LE GROGNARD DE TAUGON, PARTIE 6/25, LA BELLE A LA CHEVELURE ROUSSE

Il n’y avait pas de garde impériale à La Rochelle mais les conscrits s’y réunissaient pour faire marche commune avec un encadrement. Moi je devais rejoindre Paris.

Je fus prêt pour le grand départ, ma mère pleurait, ma sœur et mes belles sœurs aussi. Nous avions peine à nous imaginer que ce départ pouvait être sans retour, moi je ne me posais pas la question. La garde de l’empereur était entourée de beaux contes, mais après tout la réalité serait sûrement plus nuancée. Dans un premier temps il conviendrait que je ne me fasse pas tuer, pour le retour, on verrait plus tard. A la Rochelle je fis la connaissance de Mathieu Rolland un gars de Courçon et de deux rhétais, Jean Bpatiste Theilly et Louis Giraud. On devint inséparables et devant la dureté de notre nouvelle vie nous fîmes front commun. J’étais bon marcheur, mais j’ai l’honnêteté  de dire que lorsque j’arrivais à Paris je n’étais pas très fringant, les pieds en sang, crasseux et épuisé.

Pourtant les gîtes d’étapes étaient corrects, et le ravitaillement bon, mais assez pleuré, la plus belle ville du monde m’attendait. Pour moi au départ ce ne fut que la vie de caserne, Le 1er bataillon de tirailleur de la jeune garde était formé de cadres pris dans les fusiliers et de nous les nouveaux. Je n’éprouvais encore guère de fierté tellement fut rude notre adaptation. Tout d’abord l’habillement, une veste à manches, une capote, une culotte, un bonnet de police, deux paires de bas, des souliers et des guêtres, deux chemises, un col noir, un sac de couchage, un shako garni d’un cordon blanc, d’une plaque à l’aigle, d’une cocarde en cuir, d’un pompon un havresac, une giberne et sa banderole et une bretelle de fusil. Jamais je n’avais possédé autant de chose.

Le principe dans la garde était de nous coupler avec un ancien, en fait nous devenions un peu son valet et surtout nous faisions lit commun. En retour, il nous instruisait. Si vous tombiez sur un brave type le système tenait, mais si vous tombiez sur un salopard, il vous faisait vivre l’enfer. Il fallait nous former, alors revues, marches, apprentissage du tir, nous n’arrêtions pas. Moi j’étais à la caserne de Courbevoie, pas très confortable le logis mais il paraît qu’il y avait pire. De fait je connaîtrais bien pire. Pendant mon rude apprentissage, le Napo avait définitivement anéanti les Autrichiens impudents.

Mais nous qui n’avions que les bulletins pour nous informer, nous étions loin de nous douter du nombre de morts qu’ils y avaient eu. Coups de canon, Te deum, parades des soldats qui rentraient, tout nous montrait l’importance de la victoire mais pas le prix qu’elle avait coûté. Notre chef était maintenant tout à son divorce, la Joséphine visiblement ne pouvait plus lui donner un héritier, c’était assez gênant dans une dynastie alors il s’en débarrassa. Les anciens voyaient cela comme un mauvais présage, l’impératrice étant un peu comme une étoile protectrice. Après avoir divorcé de la vieille il se chercha un ventre. J’avais beau être dans la garde de l’empereur; je n’en avais même par aperçu l’ombre, il est vrai que je ne faisais pas partie de l’élite des grenadiers de la vielle garde.

Par contre l’on pouvait croiser de beaux équipages et l’on se poussait du coude afin de mettre un nom sur ces chamarrures qui n’avaient plus rien à voir avec la rudesse des camps.

Bon si Napoléon se cherchait un ventre moi je cherchais du sexe.  C’était bien le diable si en étant de la garde je n’arrivais pas à déposer en offrande mon pucelage au cul d’une lingère ou d’une quelconque souillon qui traînait aux abords des casernes ou des auberges. Ce ne fut finalement pas si facile et lorsque j’allais me résoudre à abandonner une partie de ma solde à une diablesse tarifée, je rencontrais une petite. Un joli minois, une belle prestance où un ensemble d’atours bien disposés la faisaient très engageante. J’étais un peu taiseux et fort peu expérimenté de la gente féminine.

Je n’avais comme exemple que mes sournoises belles sœurs qui faisaient exprès de me rendre chèvre en tortillant du cul et en se penchant pour me faire mirer leur démoniaque poitrine.

Bref, malgré qu’elle ne soit guère plus âgée que moi elle prit les choses en main. Un soir de sortie elle m’entraîna dans sa sous pente. Elle commença son ensorcelant professorat en libérant une rousse crinière de son bonnet de laine. Les taches de rousseur qu’elle avait sur le visage, descendaient bien plus bas, cela faisait comme une voûte céleste sur sa poitrine. Lorsqu’elle m’encouragea à goûter ses jolis fruits, je crus que déjà j’allais délivrer ce que je voulais retenir.

Le reste, sa nudité, la mienne je ne m’en souviens que très confusément mais ce dont je n’oublierais jamais c’est cette douce fragrance de femme qui flottait autour de son corps de déesse des faubourgs. J’eus ensuite beaucoup de femmes, mais cette petite pomme d’amour à l’accent parisien, délurée comme un régiment de grenadiers me laissa un de mes meilleurs souvenirs de mon long cheminement. Avec la baguette des instructeurs, la voix aboyante du caporal de compagnie et la rudesse de notre encadrement, elle avait fait de moi un homme. Je n’étais déjà plus l’ignare des marais, le provincial de l’Aunis.

Elle devint ma régulière, comme une petite épouse. Elle savait que j’allais partir et je savais qu’elle se donnerait à un autre soldat. A mon âge et avide de découvertes, je suivis plusieurs fois mes copains Rochette et Odin chez des dames de petites vertus, c’était une autre version de l’amour et en cette matière j’étais prêt à l’expérimentation.

J’eus la chance de rien attraper, car un autre de la 4ème le Jean Baptiste Juliant s’en colleta une belle. Cette chaude pisse il se la traîna jusqu’en Espagne, malgré la souffrance qui en découla il transforma cette infortune en arme de guerre lors de ses exactions sur les femelles espagnoles.

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