CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 23, LA LEÇON

 

Louise a presque revêtu ses habits de fêtes, la voleuse d’homme va être châtiée, aux yeux de tous elle passera pour une moins que rien et sera ignominieusement chassée, son père raide comme un procureur est sûrement déjà entrain de tout dire à madame Brédif.

Le temps est un peu suspendu dans l’immeuble, Élisabeth aurait préféré que son mari ne se mêle de rien, après tout Rose n’est pas leur domestique.

Rose Vivien dans la pièce juste à coté se ronge les ongles jusqu’au sang, elle aime bien sa petite consœur, elles ont le même age, le même prénom et aspirent au même bonheur assez simple de convoler avec un homme honnête et fonder une famille.

Chez Madame Zoé Bernon, Magdeleine Desroche et sa mère attendent également le verdict et la suite de l’histoire. Elles sont bien sûr solidaires de Rose mais en temps que mère Marie redoute que sa fille ne fasse un jour la même idiotie.

Louis le cocher est en bas dans la rue, il a prévenu le père Martin que son fils a fait des conneries et que des ennuis s’annoncent. Maintenant soulagé d’avoir avisé les protagonistes, il raconte ce qu’il sait à tous ceux qui veulent bien l’écouter.

Mareschal l’imprimeur est intéressé plus qu’il ne veut le paraître, après tout il est journaliste, alors les cancans et les potins, il peut s’en repaître. Il préférerait un drame cela serait plus vendeur mais après tout la situation peu évoluer, alors il tend l’oreille et avise un jeune scribouillard qu’il vient d’embaucher, d’aller se poster devant la maison des Babin et des Brédif pour savoir le fin mot de l’histoire.

Louis Babin sanglé dans son costume comme un croque mort devant un cercueil toise Madame Brédif. Afin de pouvoir dominer cette femme qui l’impressionne et qui en toute vérité l’attire, il exagère sa posture d’ancien officier. Il se croit dans une salle d’interrogatoire ou dans un prétoire.

Il tente désespérément de garder cette méchante allure lorsque Madame Zoé Bernon la grand mère vient prendre place à coté de sa fille. Devant ces deux représentantes de la haute bourgeoisie rochelaise, l’officier de gendarmerie en retraite est maintenant intimidé au delà du possible. Il a l’impression d’être un domestique qui vient réclamer ses gages.

Sur l’invitation des deux femmes, il se lance et prend un air outré pour raconter les débauches de Rose avec le jeune Martin. Pour bien enfoncer la jeune domestique, il exagère les charges et la fait passer pour une presque putain qui gagnerait sa vie sous les combles d’une maison respectable.

C’est Zoé la vieille qui répond à la place de sa fille.

 – Croyez vous cher monsieur Babin que nous ignorons les agissements de nos domestiques;

 – Croyez vous que Rose que nous avons vu grandir a un tel comportement

–  La petite a demandé l’autorisation à ma fille pour recevoir Charles Martin le fils du tonnelier, ils sont presque fiancés et n’ont d’autre endroit pour abriter leur amour naissant, n’avez vous jamais été jeune monsieur « ?

 –  Mais Madame je ne vous parle pas d’un simple rendez vous, ils se livrent à la débauche, à des actes contre nature  »

 –  Quand savez vous, monsieur Babin, vous les avez observés, ou bien surpris ?

–  Non grand Dieu évidement que non.

– Alors si vous ne savez pas, n’accusez pas, d’autre part cher Monsieur nous avons oui dire que vos pas vous guident souvent rue des voiliers et qu’une femme mariée vous y accueille chaleureusement.

Babin comme si il avait été dégradé au milieu de la cour d’une caserne se sent acculé et empêtré dans une sale affaire. Il ne trouve plus de mot, cette femme qui jusqu’à maintenant était la quintessence de la bonne société, du bon goût et de la bonne éducation tombe de son piédestal. Tolérer des indécences dans son personnel, est au delà de ce que lui peut tolérer, il hoche la tête, murmure un au revoir et sans même prononcer un autre mot quitte l’appartement des Brédif.

Louise qui attendait impatiemment son père, voit immédiatement à sa tête que le résultat n’est pas celui escompté. Elle aussi tombe des nues. C’est comme si on la marquait au fer rouge, qu’on l’attachait à un carcan, qu’on la promènait nue sur un âne au milieu des quais en un ignominieux charivari.

Ses parents qui ne sont heureusement pas au courant de l’amour qu’elle porte à l’infâme décrotteur sont surpris par la violence de sa réaction.

Elle s’enferme dans sa chambre et pleure toute la journée, Louis hausse les épaules et part en promenade. Élisabeth soulagée par le départ de son mari et par le retrait de sa fille, s’assoit avec sa broderie se fait amener un thé et par la fenêtre ouverte se repaît des bruits de la rue.

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