UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 10, LA MORT DU DEUXIÈME ENFANT NÉ DE LA CUISSE GAUCHE

La grossesse se passa difficilement, pire que la première. Des douleurs qui faisaient craindre le pire, une fatigue extrême, des jambes enflées qui ne la portaient plus. Elle fit venir sa mère Jeanne Sourisseau.

Simon ne voulait pas s’encombrer d’un tel tableau qui lui rappelait l’incommensurable différence entre sa famille et celle de Jeanne.

La vieille était l’exacte révélation d’une vie de labeur extrême, sans âge à soixante ans, courbée par le fardeau d’une existence pénible, la peau ratatinée d’un boucanier. Son teint brûlé par le soleil et le vent la faisait ressembler à une mauresque. Sa propreté de pauvre laissait à désirer et Simon au nez délicat l’eut bien fait jeter à l’étable. Tout le monde rigolait de voir la triste édentée à coté de celle qui se gonflait d’importance de se voir prise par le bourgeois aux mains blanches. La bête aiderait la belle à vêler disait les plus méchants.

Jeanne ne pouvait rien contre l’apparence de sa mère qui jamais ne voulut passer sur ses os saillants autre chose que sa robe noire rapiécée et son tablier douteux. Simon résigné savait qu’en voulant se débarrasser de Jeanne la vieille il risquait de perdre Jeanne la jeune avec son corps démoniaque.

Jacques Simon naquit le 20 août 1765, il faisait une chaleur de four, le chirurgien Jacques Roy avait voulu faire ouvrir les fenêtres en grand mais la veuve Sourisseau s’y opposait disant que l’obscurité était bien meilleure pour faire ses couches. Personne sauf elle ne savait pourquoi mais Simon qui étouffait prit le dessus et laissa entrer l’air.

Le bébé comme feu son frère n’était guère virulent et le chirurgien ne donna pas beaucoup d’espoir au couple.

Ce fut le vicaire Guillon qui baptisa l’enfant le titulaire de la paroisse le curé Gilbert prétextant une indisposition.

Marie Catherine Jollivet, une simple de la paroisse fut marraine, Simon ne sollicita personne de quelque importance pour ce baptême bâclé.

Le 15 septembre on enterra le petit dans le cimetière de la chapelle Saint Gaudens. Personne ne se déplaça et Simon fit seul un cortège. Quelques pelletées de terre et l’on recouvrait comme un chat crevé ce deuxième enfant du péché.

Mais l’amour que les deux êtres se portaient, était au dessus de tout cela, même si Simon savait qu’il n’imposerait jamais Jeanne à son milieu fermé. Mais un jour, pour répondre à un service, Simon fut invité à la table du gouverneur de la citadelle et le capitaine Antoine François de Truchy lui suggéra d’emmener sa compagne.

Jeanne fut surprise, heureuse et inquiète, son langage était peu sûr encore, elle avait peur de faire honte à Simon. Celui-ci la rassura en lui expliquant que les mœurs militaires étaient moins surannées que celle de sa propre famille. Pour le coup il avait dit vrai, le langage à table bien qu’emprunt de bonnes manières fut châtié et un peu cru.

L’épreuve se termina par la visite du fort, Jeanne évidement ne l’avait vu que de loin et fut surprise par sa grandeur et son austérité.

A Fouras, Etienne Thalamy avait remplacé le curé Gilbert, Simon le vit arriver un jour en fin de matinée, indication sûr qu’il voulait rester pour manger.

Mais le curé aborda un tout autre sujet que celui d’un repas éventuel. Il parla de morale, il parla de religion, il parla d’exemple. Simon comprenait très bien le message, sa situation avec Jeanne était à entendre le prêtre un trouble à l’ordre public. Trois années de vie commune, trois années de fâcherie avec le reste de la famille, deux enfants nés hors mariage que le seigneur a sans doute rappelé vers lui en expiation de ce péché de chair. Simon qui était bien conscient de tout cela ne dit ni oui ni non.

Le curé qui pourtant appréciait Simon de puis fort longtemps menaça de ne pas baptiser le prochain enfant si la situation n’était pas régularisée.

Dans l’esprit de Simon cette menace pesa lourd ainsi que celle de voir Jeanne jetée à la rue si il lui arrivait quelque chose de funeste. Ce fut après une nuit d’amour qu’il se décida, la nouvelle provoqua chez Jeanne un flot de sentiments mitigés. Elle était heureuse, mais tremblante à l’idée.

La nouvelle du mariage se propagea plus vite que ne l’aurait fait la nouvelle d’une descente anglaise dans la rade. Maitre Simon Paul, bourgeois, officier de la monnaie, lié par le sang ou par alliance aux plus grandes familles de la province, avec Jeanne Sautereau fille d’un laboureur à bras et d’une journalière liée par la misère aux plus pauvres familles de la province ce fut un beau cataclysme.

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