LE GROGNARD DE TAUGON, PARTIE 4/25, LE CONSCRIT

Notre jeune empereur avait concentré des troupes à Boulogne afin de faire une descente en Angleterre. Ces impudents Anglais depuis que nous avions mis les pieds en Belgique fomentaient guerre sur guerre et payaient de leur Penny le sang des autres européens. Il fallait donc les punir et notre magnifique chef avait fabriqué le plus beau des instruments pour y parvenir.

Je ne sais si réellement il y croyait mais cette armée commandée par des chefs mythiques était la plus belle et je m’y rêvais presque.

Quoiqu’il en soit une autre menace venue d’Autriche et de Russie arriva, ce fut les sept torrents, une ruée bien ordonnée qui fondit sur les culs blancs. Ce fut le soleil d’Austerlitz.

Ces histoires de maréchaux, qui avaient ramassé leurs galons rapidement, ces ascensions fulgurantes, ces destins hors normes étaient maintenant sujets des histoires de veillées. Moi René Ferron duc et maréchal que je me voyais, après tout peut être avais je l’âme d’un meneur d’homme.

Ce fut l’apogée d’une époque, jamais les français n’iraient si haut et un sentiment qui était né lors des grandes levées de 1792 fut conforté par les victoires de notre chef.

L’Angleterre toutefois n’était pas vaincue et les Prussiens qui se croyaient mûrs pour nous infliger une défaite, se croyant sans doute à l’époque du grand Frédéric, nous déclarèrent vilainement la guerre.

Ce fut Auerstaedt , Iéna et les conquêtes de forteresses par des groupes de cavaliers. L’Europe était presque à genoux, l’empereur tout à sa gloire.

Mais retournons sur nos terres, moi maintenant j’étais en âge de devenir un conscrit

La conscription en cette époque était régie par la loi Jourdan- Delbrel. Chaque jeune homme de vingt à 25 ans était inscrit sur une liste on les appelait les conscrits.

Chaque commune avait établi la sienne. Ensuite venait le temps du tirage au sort, le maire en présence des conscrits, d’un officier de recrutement ou de gendarmerie mettait dans une urne autant de bulletins qu’il y avait de conscrits. Chaque jeune homme puisait son bulletin à tour de rôle et plus le numéro était élevé plus les chances de ne pas partir étaient hautes.

Lorsqu’on avait tiré le mauvais numéro on passait le conseil de révision. Évidemment au jeu de la chance je perdais, me voici à Courçon dans le plus simple appareil, j’estimais que j’étais  bien conformé, solide comme un roc, je passais sous la toise, je faisais 1 mètre 70 alors vous pensez bien.

Puis je passais devant un médecin major, je ne sais pourquoi il me soupesa les testicules,, il me reluqua comme un maquignon et en frappant comme un sourd avec son tampon, bon pour le service.

Me voilà en quelques minutes susceptible de partir au loin, j’étais  sur une liste d’attente, vous voyez j’avais quand même un peu de chance.

Certains partiraient presque aussitôt et d’autres en petite quantité se feraient remplacer. Moi je n’avais pas d’argent pour cela, cela coûtait une fortune et seuls des fils de bourgeois pouvaient se le permettre.

Désormais je tremblerai comme d’autres en voyant arriver le maire ou les gendarmes. Le fait d’être conscrit me conférait quand même une aura, j’étais un homme, qui plus est, bien fait. Je sentais que le regard des filles allait changer et je bombais le torse en sortant de la salle municipale.

Nous fîmes la tournée des auberges et cabarets et je rentrais chez moi rond comme un petit pois. Le torse et mon allure avaient perdu de leur fierté et je m’affalais sur mon grabat. Mes frères se moquèrent et mes belles sœurs gloussèrent.

Positivement je me sentais un homme, ma mère me remit dans le droit chemin, en nous lâchant à table, ce diable de Napoléon, il nous prendra tout nos enfants sans nous les rendre jamais, regardez celui là qui jubile, pas bon à marier encore, mais bon à tuer. Je baissais la tête dans ma soupe, il ne m’appartenait pas de contrarier ma mère . Je lui vouait une sorte de vénération alors il n’était pas question de lui répondre.

J’étais conscrit certes mais la vie continuait, Napoléon n’avait visiblement pas besoin de moi pour vaincre l’Europe. La Prusse était anéantie et la reine Louise en pleurait de rage, la Russie avait rendue aussi grâce. Mais dans les récits, on apprenait aussi que les batailles étaient de plus en plus cruelles. Eylau, Friedland avaient été d’effroyables tueries. Un léger murmure parcourait le territoire Français, aux marchés, aux foires, les femmes grondaient devant la disparition de leurs enfants et les hommes pestaient contre la perte de jeunes mains d’œuvre.

L’étoile palissait à peine et moi avec mes yeux de jeune homme, elle m’éblouissait encore.

Le Napoléon il avait à peu près tout sauf un petit mâle, visiblement c’était la Joséphine qu’avait cassé son moule, il faudrait qu’elle meurt ou bien qu’il en change.

Puis il se trouva que le bonhomme fit son premier faux pas, les autrichiens, les russes et les prussiens avaient momentanément rabattu leur caquet, qu’il fallut qu’il jette les dés de la chance en Espagne. Un pays d’arriérés, de montagnes, de prêtres fanatiques rien qui puisse arrêter les torrent majestueux de nos armes. Il y avait eu comme un avant goût, comme un premier parfum de mauvaises choses. Le Portugal cette vilaine porte ouverte aux Anglais, des troupes y furent envoyées pour la fermer sous les ordres du plus incapable de tous, Andoche Junot. Les liens de l’amitié chez notre corse était très forts et ce fut une catastrophe.

Donc l’Espagne, un tour de passe passe comme les bateleurs de foire, notre empereur magicien arriva à substituer son frère Joseph à l’antique dynastie de Bourbons d’Espagne.

Fussent-ils d’une nullité affligeante, ils étaient légitimes alors que Joseph premier ne l’était pas.

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