CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 8, EN SA CAMPAGNE DE BEAULIEU

 

Louis Babin aime sa rue, pour son animation et le spectacle permanent qui s’y joue mais aime un peu moins la promiscuité qui existe entre les propriétaires et leurs nombreuses domesticités. Cependant il sait que les domestiques savent et parfois cela peut procurer quelques avantages à qui veut bien s’en donner les moyens.

Lui par le fait qu’il habite dans le même immeuble et par l’influence qu’il a sur sa domestique Rose Vivien, connaît presque intimement la vie de ses voisins Brédif et Bernon. Rose qui entre autre qualité sait faire parler les gens ne se prive pas de questionner Rose la bonniche de Zoé. Celle ci simple parmi les simples livre à sa camarade bon nombre de détails croustillants sur sa maîtresse.

Le vieux militaire en tient le détail dans un cahier qu’il cache bien entendu de sa femme. Encore vert malgré les années, il s’efforce de faire la cour à sa voisine et amie pourtant plus jeune que lui de vingt ans. Mais justement il voit dans cette veuve des appâts non négligeables et se verrait bien en un excès de tendresse et de fougue les découvrir tout à fait. Il désire cette femme comme peut être il n’a jamais désiré la sienne. Il tente chaque jour de la voir et sur les informations des bonnes y parvient souvent.

Rose qui l’a apprit de la domestique de madame Vincens sait que monsieur va voir des filles rue des Voiliers et qu’il entretient une blanchisseuse dans le quartier Saint Nicolas.

Mais il est vrai qu’il serait plus simple de tromper sa femme et de    satisfaire ses sens sans sortir de son immeuble.  Zoé qui visiblement reste sanglée dans son veuvage ne remarque en rien le manège du vieux séducteur. Seul le mariage de son fils compte pour elle, elle marche dans la vie avec une attitude de respectabilité que rien ne vient troubler.

Dans la maison d’à coté Lidie qui s’ennuie pendant l’absence de son mari a décidé de passer quelques semaines dans le château familial des Admyrauld dans le village de La Laigne.

 

Entouré de vignes et à proximité de la forêt de Benon, il sert de campagne à l’ensemble de la fratrie. Certes Lidie n’est pas chez elle car une autre branche de la famille en est propriétaire, mais de fait s’y sent comme telle.

Sa mère Zoé n’aime pas la voir partir si loin en compagnie de sa petite seulement âgée de deux ans. Mais elle lui rétorque que l’air y est plus sain qu’au milieu des murailles de La Rochelle. Zoé lui rétorque que les miasmes des tas de fumier et la mauvaise qualité des eaux apportent le choléra et que dans un des villages proches une épidémie a fait récemment des ravages. Lidie respectueusement lui fait remarquer que les eaux de La Rochelle sont souvent saumâtres et que la propreté des rues est forte relative. Pour le choléra Zoé sait pertinemment que des gens en sont morts aussi dans la capitale de l’Aunis, de toutes façons sa fille a l’autorisation de son mari et n’en fera qu’à sa tête. Tout est d’ailleurs prêt au logis, sa cousine Marie l’attend avec impatience

C’est donc le branle bas de combat au 27, madame fait ses malles et le domestique de sa mère, Desroches se charge de les descendre et de les mettre dans la voiture. C’est lui qui se charge d’emmener Lidie et sa fille ainsi qu’Élise Thomas la servante.

Cette dernière est bousculée dans ses habitudes, elle s’occupe habituellement de la petite mais doit aujourd’hui gérer les jupons de Madame. Elle se dit que  hormis se pavaner ces bourgeois sont des incapables et qu’ils ne méritent en rien l’argent qui dort dans leurs bas de laine. Elle espère se trouver un garçon qui l’enlèvera à cette quasi servilité. Un ouvrier typographe ferait parfaitement l’affaire à moins que le fils du tonnelier tombe un jour dans ses rets .

C’est enfin le départ, Louis le cocher hisse les bagages dans la voiture et au passage passe une main aux fesses à Élise, elle se retient de le gifler mais ne veut pas faire d’esclandre au milieu de la rue.

Elle remarque cependant qu’ Eugène Martin, le jeune menuisier et fils du tonnelier a serré le poing. Est-ce un hasard ou un signe de désapprobation, en tout cas au passage il lui décoche un joli sourire.  Il semble bien jeune à Élise, mais pourquoi pas.

 Moulin de Bel air, moulin de Beaulieu, le treuil gras, le moulin de Chagnolet, le petit village de Dompierre, puis le village de Loiré qu’on laisse à droite. Ensuite se sont les marais de Nuaillé, puis le village, à la sortie encore un moulin. Il est sur une hauteur d’où l’on peut apercevoir le château de Beauregard qui appartient à un ami de la famille. Encore des moulins Ce sont ceux de Saint Sauveur de Nuaillé, Jarillons, Trompeurs, de la route. Puis le petit village de Ferrières avant la traversée de la forêt de Benon.

Ils arrivent à la Laigne quelques heures plus tard, la petite a pleuré pendant tout le parcours, madame Lidie a manifesté contre la mauvaise conduite de Desrosche et contre l’état de la route qui pourtant est l’axe principal pour se rendre à Paris.

 Lidie Admyrault et sa petite bonne sont heureuses d’arriver, le bébé dort enfin.

Le château de Beaulieu est une demeure du 16ème et du 17ème avec un bâtiment central terminé à  chaque extrémité par un pavillon couvert d’ardoise,le tout  flanqué  par deux ailes elles mêmes terminées chacune par une tour. C’est le grand-père de son époux Jean Louis Admyrauld qui a acheté ce domaine au début du 19ème siècle. Il est situé au milieu de bois, des terres.  Un pigeonnier et une grosse ferme  viennent compléter l’ensemble.

Lidie franchit la grille aux armes des Admyrauld, elle est dans un autre monde et oublie aussitôt la rue de l’Escale son acariâtre de mère et sa peste de grand-mère

Jean Louis Admyrauld est né à La Rochelle le  29 mai  1760 et est décédé à La Laigne le  16 octobre 1835, maire de La Rochelle et de La Laigne, député, armateur et négociant

Il s’est marié à Henriette Julie Suidre le 8 septembre 1782 à La Rochelle , née à La Rochelle le 26 décembre 1765 et décédée à La Laigne le 11 mai 1821, fille d’un négociant,.

 

 

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