LA MAQUERELLE DE L’HÔTEL DE LA GARE, Épisode 3, LE FACTEUR SOUTENEUR

Lorsque Charles arriva, il était là, fièrement campé, comme ayant pris possession des lieux.

De haute taille, magnifique dans son uniforme, d’une allure digne d’une statuaire, il dominait l’endroit en maître .

Si bien sûr il ne possédait pas une once de l’hôtel, il possédait la patronne ce qui indéniablement valait son pesant.

Il avait pris acte de propriété sur la Lucie après le décès de Philibert mais des mauvaises langues, bien avisées disaient que bon diable le Philibert prêtait bien sa femme à quelques familiers.

Toujours est-il que notre bonhomme partageait sa vie entre l’hôtel de la gare, les dessous de Lucie et son domicile conjugal de Rebais. On le disait bon père de famille mais pour s’assurer de cela encore eut-il fallu le demander aux intéressés.

Il avait trois enfants avec la Louise, se doutait-elle de quelques frasques ou infidélités. De toutes manières une  bonne volée la faisait rentrer dans le rang de l’obéissance conjugale et lui faisait accepter quelques manquements à la fidélité.

En terme de tournée il en connaissaient un rayon puisqu’il était facteur rural. Entre celle qu’il mettait à sa femme et celle qu’il effectuait pour l’administration, il lui restait un peu de temps pour une autre dominance.

La Lucie pourtant maligne était tombée sous la coupe de ce violent sans même s’en apercevoir. Un attirance physique, une envie d’amour, de sexe ou des deux l’avait retournée au point qu’elle lui avait offert  aussi son âme.

Chaque jour il passait, il buvait et s’écartait un temps avec la patronne.

Non pas qu’elle n’eut pas désiré plus que ces joutes courtes qui la laissaient pourtant insatisfaite. Un jour qu’elle avait râlé, de juste soulever sa robe pour se pencher le long du dossier de la méridienne il lui avait promis qu’il divorcerait et qu’il viendrait s’installer avec elle.

Entre ses coups de boutoirs rénaux et ses ahanements de mâle repu, elle avait cru tout cela et se voyait à la tête d’un commerce florissant où trônerait son Jules Lapleige.

En attendant le diable faisait ce qu’il voulait, buvait gratuitement, jouait l’argent de la caisse et guignotait la daronne.

Mais la nature avait doté Lucie d’un fort appétit et son facteur ne pouvait seul la contenter, alors elle prit l’habitude de consommer quelques clients. Les âmes pures du village l’accusaient de pervertir la jeunesse du village et de les instruire dans des pratiques indignes. C’est ainsi que Charles comme beaucoup d’autres fut introduit dans le cercle intime de la chaude hôtelière. Cette divinité avait en elle un brin d’effronterie qui plaisait à la plupart. Même si son origine était la même que celles de toutes les paysannes du village, elle était un mélange de bourgeoise et de cocotte matinée rusticité. Son parfum était de fleur et de sueur, de subtilité et d’âcreté.

Elle prenait soin de son corps et se lavait comme une nymphe bien loin des toilettes de chattes des femmes du cru. Les méchantes disaient qu’elle se lavait le cul comme une catin.

Mais ce que révéraient le plus les hommes, étaient ses troubles dessous, pour atteindre le doux calice il fallait effeuiller la plante de façon méticuleuse. Rien à voir avec le soulèvement d’une robe et le troussage d’un jupon d’une domestique. Lucie se vantait d’avoir un pantalon de dessous alors que les pestes du village allaient le cul nu sous leur robe. Certes le corset qu’elle portait en énervait et affolait plus d’un, l’amour est la récompense de la patience.

Ce soir là le Jules était en verbe, sa faconde et son boniment emplissaient la salle, le bougre se vantait d’avoir cueilli la petite fleur du milieu de Suzanne. L’idiot se gargarisait d’avoir la fille et la mère. La concupiscence des hommes envers la gamine n’excluait pas de leur part une sourde réprobation et plus d’un ne considéraient pas comme un exploit la défloration d’une enfant de quinze ans.

Pour sûr c’était une garce et elle était consentante, mais un consentement de cette nature en est-il bien un . Aux yeux de la mère elle était en age et elle même se rappelait qu’elle était passée de l’enfance à l’age adulte très tôt.

La bougresse se partageait maintenant entre Jules et Homère disons de façon plus ou moins gratuite et entre tous de façon plus ou moins payante.

La mère et la fille alliaient ainsi affaires et plaisirs, tout marchait comme en une parade. Les hommes passaient et repassaient dans l’estaminet et les voyageurs qui trouvaient l’accueil bon ne manquaient pas non plus de passer s’y rafraîchir.

La Suzanne il faut bien le dire avait eu très tôt le goût prononcé pour un service de qualité, elle avait grandi au milieu des clients, essentiellement masculins et de belle enfant était passée au statut de belle femme. Pour sûr, elle n’avait toujours pas passé le cap de l’enfance et bon nombre de filles de son age tremblaient sous la férule des parents.

Son attitude provocatrice envers les gens du sexe lui semblait être innée. Elle allumait les clients d’une lueur érotique comme on allumait un réverbère.

Donc le Jules l’avait prise et instruite de la chose alors qu’elle aurait dû sans doute jouer encore aux poupées.

Comme en toutes choses ce parfum de scandale planait sur le village et sur l’ensemble du canton. Le facteur lors de ses tournées se vantait d’avoir la gamine et sa mère, tout le monde se gargarisait d’une telle énormité mais chacun se taisait et ne faisait rien.

Les affaires marchaient donc bon train quand ce jour là !!!

Charles Perrin, autour d’une table avec Victor Lefort son copain vannier , Lucien Nolin et Alfred Fauvet livraient une partie de cartes endiablée. La petite Suzanne tournait autour des tables en distribuant des sourires et des vues plongeantes sur sa poitrine fière et avenante de jeune femme. Victor qui d’une main tenait les cartes et de l’autre tentait une main sacrificielle vers les fesses redondantes émit l’hypothèse que le ventre de Suzanne s’arrondissait un peu.

Dès qu’elle s’éloigna les quatre compères rigolèrent comme des bossus en imaginant que si la drôlesse était pleine il lui serait difficile de savoir qui était le père. Alfred en se poilant dit à Charles c’est toi qui y va le plus souvent tu as toutes tes chances. Charles un peu chafouin lui répondit que si l’enfant avait une tête de cul il pourrait le déclarer en mairie.

Les plaisanteries leurs firent le restant de la soirée et l’on se tut quand le facteur et le Homère apparurent.

Laisser un commentaire