LE GROGNARD DE TAUGON, PARTIE19/25, LE DÉBUT DE LA DERNIÈRE CAMPAGNE

                                                                                                                                          

L’empereur se mit au travail, rien n’allait. L’Europe ne voulait toujours pas de lui et la France, il fallait bien l’avouer était grandement partagée. Il allait devoir faire des concessions, moi si j’avais été lui je n’en aurais pas fait

Bon je n’étais pas à sa place mais pour sur dans les cabarets celui qui dénigrait Napoléon je lui foutais une raclée.

Mais rien n’y fit , la guerre arriva, et l’on allait bientôt partir en campagne. Même si l’on était sûr de notre force un vent de pessimisme soufflait sur l’armée . Le 1er juin ce fut la cérémonie du champs de mai, déjà champs de mai en juin cela nous faisait bizarre, mais ce n’était rien par rapport au costume que portait notre empereur. Nous on l’aimait dans son uniforme de chasseur avec son chapeau, là il était en tenue civile, caleçon de soie, manteau violet, toque empanachée on eut dit l’acteur Talmas dans une pièce aux variétés. Cela nous présageait rien de bon, d’autant que notre état n’était guère brillant.

Il manquait des uniformes, il manquait des hommes, il manquait des armes. Nous les deux premiers régiments de chasseurs on portait le bonnet d’ourson mais sans plaque mais les deux autres le 3 et le 4 n’avaient que des uniformes dépareillés. En voyant l’état de la garde on imaginait aisément l’état de la ligne. Mais ce n’était  pas mon affaire, chacun sa gamelle.

La garde impériale avait 20 884 hommes et 117 bouches à feu, moi je faisais toujours parti de la deuxième division d’infanterie, sous les ordres maintenant du lieutenant général comte Morand.

4 régiments de chasseurs à deux bataillons soient 4603 hommes avec 12 canons de 6 et 4 obusiers de 24.

On partit de Paris, Napoléon précipita l’entrée en campagne, le 10 juin on devait être à Soisson et le 13 à Avesnes cela nous fit encore une belle promenade, sous un temps particulièrement mauvais. On n’aurait  pas dit  qu’on approchait de  l’été, à Taugon on devait prier pour que la moisson ne soit pas mauvaise .

On nous soigna, nous avions du pain et des biscuits, si l’on devait mourir autant le faire le ventre plein.

Nous entendions les officiers parler de la campagne, ils n’avaient pas confiance car l’empereur devait  faire face aux ennemis de l’intérieur comme ceux de l’extérieur. Cela le mit dans une position difficile, attendre qu’on l’attaque et choisir son terrain ou faire une attaque fulgurante avant que les alliés ne se rassemblent de nouveau.

Ce fut l’attaque sur la région de Charleroi, d’abord les prussiens puis les anglais.

Le 14 juin on bivouaqua dans la boue. Il n’était pas question de dormir sous un tel déluge, le lendemain à l’aube la diane était battue, c’était pour aujourd’hui.

On nous lut une énième proclamation et nous gueulions de retour vive l’empereur. Nous apprenions aussi dans nos rangs la trahison de Bourmont le commandant de la 14ème division, ce salopard méritait de finir sous le feu d’un peloton.

Les combats commencèrent le 15 juin près du village de Gilly, on ne fut pas sollicités et l’on attendit dans le brouillard. Il paraît qu’il y a eu des problèmes de transmission d’ordre et que le troisième était resté au bivouac. Ce n’était guère étonnant l’empereur qui était le dieu de la stratégie, a perdu dans cette période trouble, le Dieu de l’organisation, le Dieu des chefs d’état major le prince Berthier.

A la place nous avions Soult le duc de Dalmatie, encore un triste personnage je peux le dire car je l’ai approché en Espagne. Il était bien moins efficace et nous nous doutions  qu’il allait nous faire  faire des conneries.

Nous avions quand même passé la Sambre et visiblement la manœuvre avait réussi car l’armée anglaise fut séparée de la prussienne.

On allait bien voir mais en attendant il faisait un temps de chien et on allait encore être trempés pour dormir. Le pain était  tout moisi et le pinard exécrable, nous prenait-on pour des gorets. J’espérais qu’on allait nous fournir du tabac.

Nous étions le 16 juin c’était le grand jour, plus de pluie ni de brouillard mais de la chaleur et de la poussière décidément on aurait tout eu.

Il était 9 heure du matin lorsqu’on quitta le bivouac de Gilly, la musique et les tambours nous donnèrent du baume au cœur j’aurais bien aimé  un petit coup d’eau de vie des Charentes, j’avais beau être maintenant habitué il y avait toujours cette appréhension de la mort qui rôde. On avait beau être ancien, blasé, fanatisé, en colère ou bien ivre la peur de mourir vous collait à la peau.

A la sortie des bois de Fleurus on nous rangea à droite de la chaussée en colonnes serrées par divisions de cinquante files.

La jeune garde même positionnement était à gauche, il faisait une chaleur accablante et je me confectionnais avec des mouchoirs un espèce de parasol. Ce n’était pas très martial ni vraiment efficace mais cela avait le mérite de tuer le temps.

Le tondu passa et on l’acclama,c’était rengaine mais c’était dans notre âme. Il allait grimper dans un moulin près de là pour observer le futur champs de bataille. Si pour nous il n’était pas nécessaire de voir où l’on combattait, sa vision à lui devait être parfaite. Pour cela c’était le meilleur, les prussiens faisaient face, d’après la rumeur, on allait leur mettre une trempe et les poursuivre jusqu’à Berlin. J’avais hâte de tâter une croupe berlinoise, des vieux lascars en vantaient le mérite.

Voila maintenant le 4ème corps qui arrivait, en avant, on avait pas mangé mais qui meurt dîne. Le 3ème corps de Vandamme sur Saint Amand, le 4ème de Gérard sur Ligny, nous la garde comme d’habitude nous étions en réserve.

Soudain on bâtit la grenadière et la carabinière . Nous voilà par miracle en une seule colonne de 24 bataillons, à travers champs on arrivait à Fleurus. Les habitants n’avaient pas fuit, ils nous regardèrent sans conviction dans une expectative inquiétante. Autrefois nous aurions eu droit à une fête, on nous aurait servi du vin, donné du pain, certaines drôlesses nous auraient bisés.

Avec les autres régiments de chasseurs on s’arrêta près du moulin et l’on nous mit en colonnes par régiments déployés. Les grenadiers n’étaient pas loin ainsi que la vieille garde. J’avais  l’habitude et je sais que cette position en échelon nous permettrait de former les carrés contre la cavalerie.

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