
Maintenant que les garçons ont grandi il n’y a plus besoin d’engager un garçon meunier. Ils apprennent le métier avec le père et prennent des forces en même temps que des taloches et des coups de pieds de galoches au cul.
A cette même époque une affaire d’une extrême importance occupe les fariniers, Jean le cadet de la famille qui travaille pour son frère arrive à l’âge parfait pour se marier
Le bougre s’est entiché d’une sale drôlesse délurée et avant qu’une catastrophe n’arrive, on en conviendrait presque à vouloir les marier.
Seulement la dulcinée est fille de rien, le père n’est qu’un va-nu-pieds de journalier, certes considéré et jamais laissé de coté mais ne possédant que très peu de journaux de terre. La mésalliance est certaine pour le frère d’un farinier, mais Jean envoûté par ses charmes s’en moque comme d’un moulin.
Oui la belle Anne a de quoi séduire, la générosité de ses hanches fait présumer une bonne donneuse d’enfants et son altière poitrine outre le fait qu’elle doit rendre fou le jeune Jean, nourrira avec certitude une flopée de drôles.
Bref elle a charmé le farinier et les négociations peuvent commencer, un matin alors que Pierre et son frère changent l’orientation des ailes du moulin en s’attelant à la queue, Nicolas Pelisson se présente, c’est le père de la petite. Le Jean n’en mène pas large, la situation va être tendue. Le père Pelisson n’est pas seul et cela a son importance, l’homme qui est à coté de lui n’est pas n’importe qui. Ce n’est pas un gagne misère, ni un labourou à bras, non il a les mains blanches, la mine soignée, des souliers et des collants. C’est Nicolas Depré il n’est rien moins que procureur fiscal du comté de Benon.
Fleurisson a sa vue redevient humble, retourne au peuple, frôle la plèbe, il est toute petitesse devant cet officier bourgeois sentant la noblesse.
D’ailleurs c’est lui qui prend la parole, bizarrement il se présente comme un cousin de Pelisson. Comment une famille si vile peut être apparentée avec cette hauteur en dentelle.
Les choses vont finalement aller très vite, en échange de cette main, le procureur fera avoir le fermage d’un autre moulin à la famille. Pierre pour ce moulin proche du sien aurait vendu ses filles et sûrement donné sa femme. On se serre la main cela vaut acceptation, on passera chez le notaire Pierre Chaurray.
Le Jean sera toujours journalier mais sera gagé par son frère pour le second moulin, l’affaire est bonne pour tout le monde. De l’autre coté du chemin la famille Moisnet peste contre cet accapareur de la Vendée, ce presque étranger au pays.
Le 17 juin 1726 c’est la fête au moulin. Pierre se moque un peu de la fête, il observe avec satisfaction le deuxième moulin qui va lui permettre de franchir un cap important dans la hiérarchie sociale et paysanne du comté de Benon.
Jean Fleurisson le cadet, le dernier de la famille a être né en dehors de l’Aunis est donc lié au Pelisson et reconnaissant à son frère pour la belle situation qui se fait jour pour lui.
En face les Moisnet en crèvent de jalousie, Pierre doit même interdire à sa femme de fréquenter la Moisnete et ses enfants de franchir le chemin pour aller baguenauder dans les prés de la Galipotte où dans la forêt qui non loin étend ses sombres branchages.
Le 22 septembre 1727 le curé Lunéau a exigé que tous viennent à la messe, c’est un lundi et personne à la vérité ne désire venir à l’église. Mais il s’apprête à officier une messe que lui a commandée la princesse de Talmont, comtesse de Benon en l’honneur des saints anges gardiens. Cette office sera célébré pendant 50 ans.
En attendant l’église saint Pierre est remplie, on a balayé avec soin les gravats des travaux, le peuple est là avec l’élite qui les commande. La princesse n’est pas là mais ses représentants trônent en majesté a sa place sur les bancs de devant.
Pierre Fleurisson, Jean son frère, Jean et Pierre ses fils, sa femme occupent leur banc. Le chef de famille est assez fier de voir son nom gravé sur une petite plaque qui lui réserve par baillette l’usage exclusif de ce banc. C’est une réussite sociale qui le distingue de la vile cohorte des charbonniers, des journaliers et des laboureurs à bras.
Jeanne Fleurisson veuve Ancelin est de l’autre coté avec sa fille Élisabeth, une splendeur qui attire les convoitises. Son oncle Pierre la surveille de loin mais les cousins en rêvent la nuit. Pierre le jeune du haut de ses quatorze ans se verrait volontiers dans le creux des reins de sa cousine. Un rêve un peu bizarre qu’il a fait l’autre nuit, lui était dédié. Il en a un peu honte et son esprit est taraudé par l’idée de le dire ou non au curé.