
Le père Blondelot s’apprête comme tous les matins à partir au travail, il est pour cela d’une régularité de pendule. Quoi qu’il se soit passé la veille, son corps s’éveille comme par un mouvement enchanteur.
Rien n’a de prise sur cela pas même les cuites qu’il enregistre avec là aussi une ponctualité de métronome.
C’est un rude maçon au teint buriné des travailleurs de grand air, pas très grand, mais fait de muscles surpuissants, forgés par déjà plusieurs décennies de labeur. Ses mains sont des rudes battoirs, dures comme des planches de bois et d’une rugosité de lime.
Les cheveux qu’il porte mi long dans un désordre de gras, de chaux et de poussière sont presque gris. Du visage qui lui valait autrefois de jolis commentaires des femme de la ville haute, il ne reste que des stigmates de sa vie rude, des rides profondes saillent en gorges profondes. Ses joues sont creusées par l’absence de dentition, lui laissant une face émaciée. Il a passé ses vêtements de grosse laine et sa chemise de lin durcie par la sueur et la saleté.
Il n’est pas seul à être debout en cette heure matinale, Joséphine sa femme est là devant lui. Encore en chemise, les pieds nus sur le sol de terre battue, les cheveux en désordre. Elle n’a que trente neuf ans mais les péripéties d’une vie dure lui font paraître un peu plus. Elle n’a jamais été très belle mais d’aucun la trouvait jolie. Son sourire est encore dévastateur et ses yeux gris qui vous transpercent ont un charme certain.
Le cérémonial comme celui du lever d’un roi est bien rodé, elle lui réchauffe un restant de soupe qu’il agrémente d’un pain dur comme de la pierre. Après avoir lapé ce breuvage roboratif, Alphonse et Joséphine se prêtent à un jeu qu’ils ont débuté dans les premiers temps de leur vie commune. Le fort ouvrier prend sa frêle femme dans ses bras et lui remonte sa chemise. La nudité de son épouse exacerbe ses sens. Ils n’iront pas plus loin, la bagatelle est nocturne et d’ailleurs les enfants commencent à bouger. Lorsque toutefois une opportunité se laisse jour, Joséphine consent à se retourner pour présenter son céans. Chemise troussée, penchée sur la vieille table de chêne branlante, Alphonse la possède. Il n’y a guère de tendresse, mais le corps de Joséphine par une sorte de bizarrerie réagit parfois en quelques spasmes de jouissance. Pour ce matin ils se contenteront de leur petit jeu. Ils entendent dans l’ombre le jet puissant du pissa de leur fille Joséphine. Cette dernière connaît le rituel de ses parents et les a observés plus d’une fois en action. Dans cette promiscuité imposée par la petitesse de la maison il est improbable de ne pas entendre le autres occupants dans leur stricte intimité.
Le soir il faudrait être sourd pour ne pas entendre le lit des parents grincer, sa mère geindre et son père couiner. Il faudrait l’être aussi pour ne pas percevoir les froissements de drap lorsque son frère Alphonse fait ses cochonneries . Puis il y a les cris de Charles, il a cinq ans fait des cauchemars et pisse au lit. Chaque fois cela se termine en drame, car il couche avec Joseph. Celui-ci a treize ans, c’est un sale gamin toujours a roder, il colle des tannées au petit. Comme si celle du père ne suffisait pas, un drap humide est c’est la course folle, Joseph gueule et frappe son petit frère. Cela réveille le père qui remet une rouste au petit Charles. Rien y fait, plus on le bat, plus il pisse. Alors Joséphine et son autre sœur Constance le prennent entre elles deux et le petiot a qui on a retiré sa chemise humide s’endort nu comme un petit animal au milieu du corps chaud de ses deux presque femmes.
Pour être complet il reste dans un coin de la sombre pièce le lit ou plutôt la paillasse de la Julie, une effrontée de onze ans que rien n’arrête et qui mène à la baguette quelques vauriens de la place du châtel.
Le père sort enfin de la maison et descend vers la ville basse pour rejoindre un chantier.
La maison alors s’égaille comme s’éveillerait une clairière après le départ d’un prédateur. Alphonse est un brave homme à bien des égards mais sa poigne éducative se fait rudement sentir et la famille au vrai se sent mieux quand il est éloigné.
Joséphine a 18 ans et exerce le métier de lingère, c’est une sacrée personnalité que ce bout de femme. Elle tient tête à ses parents qui se désespèrent de son comportement. Aucune volée ne lui a jamais fait baisser la tête, le paternel a tout essayer pour faire entrer le respect dans cette tête de prussien. Les corrections jupons relevés, les coups de ceinture, les privations de sortie rien n’y a fait, une rebelle dans un corps d’une froide beauté.
Personne au vrai ne s’étonne que cette rude gamine aux cheveux blonds ne fasse régner la terreur chez les Blondelot.
Ping : UNE PROSTITUTION PROVINCIALE OU LES SŒURS DE LA RUE SAINT THIBAUD, ÉPISODE 2 | Arbre de vie