
LES YEUX DE L’ENFANCE
Nous sommes le dimanche et maman décide qu’avant la messe nous devons nous laver, c’est une décision bien sage car les travaux de la moisson ne nous apportent que poussière et crasse. Certes ma grand mère répète à sa fille que c’est un temps précieux de perdu et que la sueur seule nettoie et qu’il est de la dernière inconvenance que les femmes se dénudent au milieu de la pièce pour faire toilette. Ma sœur et moi sommes habituées à cela, nous allons chercher l’eau au puits puis nous la faisons chauffer dans l’âtre, c’est un jeu et un combat à la fois, nous revenons trempées de nos chamailleries. Mais cette fois ma sœur déclare à ma mère qu’elle ne veut plus de ma présence parce qu’elle est une femme. Bien sûr qu’elle est une femme ; mais ne l’a-t-elle pas toujours été?
Sur le moment je ne comprends pas d’autant que ma mère cède à son caprice mais à bien réfléchir j’avais senti un changement en elle.
Nous avions l’habitude dans le lit de nous faire des niches, elle me pinçait, je la chatouillais, nous rigolions comme des folles et nous encourrions souvent le courroux des parents qui voulaient dormir. Mais un soir alors que j’avais glissé ma main sous sa chemise j’avais effleuré un petit bosquet que je ne savais pas éclos, elle était rentrée dans une rage folle et s’était jetée sur moi. Elle me bloquait les épaules avec ses bras, furieuse d’une colère que je n’attendais pas. J’en fus stupéfaite car en plus je vis que celle que mon père appelait la planche avait deux petites poires fermes et dures qui lui sortaient de sa chemise.
Elle se calma mais je fus de nouveau mal reçue lorsque je vins me blottir le long de son corps, elle n’accepta pas que mes mains touchent son ventre chaud et que mes jambes ne se mélangent aux siennes.
Plus jamais elle ne me considéra comme sa compagne de jeux, sa confidente, je n’étais plus qu’une sale gamine qui l’épiait et qui la gênait considérablement.
Ce fut vrai après qu’elle m’est chassée de sa toilette et que désormais elle la fisse avec ma mère.
Un jour après les vêpres ma mère m’envoya remplir les auges des gorets, je n’aimais guère le faire car ces bestioles me faisaient peur. Je m’acquittais de ma tache rapidement pour pouvoir aller bader un peu dans le chemin qui menait au village. J’y verrais peut être Pierre le fils du métayer, nous étions amis. Mais ce n’est pas lui que j’aperçus mais ma sœur. Elle tenait par la main un valet de la ferme du château. Je la suivis en essayant de ne pas me faire voir.
Ils allèrent au petit bois et s’installèrent dans une clairière, moi je me trouvais un buisson épais et comme à un spectacle de circassien j’attendis le début du premier acte.
Ma surprise fut totale lorsque qu’ils s’embrassèrent sur la bouche, jamais je n’avais vu cela. Mes parents en ma présence ne s’étaient jamais étreints comme cela. Certes je savais qu’il se passait des choses pas nettes à la nuit tombée mais delà . Puis les deux se fourrèrent leur langue dans la bouche en un tourbillon incessant. C’était abject, jamais je ne laisserais un garçon violer l’intimité de ma bouche comme cela. Le diable les possédait et il faudrait peut être que je le dise à maman.
Cela dura et dura encore les deux amoureux s’étaient assis sur le tapis moussu d’une végétation de printemps, moi j’avais des impatiences et je commençais dangereusement à bouger.
Ce fut dès lors qu’ils étaient allongés un ballet de mains, j’en étais époustouflée. Le valet visiblement inspectait fort le dessous de la robe de ma sœur qui impassible le laissait faire. Soudain il la lui remonta tout à fait. Ma sœur, le cul à l’air juchée sur son va devant semblait bien aise. Moi je fus prise d’une irrépressible envie de tousser. Cela les alerta et furieux ils s’interrompirent, ma sœur me trouva rapidement et me sortit du buisson par les cheveux.
Jean son amoureux à ma vue rigola et dit à ma sœur , débrouille-toi d’elle je retourne à mon travail. Je vis dans les yeux de celle que j’aimais de la haine. Elle se jeta sur moi et me gifla puis mu par une inspiration subite elle voulut me corriger comme le faisait autrefois ma mère. Il n’en était pas question et je me débattis de toutes mes forces. Elle m’administra une copieuse volée, je pleurais. elle m’avisa de ne rien dire aux parents de ce que j’avais vu. Si je m’avisais d’ouvrir ma bouche de fouine elle me ferait battre par Jean devant toute la domesticité de la ferme.
La peur de me voir les fesses à l’air devant tout le monde me fit taire assurément. Cependant je continuais de dormir avec celle que j’exécrais maintenant. Chaque soir, elle mimait ce qu’elle m’avait administré et renouvelait le geste de me taire. Les mois passèrent et en l’observant attentivement je vis un imperceptible changement. La femme au ventre plat s’arrondissait et les deux seins petits devinrent gros. Ma mère en habituée des affaires de femmes remarqua aussi la transformation de ma sœur. Un soir une scène grandiose se joua, sœurette maudite joua le premier rôle. Elle était prise, elle était grosse, elle était pleine, comme une vache menée au taureau. Le père de toute sa grandeur gueula tant et plus que le voisinage fut informé de la déconvenue. La diablesse refusa obstinément de dire le nom de son galant. On me questionna mais muette comme une tombe rien ne franchit ma bouche et rien ne vint trahir ma pensée.
Je savais bien comme ma sœur que le Jean, premier valet et va devant n’était qu’un jean foutre et un pleutre et qu’il avait pris la route dès qu’il avait su l’infortune de sa galante.
Ma sœur fut grandement déconsidérée et mit au monde son bâtard quelques mois plus tard. Ma mère exigea que je fus présente pendant la délivrance. Ma sœur redevint avec moi ce qu’elle était autrefois et dans cette réconciliation je l’aidais à vaincre le discrédit qui pesait sur elle.
Le plus beau de l’histoire c’est que mes parents insistèrent pour que l’enfant s’appelle Jean.
Si ils avaient su les pauvres ils l’auraient bien appelé Paul.
PAR LE REGARD D’UNE FEMME, ÉPISODE 1, LES YEUX DE LA FILLETTE