
Simon n’avait pas le privilège d’être l’aîné de la famille et de porter en succession le prestigieux prénom d’Étienne. Son frère, Étienne Abraham né en 1734 à la Rochelle avait déjà deux ans quand il naquit à Fouras en 1736. Ils avait été rejoints par Marie Anne en 1738 et par Marie Suzanne Sara en 1739. Hélas la plus vieille des sœurs les avait prématurément quittés et c’est donc à trois que depuis le décès de leurs parents ils faisaient face.
Par sa mère Simon touchait aussi à une illustre famille Rochelaise . Marie Anne Seignette était la fille d’Élie Seignette marchand droguiste, consul et juge consulaire à La Rochelle, on touchait encore à l’aristocratie commerciale de l’Aunis. Simon avait conscience de tout cela et était infatué d’une espèce d’importance qu’il cultivait volontiers avec ses proches. Son statut d’héritier lui donnait une aisance financière mais il promenait malgré tout sur le monde un regard désabusé.
Il était là à picorer sans faim. La vision de cette paysanne l’avait comme chamboulé et il se promettait de la revoir ou bien même de la prendre à son service.
Il verrait à son retour de La Rochelle, un rendez vous important pour sa famille l’attendait là bas.
Sa sœur Marie Suzanne Sara avait un prétendant et il convenait en gens de bonne famille de s’assurer d’un contrat de mariage solide afin que l’avenir de Sara soit pérennisé de la meilleure des façons et que la famille Gauvin n’y ait rien à perdre.
Simon connaissait parfaitement celui qui avait fait sa demande, d’une vieille famille Rochelaise, Samuel Pierre Richemond de Meschinet touchait lui aussi au monde des affaires. Sa famille était riche, titrée et apparentée aussi au milieu des armateurs et des négociants Rochelais. La traite et le commerce triangulaire faisaient leur fortune.
Ces anciennes familles protestantes se fréquentaient et se liaient depuis toujours, il n’y avait donc aucun souci particulier à se faire pour les négociations. Mais en chaque être sommeillait un chicaneur et la multiplicité des biens à l’une ou à l’autre des familles pouvait faire durer les discutions de nombreux mois voir de nombreuses années.
Simon comme son frère et sa sœur possédaient les terres du Magnou, des terres sur Saint Laurent de la Pré et sur la commune de Mortagne la vieille avec évidemment un pied à terre à La Rochelle quand ils étaient de service à l’hôtel de la monnaie. Marais salants, terres labourables, vignes, métairies, le tout affermé ou en métayage rapportait de quoi bien vivre et de quoi faire fructifier cet argent en parts pour la traite.
Avec son frère Abraham, Simon revint fort satisfait, l’union qui se profilait entre les deux familles ne pouvait que les enchanter.
Dans la voiture qui brinquebalait sur la mauvaise route qui les ramenait de La Rochelle, il n’avait qu’une pensée, revoir la pure apparition.
Le lendemain le hasard lui sourit, son métayer pour assurer des durs travaux, avait loué une journalière.
Lorsqu’il la revit, le même charme opéra, elle n’était pas à son avantage dans la lie des résultantes organiques des bovins de l’étable mais cet abandon de féminité la magnifiait en quelque sorte.
Ses cheveux en désordre la faisait ressembler à un être érotiquement sauvage, rendue à la nature cette faune toison la rendait irrésistiblement désirable. La chaleur de l’été qui mordait sur l’automne commençant, avait noyé de sueur le corps de Jeanne, son chemisier trempé collait à sa peau, faisant saillir sous le souple tissu les veinures de ses amples seins. Ses muscles jaillissants sous l’effort, mettaient en valeur l’ensemble de ses lignes princières. Pieds nus dans la fange elle exaltait en une fierté de vie, Simon en était pantois, tout chavirait en lui, ses certitudes, son éducation. Il vit par l’échancrure déchirée de sa chemise la brune et odorante vêture de ses aisselles, comme un nez de parfumeur il perçut alors l’odeur forte du désir, c’était irrésistible, sa tête tournait, il tanguait. C’était en lui une envie bestiale de femme qui montait, jamais une telle pulsion ne lui était venue. Aucune des paysannes qu’il avait forcé à se soumettre à son sexe de jeune maître ne l’avait soulevé ainsi. Gauche, idiot imbécile il ne savait que faire face à celle qui par belles pelletées nettoyait ses écuries d’Augias.
Peureusement elle lui sourit scellant sans le savoir son destin. Il lui répondit par retour de sourire scellant sans le savoir sa destinée