
Du plus petit au plus grand, garçon ou fille les enfant de François travaillaient dans les fermes des alentours.
Ils arrivèrent enfin, descendirent la bière et pénétrèrent dans la maison. Autrefois se souvient Pascal c’est les gens de la maison qui s’occupaient de tout, maintenant des spécialistes de la mort prennent tout en compte. Les choses évoluent ou pas.
Sur des vilains tréteaux de bois on posa la caisse, Il aurai aimé être ailleurs mais en temps que fils unique, il était requis. C’était une obligation, pourquoi était-il venu se jeter chez ces gens qui ne l’aimaient pas pour enterrer une femme qui génétiquement était sa mère mais qui lui était une étrangère.
Georgette ma tante présida, après tout elle était chez elle, l’on voyait qu’elle prenait à cœur la chose, une question de réputation. On se devait d’enterrer dignement, même les gens qui après tout ne venaient que tout juste devant les animaux. Bien qu’à l’évidence certains patrons préféraient leurs bœufs ou leurs chevaux aux valets qui les servaient, fussent -ils de la famille proche.
L’un prit les pieds, l’autre les épaules, depuis sa maladie elle ne pesait plus guère. Sa dernière demeure était faite de bois blanc, mal dégrossi, les planches disjointes, bref de l’ouvrage d’apprentis.
Il paraît que chez les riches, le cercueil est tapissé d’un capiton de coton, de lin ou de soie. Ici rien que la rudesse du bois, mais après tout Léontine devait s’en foutre pas mal. Lorsqu’on enterre quelqu’un c’est en fait sa propre mort qu’on déroule.
La mère Léontine était dans la boite, une nouvelle prière, un peu de recueillement pour la forme mais tout le monde avait faim, finissons en.
Les employés funéraires refermèrent le couvercle, le bruit du marteau s’élança dans la pièce comme un glas funèbre. Pan, pan , pan la boite en résonnait et le cœur de Pascal aussi. Il faut bien convenir que malgré sa détestation du personnage c’était tout de même sa génitrice qu’on allait ensevelir.
Comme de juste, il arriva ce qui devait arriver, François revigoré par l’arrivée d’un tendron dans sa couche fut d’une persévérance en amour qui conduisit à voir germer en le ventre fertile de la jeune épousée un petit œuf.
C’est aussi à la même époque que la première des filles Clémence Exavérine commença à fréquenter le Jean. Au maraichinage un peu poussé se succédèrent les accordailles, puis les fiançailles et le mariage. Il y avait beau temps que François ne s’occupait plus de sa fille mais il dut lui donner son accord. Curieusement il rechignait à donner sa fille qui n’avait rien, à un homme qui n’avait rien également. Mariage de gens de rien, mariage de domestique de ferme, les deux travaillant et vivant à la Paillardière chez Craipeau ne pouvaient que se rencontrer. Lui avait l’âge de convoler, elle un peu moins mais sans dot ni hymen point n’est besoin de minauder.
Le père dut se dire une de mariée, c’était le début de la tranquillité. Nous étions donc en 1878 et il se passa un bon moment avant qu’il puisse faire danser une autre de ses filles.
Entre temps était née celle que maintenant l’on enterrait, Léontine Catherine Aglaé. C’était la première de sa nouvelle couche et comme on peux bien s’en douter l’intérêt qu’il porta à cette pissouse fut bien médiocre.
Lorsque la dernière parcelle de visage de sa mère eut disparue, Pascal se crut précipité dans un abîme sans fond. Si la dureté qu’il s’était forgé depuis sa jeunesse ne l’avait pas entouré d’un carcan protecteur, il aurait pu verser une larme.
Mais le sourire légèrement goguenard de sa cousine lorsqu’elle devina son désarrois le maintint dans la strict observance d’une attitude masculine.
La caisse fut sortie et le défilé des spectres commença, Pascal n’avait pas encore aperçût sa tante
Sidonie, c’était la dernière des filles de François mon dieu qu’elle ressemblait à sa mère, on eut dit une revenante, desséchée comme un vieux pruneau, toute de noir vêtue depuis la mort de son mari à la grande guerre. Elle n’était pas très vieille en vérité et Pascal se disait qu’il pourrait être marié à une femme de cet age là, quelle dégoutance.
Elle ne lui adressa aucune parole, aucun regard, l’expression était de dégoût. Il dansa légèrement sur ses jambes, visiblement la haine que lui portait sa famille ne s’éteindrait jamais.
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