LA CHÂTELAINE, ÉPISODE 2, ENTRE DEUX CHÂTEAUX

 

 

 

Famille d’Aussy devant la porte ouvragée du château de Crazannes ( Charente Maritime ), vers  1890.

 

L’année n’était point achevée qu’elle devenait mère à son tour. Vivant tour à tour, à Saintes où dans le château ancestral de Landes, le couple fréquente la haute bourgeoisie du département, et bien sûr la noblesse locale.

Dans une hiérarchie bien établie, celle des charges, celle de la richesse et celle de l’origine, les relations entres châteaux et beaux salons créent un tissu social assez dense.

A la mort de son beau père, Victoire, son mari et son fils Eliacin s’installent sur le bord de la Charente dans le lieu enchanteur du château de Crazannes. Ces demeures sont certes moins confortables que les maisons de ville mais possèdent un charme indéniable. Le bâtiment de forme quadrangulaire date du 15ème siècle et vient s’appuyer sur une tour circulaire à mâchicoulis et toit en poivrière. La façade ornée de sculptures lui donne un coté château renaissance . Tout de suite Victoire est charmée et ne se lasse pas de descendre l’escalier de pierre qui mène de la terrasse au jardin.

L’ensemble est plus majestueux que le château de Landes, bien que le village de carriers qui entoure le domaine, ne soit d’une très grande richesse.

En 1837 elle a une première fille Louise Élisabeth Marie, qui hélas décède à deux ans, les riches payant aussi leur tribut à la mortalité infantile. 

En 1838 elle devient la vraie châtelaine de Crazannes car sa belle mère l’épouse du baron tué à Wagram va rejoindre dans l’au delà son premier et son deuxième époux. De ne plus partager l’autorité domestique la rend heureuse même si elle aimait bien sa belle mère.

En 1841 il lui nait une autre fille qu’elle nommera presque de la même façon que la première Louise Marie Élisabeth.

En 1840 son mari le baron Eliacin c’était vu nommé juge de paix du canton de Saint Porchaire, alors qu’il occupait les fonctions d’avocat et de juge suppléant au tribunal de Saintes.

La vie s’écoule paisiblement mais en 1848 c’est la chute de la monarchie, pour Victoire c’est la fin d’un monde. Une république c’est absolument impensable, les gens de son monde balançant encore sur la conduite à tenir.

Crazannes est loin de l’agitation parisienne et bientôt c’est l’émergence du neveu. La famille de noblesse d’empire devient Bonapartiste bien que partagée sur une certaine légitimité .

Le département de Charente inférieure est majoritairement pour Louis Napoléon Bonaparte et l’empire en 1852 est accueilli avec liesse.

La première partie de l’empire se passe de façon autoritaire et la famille s’attache à ce point de vue. A partir de 1859 la dérive libérale est manifeste et les prises de position du gouvernement impérial à l’étranger inquiètent. Victoire ne voit pas d’un bon œil l’aide procurée à l’Italie qui s’unifierait au détriment temporel du pape. Elle ne peut transiger la dessus et s’en ouvre à son ami Pierre Auguste Roy de Loulay député de la Charente inférieur. Celui ci la rassure, l’empereur n’abandonnera pas le pape.

Les enfants devenaient grands et Amédé fut envoyé à la pension Amouroux à Saintes, de cette école privée il passa au collège de Saintes où il devint bachelier. Il fit son droit et partit une année à Rome avec le général Dumont ami de la famille, qui commandait les troupes là bas.

Victoire comme toute mère avait l’impression d’avoir perdu une partie d’elle même , heureusement la petite Louise restait à Crazannes auprès d’elle. Victoire maria ses deux enfant la même année et le même mois.

Le 6 mai 1863 à Saintes Amédée fit donc un bon mariage avec la fille d’un magistrat de Saintes, puis le 18 mai à Crazannes Louise se joignit à la famille de Marie Jean Gabriel Denys Joly d’Aussy.

Ces deux fêtes entourées de tout l’apparat, occupèrent Victoire et la rendirent fière.

Elle appartenait à l’élite du département en déplorant le manque d’ambition politique de son mari, mais il est vrai que les places de député sous l’étiquette impériale étaient déjà prises par des familles aussi bien en place que les Oudet. Alors au fond de son château elle vivait un peu par procuration la vie d’un Eugène Éschassériaux député et ami de la famille. Victoire se faisait quand même gloire que sa famille ne soit un pilier du catholicisme dans le département.

Elle devint aussi grand mère très rapidement, sa belle fille d’abord puis sa fille qu’elle aida de son mieux lors de son accouchement au château de Crazannes. Son fils n’avait qu’une fille mais du coté des Joly d’Aussy l’arrivée d’un garçon enchantait tout le monde.

Tout aurait pu être d’un déroulement simple et enchanteur sous les voûtes sculptées si le destin n’avait endeuillé Victoire.

Le baron Eliacin Oudet, son mari alors qu’il était en déplacement à La Rochelle pour la session du conseil général de l’année 1866 en compagnie de son ami le député Pierre Auguste Roy, décéda subitement.

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