UN ROCHEFORTAIS DANS LA NAVALE, ÉPISODE 3 AU SERVICE DE LA FRANCE

Maintenant qu’il s’établissait dans l’élément qu’il avait de toujours choisi, il allait devoir faire ce que chacun faisait dans la bonne société, se trouver une femme et construire un foyer.

Les demoiselles ne manquaient guère, mais il convenait d’en trouver une avec le même niveau social. Cela lui fut facile et les tractations commencèrent avec la famille de Françoise, Marie Claudine Roux .

La jouvencelle de 19 ans était la fille d’un capitaine de vaisseau qui venait d’être nommé major de la flotte à Rochefort. Joseph ne fut guère déboussolé d’avoir à dépuceler une gamine, lui qui avait déjà trente et ans, la dot était belle, la mariée aussi. L’on restait entre soi, entre marin et dans la fumée des cigares, un verre de cognac à la main, chaque détail de l’union fut discuté.

Le mariage se fit à Saintes chez les Savary, Mme Arnoux y tenait et elle avait obtenu satisfaction.

Joseph Arnoux avait l’honneur d’avoir pour témoins le vice Amiral Gamault, préfet maritime et le capitaine de vaisseau Louis Juin, major de la flotte . Les témoins de la mariée furent Lucien, le frère de Joseph , lieutenant de vaisseau et son oncle Auguste Savary propriétaire. Les uniformes étincelaient, les croix de chevalier, d’officier de la légion d’honneur rutilaient et le champagne coulait à flot.

Il ne restait plus à Joseph que d’attendre sa rosette et un grade supplémentaire pour pouvoir prétendre à un haut commandement.

Peu après le mariage en juin 1878, son père Eugène mourut sans qu’il puisse être présent pour lui rendre hommage.

Un an plus tard Françoise mit au monde sa première fille, Joseph heureux mais un peu déçu, laissa femme et enfant pour se rendre dans l’île d’Oléron à l’école des défenses sous marines. C’est dans ce centre de formation pour l’utilisation des torpilles qu’il sera nommé chevalier de la légion d’honneur. Il sera décoré le 12 août 1880 devant les troupes déployées sur le Messager, un brick ponton qui servait d’annexe à l’école. Joseph Paul était pleinement satisfait de cette nomination, car depuis la création de l’ordre chaque génération d’Arnoux avait été décoré. Si pour lui la légion d’honneur était une évidence en haut lieu le bonapartisme de son beau père qui venait de se voir refuser la distinction de commandeur aurait pu lui être préjudiciable.

Le 25 mars 1881 il n’était pas à son domicile pour y voir naître sa deuxième fille, il se trouvait à bord du cuirassé d’escadre Provence au sein de la division navale du Levant.

Ce grand navire avec coque en fer avait été lancé en 1863, mixte avec chaudière à vapeur et voilure. Sur ce grand navire Joseph se sentit à son aise, le capitaine de vaisseau Reynault de Barbarin son commandant y contribua grandement par son affabilité.

Ce fut par courrier qu’il apprit la naissance de son fil Paul Jean en novembre 1881, enfin un héritier.

Hélas il apprendra par la même voie que son fils n’aura vécu que deux mois. Seul loin de sa femme la nouvelle fut terrible.

En 1884 Joseph retrouva les rives vaseuses de la Charente avec le commandement de la canonnière stationnaire le Gahès. Avec cette affectation il renouait avec la vie de famille et profita de nouveau de son foyer et des douceurs de sa femme.

Chaque soir lorsqu’il n’était pas en manœuvre il rentrait chez lui, loin des trépidations d’une grande unité. Au niveau de l’avancement il restait bien sûr lieutenant de vaisseau, aucune guerre en vue pour accélérer le lent mouvement.

En 1889 notre Rochefortais prit le commandement de l’aviso  » le Travailleur  », ce navire qui avait servi pour la recherche océanographique ne quitta guère les rives de la côte atlantique. Puis en 1890 il devient commandant de l’aviso » Castor. »

Le 10 septembre 1890 il sera nommé à un poste à terre, il devint secrétaire de l’état major du 4ème arrondissement maritime à Rochefort. Chaque jour consciencieusement il se rendait dans le bâtiment qu’on nommait  »la majorité de la flotte », c’est une maison carrée à qui l’on a accolé trois péristyles surmontés d’une terrasse. Joseph y avait son bureau et travaillait à la bonne organisation du port.

Le 31 juillet 1892 ce fut la fête rue des grandes allées, Joseph était nommé capitaine de frégate rejoignant ainsi le grade de son père. Son frère Lucien avait obtenu le même grade 6 mois auparavant.

Ainsi les frère Arnoux, tous deux capitaines de frégate s’installaient durablement dans la bonne société rochefortaise teintée de d’affairisme et de rigueur militaire.

Mais la destinée d’un marin est de naviguer et la destinée d’un officier de prendre des commandements, en janvier 1894 Joseph devient second sur le cuirassé » Brennus », en essai à Lorient . C’était un magnifique bâtiment de 110m de long, après des essais en mer concluant, l’unité fut affecté à l’escadre de la méditerranée. Cela faisait plusieurs années que Joseph n’avait navigué sur la mer de ses ancêtres.

Le 14 avril 1896 il quitta pour ne plus y revenir, le service en mer et devint aide de camps du major général de la marine à Rochefort.

Il se rapprochait de la tête du commandement maritime et était heureux de profiter des siens.

Le Contre Amiral Thomas Boulineau contribua à le faire entrer dans la liste des officiers de la légion d’honneur le 30 décembre 1898.

En avril 1898 Joseph fut nommé aide de camp à l’état major de la majorité générale du 4ème arrondissement maritime à Rochefort.

Le capitaine Arnoux savait déjà qu’il avait atteint le maximum, il se rapprochait de la retraite et ne pouvait espérer le grade de capitaine de vaisseau

En octobre 1898 la famille était réunie pour le mariage de Marie Eugénie la première des filles, Joseph avait consenti à donner la main de sa fille à un non marin .

L’heureux élu Paul Oscar Labeille, ingénieur des ponts et chaussés et fils d’un négociant. Nous restions entre gens d’un même monde même si au fond de son cœur Joseph eut préféré un jeune enseigne de vaisseau.

Le 6 octobre 1900 Joseph Paul Arnoux fut placé dans la réserve tout en s’occupant de ses affaires il ne devint pas pour autant un simple péquin. Toutes ces années dans la Royale avait façonné son destin. Il restait fils de la Charente mais le hasard fit qu’il mourut le 24 décembre 1903  à Bordeaux sur les rives de la Gironde. Héritier d’une longue lignée de marins et de serviteurs de l’état,nous ne pouvions que lui rendre hommage à travers ce texte et la diffusion de son portrait qui reposait depuis plus de cent trente ans dans un tiroir.

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