CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 4, LIDIE ADMYRAULD

 

La deuxième madame Zoé de la maison émerge à peine de sa somnolence nocturne, alors que toute la maison est déjà en mouvement. Sa nuit a été très mauvaise et ce sont les bruits de la rue qui en lui lançant des flèches de douleur l’ont réveillée. Rien ne peut soulager ces foudroyantes céphalées si ce n’est l’obscurité et l’absence de toute activité.

Ces effroyables maux de tête ont commencé à la mort de son mari en 1830, sans qu’elle sache si son mal a un lien avec son défunt, elle le maudit tout de même.

Comme sa mère, elle s’est mariée fort tôt, touchant juste à ses dix huit ans. L’élu de ses parents en cette année 1814, qui voyait s’écrouler l’empire, était ingénieur des ponts et chaussées. Si elle ne l’a pas aimé du moins ne l’a t’elle pas détesté, un mariage de convenance loin de toutes extravagances. Ils ont vécu entre gens du même monde, au milieu des obligations mondaines de province. Parfois monsieur Brédif lui a fait entrevoir la jouissance sans que pour cela il n’attente à sa dignité d’épouse. Elle lui a donné 4 enfants mais ce bougre n’a pas daigné vivre longtemps. Son aînée avait quatorze ans mais la plus jeune n’en avait que quatre. Dans un premier temps le veuvage lui a pesé et elle a songé à se remarier. Cette tentation lui est passée depuis longtemps bien que parfois le corps d’un homme lui manque.

Maintenant ses deux filles sont mariées et son fils est sur le point de le faire ce qui d’ailleurs lui occasionne bien des désagréments et augmente son mal lancinant.

Elle  a aussi  sa domestique personnelle, que ferait-on sans eux. Elle s’appelle Rose, c’est une belle mulâtresse, fruit d’une négresse et d’un capitaine de bateau. Placée chez les sœurs hospitalières, madame Zoé l’avait offerte à sa fille.

Pour une semi négresse elle porte une distinction rare qui fait dire au vieux Babin, mais que ne dit-il pas, que sa mère devait être fille de quelque chef de tribu. Éduquée, écrivant parfaitement, elle sert de secrétaire à Zoé la jeune qui n’a pas de secret pour elle.

Zoé, donc est pour tous la veuve Bredif. Aujourd’hui c’est le jour de ses visites, elle va chez les futurs beaux parents de son fils afin de finaliser les préparatifs.

Elle décide d’ y aller avec sa fille Lidie. Cette dernière  habite la maison d’à coté, elle ordonne à Rose la bonne d’aller lui demander si elle veut l’accompagner.

Cette dernière se rend donc au 27 de la rue de l’Escale où demeure la fille de madame.

Elle sonne et attend qu’on vienne lui ouvrir, en face il y a Charles Martin le fils du tonnelier, elle l’aime bien ce grand dégingandé aux cheveux en bataille. Il a un quelque chose en plus, c’est indéfinissable mais cela pourrait être un charme emprunt d’une sauvage féminité

Il lui sourit mais ne dit  mot, ce grand timide pourrait bien attendre d’avoir un age canonique avant de se décider.

C’est la petite Robert qui vient ouvrir, elle aussi se prénomme Rose, c’est une drôlesse de 16 ans pas très délurée pour le service et que ses maîtres ont beaucoup de mal à cadrer. Par contre son corps provoque un intérêt certain pour les fils du tonnelier Martin et plus particulièrement pour le plus jeune qui sort juste de l’enfance.

Rose fait prévenir sa patronne qui répond par l’escalier qu’elle n’est pas prête et que son mari lui a confié une autre tache.

