attentiste, qui n’a pas rejoint le grand général Félon, qui n’a pas été résistant, qui a regardé défiler les boches et qui a assisté sans intervenir à la vengeance aux rasoirs et aux ciseaux ai-je le droit de te juger.
Joseph tu es un assassin, tu as fait le mauvais choix mais rien n’enlèvera le souvenir du sergent, du coup de main du 14 juillet 1918.
DE HÉROS A SALAUD, PARTIE 1, JOSEPH DU MONT SANS NOM
DE HÉROS A SALAUD, PARTIE 2, L’ATTAQUE DU 14 JUILLET