
Simon était à la vérité complètement épris de Jeanne, une folie irréfléchie, hors d’atteinte de toutes réflexions.
Il alla rendre visite à Catherine Daniaud veuve d’Isaac Chadeau de la Clocheterie au château du Treuil Bussac, il était familier du lieu et avait usé ses culottes comme un garnement dans les arbres du parc en compagnie du fils aîné de la maison. Il aimait le Treuil et jalousait un peu Catherine malgré le plaisir qu’il avait encore à voir cette belle dame que le temps avait préservée. D’un noble visage, les traits réguliers, avec des yeux bleus lilas d’une pureté de pierre précieuse. Son corps, que ses neufs grossesses n’avaient semble t’ il pas abîmé, pouvait encore soutenir la comparaison avec d’autres femmes plus jeuneset parfois au sortir de ce logis, Simon rêvait qu’il aurait pû la désirer.
Ils se firent un brin de conversation, les récoltes, l’état du moulin de l’Aubier. Ils évoquèrent les nouvelles de la cour où Catherine avait eu le plaisir de paraître au bras de son mari. Elle lui parla aussi de la succession de ses parents et lui demanda où en était le partage. Les choses avançaient doucement mais il ne lui parla pas de ses craintes quand à la partialité du dossier.
Les Chadeau étaient des gens de mer tournés comme la presqu’île de Fouras vers l’océan, alors que les Gauvin n’étaient après tout que des écrivassiers. Certes, il aurait pû braver les interdits paternels et les intérêts familiaux pour courir l’embarquement mais un fond de lâcheté devant l’autorité familiale l’en avait détourné.
Pendant qu’il se promenait au bras de la noble dame il eut soudain une terrible idée. Ne pouvant se sauver incontinent pour là mettre en place, il patienta en dévoué voisin respectueux.
Le lendemain Jeanne suivait le régisseur en direction du logis que possédait Simon sur Saint Laurent. Elle y fut placée comme servante ayant autorité sur le reste de la maisonnée, on lui accorda aussi une chambre à l’intérieur de la maison non loin de celle du maître.
Jeanne qui n’avait jamais exercé la moindre autorité sur quiconque fut complètement désemparée. D’autant que tout le monde comprit très vite.
Simon exigea que seule Jeanne le servit à table, repoussant tous les autres, il la mettait dans un embarras sans solution.
Puis peu à peu elle prit une sorte d’assurance, donnant ses ordres en cuisine, donnant des ordres aux autres servantes. Cela jasait beaucoup mais devant monsieur Simon tout le monde courbait la tête.
Le patron qui avait délaissé Jeanne quelques jours, afin de n’éveiller aucun soupçon, vint la rejoindre un jour dans sa couche, là aussi ce ne fut qu’un assaut bref mais l’on pouvait y percevoir une sorte de tendresse.
Il y avait beaucoup de difficultés surtout lorsque Monsieur était à l’hôtel de la monnaie de La Rochelle, les avanies pleuvaient, plus personne ne la respectait. Un jour elle trouva sa couche renversée, un autre jour l’on avait fouillé sa maigre besace. Mais il y eut plus grave un premier valet la coinça dans un couloir, pour réclamer son dû, pour recevoir autant que maître Gauvin. Il l’eut sans doute prise de force si l’arrivée d’un courrier dans la cour n’avait interrompu la sourde action. Mais à chaque retour de Simon tous baissaient la tête et Jeanne la relevait. Elle commençait aussi à donner son avis, à prendre une sorte d’assurance, résolue à se débarrasser de ceux qui lui voulaient du mal.
Un soir dans le silence de sa chambre alors que Gauvin arrivait, elle lui dit soit vous renvoyez la jeune servante soit je me refuse. Comme à chaque fois il lui céda et il donna son compte à la pauvre gamine. Pour le grand valet les choses se révélèrent plus dures, c’était l’un des meilleurs dans sa partie et dans ce monde maritime qu’était la presqu’île,il n’était guère facile de trouver des hommes capables de bien traiter la terre. Elle hurla, tempêta, menaça, Simon fut surpris et lui mit une paire de gifles. Alors elle bouda, se refusa et la scène recommença. Peu à peu comme une araignée tissant sa toile, le maître fut pris dans ses rets. Il avait un besoin exprès de son corps alors il cédait tout.
Le viol de sa servante avait avili sa liberté, il payait comptant son amour interdit. Le grand valet fut renvoyé sous un futile mobile, elle le regarda partir honteusement chassé. Tous savaient désormais qu’elle était maîtresse au logis. D’ailleurs Simon avait étoffé sa garde robe, si elle ne ressemblait pas encore à une dame, la beauté simple de quelques vêtements lui donnait une allure presque aristocratique. Rien était encore facile, d’autant que Simon refusait encore qu’elle mange avec lui et avec les autres hommes. Son statut n’était que celle d’une servante améliorée que le maître prenait à sa convenance.
Mais Jeanne avec sa chaîne autour du cou savait qu’elle était plus que cela.
UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 1, SIMON GAUVIN
UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 2, LES GAUVIN DU MAGNOU
UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 3, LES CRAINTES DE JEANNE
UN AMOUR FOURASIN, PARTIE 4, LA CROIX PROTESTANTE
Écrits magnifiques comme toujours.
Ce récit touchant Fouras est précieux pour moi. Il ravive mes racines faisant revivre la famille Gauvin, le Treuil Bussac. À une époque précédant cette fin de 19ème siècle dans laquelle je me suis plongée corps et âme.
Merci
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