Au 27 de la rue de l’escale demeure donc la fille de madame Zoé Brédif au demeurant petite fille de Zoé Bernon, elle a réchappé au prénom de Zoé déjà prit par sa sœur mais répond à celui d’Augustine Lidie. Elle a 25 ans et est la plus jolie des personnes . Elle a fait le plus beau des mariages avec un négociant Rochelais nommé Etienne Louis Admyrauld. Entrer dans cette famille a été un véritable honneur et Lidie savoure son bonheur à chaque instant. Ce mariage arrangé a commencé par la plus belle chose qui soit, lors de leur première rencontre les deux sont tombés éperdument amoureux. Peu à peu ils se sont découverts et chaque fois que monsieur revient d’Allemagne où l’éloigne son négoce, c’est une nouvelle folie, une nouvelle nuit de noces, un nouveau roman d’amour qui s’ouvre à la lecture.

Elle est aussi mère d’une petite fille de deux ans, parfaitement adorable prénommée Marie Lidie.

Louis son mari pour l’heure est en voyage d’affaires en Prusse mais sera revenu, il le lui a promis pour le mariage de son frère.

En fait elle ne peut accompagner sa mère car c’est la tété de sa fille, elle a choisi contrairement aux usages dans sa société d’allaiter elle même. Sa grand mère et sa mère ont failli la renier d’une telle inconvenance. Il y a des nourrices ma fille pour cela, nous ne devons pas nous abaisser de la sorte. Avec l’accord de son mari elle a bravé la tempête et maintenant savoure les moments uniques de complicité qu’elle a avec sa fille.

Rose en repartant s’arrête au niveau de Charles pour lui faire un peu de charme, ce dernier va rejoindre son travail. Elle estime qu’être décrotteur n’est guère gratifiant et se jure de lui faire changer de voie si ils concrétisent tous deux un brin de route ensemble. En attendant le grand nigaud balbutie et rougit comme un enfant. Cela ne va pas être facile de le séduire, elle ne peut quand même pas se jeter sur lui ou remonter ses cotillons pour l’affrioler.

En attendant c’est son frère Eugène qui répond, lui est menuisier, c’est un effronté de 18 ans qui court le jupon et qui dit on a attrapé une vilaine maladie sur le port. Elle en rigole avec les autres servantes mais aucune ne veut aller constater l’étendue des dégâts par elle même.

Elle remonte rejoindre sa maîtresse qui bien sûr lui crie dessus car elle a pris trop de temps.

Zoé se rend donc seule en direction de la rue Dauphine où l’attend sa future commère Marie Anne Durand de Coupé. Elle aurait pu prendre un équipage mais sa préférence va à la marche. En coupant par la place Royale on y est tout de suite. Rose simplement l’accompagne et l’attendra à l’office.

 

Zoé Bernon est née à la Rochelle le 25 avril 1795  et décédée le  26 avril 1863 au  25 de la rue de l’Escale. Elle s’est mariée le 9 février  1814 à la Rochelle avec Augustin Brédif un ingénieur des ponts et chaussées né à Tours le  7 février  1777 et décédé le 27 janvier  1830.

Augustine Lidie Brédif est née le  7 aout  1826 à La Rochelle et décédée le 31 aout  1897 à la Rochelle. Elle s’est mariée le 9 février 1848 à La Rochelle avec Louis Étienne Admyrauld négociant né le 23 juillet  1817 à La Rochelle et décédé le 14 juillet  1852 à Bartscheid près d’Aix la Chapelle en Allemagne.

Augustine Lidie se remarie le 8 décembre  1855 à La Rochelle avec Eugène Dor né le  2 janvier  1818 à La Rochelle et décédé le 6 septembre 1883 à La Rochelle, contrôleur des contributions, maire de La Rochelle et chevalier de la légion d’honneur.

Marie Lidie Admyrauld est née à La Rochelle le 23 janvier  1849 et décédée à La Rochelle le 11 janvier  1915

 

CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 1, ZOÉ LA VIEILLE

CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 2, LES DOMESTIQUES

CEUX DE LA RUE DE L’ESCALE, PARTIE 3, LE GENDARME

 

 

 

 

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