
Elle se lassa et resta dans son lit à se morfondre, tentant de se remémorer la beauté du corps de son amoureux, son torse puissant, ses bras forts, ses fesses musclées .
Mais après sa disparition, un désespoir peu à peu la gagna. D’autant que maintenant quelque chose la chagrinait, elle n’était point instruite et en avait conscience mais en plus de son absence à lui il en était une autre qui profilait ses ailes menaçantes . Sans connaître son corps parfaitement elle savait depuis une certaine journée que tous les mois un saignement embarrassant délivrait les femmes de l’inquiétude de la procréation. Elle n’avait plus ce flux salvateur, au début elle ne s’en préoccupa guère, cela reviendrait bien. Mais elle s’aperçut que sa jupe la serait quelque peu et que de son corsage ses seins ne demandaient qu’à s’émanciper. Elle paniqua alors franchement, elle portait, les signes étaient là. Que faire, à qui s’ouvrir, sa patronne Émilienne avait 70 ans, elle était d’un autre temps, d’une autre époque, jamais elle ne comprendrait que sa domestique s’échappait tous les soirs dans les bois pour s’unir avec un diable qui avait disparu. Il y avait bien sa mère qui habitait à Lissy le petit village de sa jeunesse et qui n’était qu’à quelques minutes de marche.
Mais jamais elle n’oserait parler de cela avec sa mère, jamais elle n’avouerait son amour. Elle savait que s’unir à un homme avant le mariage était un crime. Enfin pour être plus clair le crime n’était pas de faire l’amour mais plutôt d’avoir la bêtise de tomber enceinte. Les filles n’étaient certainement pas toutes vierges au mariage, mais certaines étaient plus chanceuses.
Peut être aurait-elle pu en parler à Mathilde sa sœur aînée si cette dernière mariée n’était pas partie s’installer à Savigny le Temple avec son mari.
Non elle était bien seule avec son chagrin, son gros ventre et sa poitrine qui forcissait.
Elle était assez douée en couture et reprit ses vêtements. Elle se serra la taille autant qu’elle le put. Louis Renard son patron vieux baveux de soixante quatorze ans la reluquait en permanence et semblait jouir dans sa moustache, de sa domestique qui devenait plantureuse. Émilienne désapprouvait les regards lubriques de son vieux mari, mais on ne refaisait pas un homme.
On attrapa bientôt le mois de juin 1887, la mère de Louise qui voyait cette dernière tous les dimanches s’inquiétait de voir sa fille sans coquin et sans espérance de trouver un fiancé honnête. Elle espérait au moins qu’à la Saint Jean pour les fêtes du feu, elle trouve un bras fort pour la faire danser.
Chez Louise l’angoisse montait, elle ne savait plus exactement à quand remontaient ses dernières règles, elle était perdue, ne pensait pas être enceinte. Ce n’était que pure spéculation, un enfant elle n’en voulait pas, de plus elle s’était mise à haïr son amour. Elle rejetait tout en bloc, elle était vierge, n’avait jamais eu d’amoureux.
Ce jour là, la journée fut difficile, une immense lassitude, une grande fatigue, Madame Renard s’en aperçut et renvoya sa bonne.
Louise avait mal au ventre, ne pouvait dormir, elle se couchait puis se relevait, elle ne savait comment se mettre. Toujours plus mal, les eaux se déchirèrent et glissèrent le long de ses jambes . Elle ne savait pas ce que c’était, n’avait jamais assisté à un accouchement, sa mère ne lui avait rien appris. Peut être que c’était ces eaux qui lui faisaient mal, maintenant cela ira mieux, elle se recoucha bien incapable de nettoyer le sol.
Elle avait mal au ventre comme un jour de colique, mais en bien pire, instinctivement après les douleurs aiguës , elle poussait, cela ne la soulageait guère, mais elle poussait, puis soudain elle comprit, son ventre s’ouvrait.. Elle poussa un cri, un être s’échappa de son corps, c’était chaud, visqueux, du sang, de la pisse, elle s’était souillée, les draps mon Dieu que faire.
Elle prit l’être dans ses bras,se leva chancelante. Dans le noir tâtonnant elle alluma une chandelle puis dans son nécessaire à couture un petit ciseau. Elle coupa le seul lien que la reliait à Ce bout de chair qui muet, semblait attendre un geste de sa mère.
Ce n’était pas à elle, il fallait qu’elle s’en débarrasse, où mettre ce paquet sanguinolent , elle n’avait rien pas même un bout de drap. Elle n’était pas enceinte alors pourquoi un enfant se trouvait dans son lit. Elle ne comprenait plus rien, la tête lui tournait, ses yeux se brouillaient. Elle poussa l’enfant au fond du lit puis épuisée dans un sommeil mauvais elle sombra.
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