
Il s’écroule, cet imbécile est blessé. Le sang coule, elle doit se résoudre à faire appeler. Ce n’est pas nécessaire devant le bruit provoqué par la dispute un attroupement c’est formé et bientôt une patrouille arrive. On décide d’emmener Gustave à l’hôtel dieu pour se faire recoudre. La rumeur gronde, elle l’a tué, la catin Jollet est une meurtrière. On la conspue, la police l’emmène pour l’interroger.
En fin de matinée Gustave rentre chez lui la tête entourée d’un pansement, Joséphine arrive juste après , on a pris sa déposition, c’est une querelle de couple, une bagarre d’ivrognes, le couple en est coutumier.
Gustave reste à la maison pour panser ses plaies, c’est Joséphine qui va au charbon, les mains dans la rivière, le cul en l’air et je te lave et je te lave le linge des bourgeois.
Quatre jours après la bagarre elle retrouve son homme le visage contracté, la mâchoire comme serrée. C’est un affreux rictus, il a mal et peine à respirer.
Dans la soirée la situation s’améliore un peu, de toutes façons ils n’ont pas le moindre centime à débourser pour un médecin.
La nuit ne sera pas bonne et le lendemain au matin ce n’est plus la mâchoire mais l’ensemble du haut du corps qui est contracté. La respiration est difficile, mais Joséphine doit aller travailler si ils veulent manger et ne pas se faire expulser .
Les jours qui suivent sont difficiles, Joséphine se doit de quérir un docteur. C’est Julie et le frère de Gustave qui font l’appoint. Le diagnostic est terrifiant et dramatique, Gustave a contracté le tétanos. Le praticien est assez inquiet, il n’y rien à faire sauf laisser libre court à la propagation. L’organisme doit se défendre seul, si il ne le fait pas la mort peut être rapide.
De fait la mort est presque là mais elle prend son temps, il agonise dans d’atroce souffrance, parfois ses muscles sont aussi contractés que du bois mais il ne peut hurler.
Le douze mars 1877, il abandonne la partie, ce n’est plus qu’un spectre déformé par la douleur et la crispation des muscles. Un arrêt respiratoire a raison de lui.
Le 32 de la rue Saint Thibaud est en deuil, c’est la consternation dans la rue.
Une enquête est effectuée et Joséphine se retrouve incarcérée à la prison de Provins.
C’est la chute infernale, inexorable. Elle la gamine délurée, d’une beauté rare se retrouve à être fouaillée par les doigts sales de la femme du greffier sous l’œil goguenard des gardiens.
Elle est humiliée et salie, elle pleure toutes les larmes de son corps.
Heureusement l’enquête diligentée par le juge d’instruction du tribunal d’instance lui est favorable. Le commissaire recueille des informations qui vont toutes dans le même sens. Gustave était un bon à rien, méchant, joueur, buveur et battant sa femme comme plâtre. Il la laissait seule des semaines durant sans ressource et revenait pauvre comme job de ses virées. On dit même que parfois il la contraignait à de bien vilaines choses. Les plus avisés disent même qu’il a fait mourir sa première femme.
C’est bien simple, Joséphine est finalement une sainte, le tribunal la condamne à 15 jours de prison et au frais de justice pour homicide par imprudence.
Voila un coup de saladier qui ne lui revient pour pas très cher.
Elle est maintenant la veuve Jollet. Elle fait un peu peur certes mais dans la rue la vie reprend pour l’instant son cours tranquille.
Évidemment on ne peut pas dire que sa réputation soit sans tâche, trop d’hommes sont passés dans la maison du couple pour que les bonnes gens ne subodorent une inconduite.
Maintenant qu’elle est seule, la vie est plus facile, du moins n’a t’elle pas à subir une mauvaise cohabitation. Pour ce qui est du reste sa situation pécuniaire est détestable, il a fallu payer les obsèques et rendre justice aux créanciers du triste sire. Elle n’ose pas renouer avec ses parents qui pourtant habitent juste à coté. Il n’y a que sa sœur qui pourrait l’aider mais elle s’apprête à se marier.