
La louve a mangé l’agneau, Marie Desroches se faufile en dehors de la rue de l’Escale en tenant la main de Charles, ils fuient les curieux qui pourraient médire sur leur liaison et surtout fuient les larmes de Rose qui enfin a appris.
C’est leur jour de congé alors ils décident de cheminer en amoureux vers le marais perdu. Après avoir longé le havre d’échouage, passé devant l’écluse de chasse et la place Valin puis s’être engagé le long du bassin extérieur ils empruntent la passerelle qui mène vers la jetée de l’avant port.
Là le monde n’est plus le même,c’est l’océan et l’étendue merdeuse et poisseuse du marais qui sert de déversoir aux bourres de la ville. Des pécheurs qui reviennent de la pointe des Minimes, des drôles qui reviennent des anguilles, des femelles louches chargées de sacs d’huîtres qu’elles vont détroquer devant leur masure de la ville en bois. Tout devient étrange, tout devient intéressant, Charles maintenant veut profiter de la solitude des lieux, le monde de la ville n’est plus et un rocher fera bien l’affaire pour les cacher au moment des ébats qu’il présent. Marie qui pourtant a de la gouaille et de l’assurance ne tient pas spécialement à se faire surprendre les fesses à l’air par les voyous qui traînent et qui vagabondent dans cet endroit malfamé.
Ils atteignent enfin la petite crique des Pères Minimes, quelques baraques où s’échappent une pâle fumée et des enfants dépenaillés qui courent sur les galets, une barque dont la peinture écaillée témoigne d’un manque d’entretien et de vétusté. Ils décident d’aller plus loin, ils veulent la solitude. Au loin l’île de ré et enfin des rochers, Charles guide Marie qui se maudit d’avoir mit ses beaux souliers.
Marie qui il y a peu était voleuse d’homme, qui était croqueuse d’amour et avide des corps masculins se veut maintenant plus romantique. Elle exige des serments, désire des promesses, elle se fait mièvre, timorée, résistante comme une pensionnaire de couvent. Charles par contre a perdu dans les reins de Rose, l’innocence qui le rendait irrésistible. Il a goûté aux choses de la vie et en est devenu avide. L’abandon de la sage Rose pour la sauvageonne Marie s’est fait naturellement. Voila maintenant que c’est la remplaçante qui minaude, croit-elle qu’il va la demander en mariage. Il n’en est pas question, alors que lui se fait explorateur de blancs jupons, elle se fait docte parleuse. Finalement elle l’embobine et il promet une vague noce, finalement elle se laisse conquérir et sa nudité maintenant illumine de son soleil le creux ombragé qui les accueille dans son sein. La marée qui monte lèche leurs pieds, les deux amoureux rient. Les voilà sur le dos leurs intimités tournés vers le ciel. C’est une offrande au nuage, un don au soleil, un présent au vent. Il faut maintenant rentrer, Marie à froid et il serait bon de rentrer avant la nuit.
Ils courent presque sur le chemin du retour, mais Charles qui n’est pas rassasié des beautés de Marie veut encore un écot. Il s’arrête près de l’huîtrière, le lieu est désert. Marie ne veut pas, elle veut rentrer au plus vite pour ne pas avoir à affronter la colère de son père. Lui se fait plus dur, plus hussard, il lui soulève sa robe mais elle se débat. Elle ne veut pas comme cela , elle veut de la douceur de l’amour. Il arrive presque à ses fins lorsqu’ils entendent du bruit. C’est la libération pour Marie, la frustration pour Charles.
Enfin ils sont rue de l’Escale, ils sont un peu fâchés, Marie n’aime pas le Charles du retour.
Elle monte les escaliers du numéro 25, elle entend une dispute, c’est à l’évidence son père qui encore est rentré saoul. Il s’en est déjà pris à Élisabeth, sa tenue est en désordre, son corsage est déchiré et sa robe pas entièrement baissée. La mère de Marie a une trace au visage, l’œil droit est gonflé. Louis Desroches joue les matamores devant les deux femmes. Marie qui souvent défend sa mère lorsque son père n’est par trop violent, s’en veut d’avoir été absente. Si seulement Charles ne l’avait pas embêtée sur le retour, elle serait arrivée à temps. Sa mère est habituée car il a le vin mauvais, lui en rigolera demain et soulignera qu’une bonne volée de temps en temps fait une bonne épouse. Marie se dresse, mais lui en habitué est plus prompt et lui assène une retentissante gifle. Sa colère est tombée, son appétit sexuel a été comblé alors il se couche et s’endort du sommeil d’ivrogne. Marie à une giroflée à cinq feuilles d’imprimée sur le visage et sa mère à un horion qui lui sera difficile de cacher à madame Zoé l’ancienne. Mais il est vrai que cette dernière qui subodore toutes ces violences se tait, elle qui pourtant n’a jamais été victime de violence de feu Jean Baptiste Bernon son mari considère qu’elle n’a pas à se mêler des affaires de couple de ses domestiques. Peut être après tout que Louis Desroches a ses raison et qu’Élisabeth mérite amplement les trempes qui lui distribuent
CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 25, LA VILE DOMESTICITÉ
CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 24, LA TUBERCULEUSE
CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 23, LA LEÇON