
En 1903 la nouvelle gare est inaugurée, belle fête, beaux pavois, le débit est plein, Philibert ne sait plus où donner de la tête et Lucie en état de grâce assure l’avenir de l’établissement en tortillant du cul adroitement entre les tables.
L’on voit grand maintenant, le patron fait venir un peintre et bientôt sur le pignon que l’on voit de la gare s’affiche en lettres splendides, restaurant P Notreamy, écurie et remise, hôtel de la gare.
Puis sur le devant, hôtel, restaurant, café , billard, de la publicité, du savoir faire et les affaires sont menées un bon train.
QUELQUES ANNÉES PLUS TARD
Charles et René s’installent maintenant autour d’une bouteille, c’est un moment privilégié pour eux, ils sont charretiers et ils ont comme point commun d’aimer autant les bêtes, qu’un bon vin bouché. Il n’y a pas encore trop de monde et Lucie papote avec eux. On peut dire qu’elle les connaît très bien tous les deux. Ce sont des habitués et même des intimes.
Depuis que Philibert lui a fait l’indélicatesse de l’abandonner, Lucie cultive un amour de la clientèle masculine assez vif.
Cet idiot de Philibert a lâché les rênes en 1907, en pleine prospérité; en plein développement, ce balourd a été emporté par une rapide maladie. Je vous demande un peu comme si c’est facile de tenir un débit de boisson pour une femme.
Heureusement, Lucie entre autres cordes à son arc sait tenir les hommes, la boutique ne périclite pas, bien en contraire, mais devient disons le un peu plus souple de mœurs.
La mort du patron laissa libre cours aux penchant refoulés de Lucie.
Le corps pas encore décomposé de Philibert, il lui fallut quelques corps chauds pour tiédir sa froide couche. Outre le fait d’être réconfortée dans sa chair elle s’aperçut que le commerce ne s’en portait pas plus mal. La notoriété grandissante, il lui fallut quand même calmer les ardeurs de certains et en bonne gestionnaire se dit qu’un costaud plus régulier pourrait lui apporter la sécurité qu’elle tendait à perdre.
C’est ce qu’elle fit en dépit de la chaude réputation qui maintenant lui servait de vêture .
Suzanne rentre en chantant dans l’établissement, elle vient du bourg où elle exerce comme blanchisseuse chez la mère Fontaine. Bien qu’elle peut fournir du travail en plein à sa fille, elle préfère toutefois l’écarter de la fureur dionysiaque des clients. Mais la petite délurée lorsqu’on a besoin d’elle fait miracle. On vient de loin pour admirer la petite du Philibert. La mère, belle encore , mais allant maintenant sur les cinquante ans ne peut plus rivaliser avec la fraîcheur juvénile de Suzanne. Elle en est jalouse sûrement mais rien ne peut parer ce moment magique de la vie où le corps de la femme déverse un flot d’érotisme à damner un curé. Sans pouvoir lutter contre ce flot impétueux elle tente de le canaliser.
Cette digue se nomme Jules.
Suzanne il faut le dire était assez délurée, à l’age ou d’autres sont encore dans l’enfance, à l’age ou d’autres ne sortent que chaperonnées , elle avait déjà acquis une certaine expérience de la vie. Très en avance disons le, elle n’avait pas le seul agrément de se constituer un trousseau de mariage.
Elle salue sa mère respectueusement puis sans façon se carre sur les genoux de René.
Il en est enchanté, c’est leur petit jeu, elle l’embrasse à bouche que veux- tu sans plus se préoccuper de Charles, de sa mère et des autres clients.
Perrin ne se formalise pas de cette impertinence sensuelle, il connait les modalités de la suite.
René qu’on appelle aussi Homère finit tranquillement son godet puis elle et lui montent à l’étage. Au bas de l’escalier comme pour marquer sa possession il lui met une retentissante main aux fesses. Elle pousse un gloussement de satisfaction se retourne vers sa mère comme pour lui montrer qu’elle a le sens elle aussi des affaires.
La salle commence a se remplir et Lucie et la domestique passent d’une table à l’autre.
Les voyageurs sont peu nombreux mais les habitués excités par l’alcool entretiennent un brouhaha constant. Charles voit arriver à sa table son copain Alfred, celui là comme lui aime faire la bamboche. La soirée s’annonce chaude et douce, Alfred est charretier chez Legouge au hameau de Marlande.
Pas très grand le visage rond avec un nez aplati le Alfred est un sacré boute entrain et Charles amusé par ses facéties recherche sa compagnie.
Au bout d’un moment Suzanne redescend avec Homère, à voir la mine réjouie du bandit, la Suzanne doit être en forme. La petite va rejoindre sa mère et l’aide en salle. Dans un coin un groupe se met à chanter, peu à peu les timorés regagnent leur domicile et seuls restent ceux qui ont envie de faire un brin de fête.
Lucie se fait plus chatte, Perrin ensorcelé à chacun de ses passages a maintenant bu plus que son compte, échauffé par les effluves féminines et les froufrous de Suzanne et de Lucie il se voit bien aux creux des reins de l’une d’elle avant de repartir à la Belle Étoile.
Mais à trop attendre c’est le Lucien Nolin qui lève le morceau et monte à la suite de la foutue Suzanne.
Cela ne dure guère, le Lucien tête basse a visiblement hâté la besogne, cela fait rire la salle car tout le monde a suivi le manège.
Suzanne est toute guillerette, le bas de laine, son bas de laine se gonfle tandis que Lucie verse force pinard aux tables qui cependant se vident peu à peu.
Charles est mécontent et se lève pour rentrer chez lui, il n’aime guère passer après les autres et se dit qu’avec tous ces passages le derrière de la Suzanne ne doit plus guère être propret .
De plus le lendemain il a rendez vous avec Thérèse, une souillon bien seyante, agréable, joliment potelée, mais qui malheureusement traîne dans ses jupons une joliette Madeleine de bientôt deux ans.
La défenderesse échaudée est sur ses gardes mais la citadelle grâce aux charmes de Charles est entrain de tomber. Il se voit bien tous comptes faits convoler avec sa beauté de la Chapelle Véronge mais avant de se lier devant monsieur le maire il veut tester la marchandise.
Le seul inconnu à l’histoire est l’acceptation ou non de la douce domestique.
A la Belle Étoile l’atmosphère est orageuse, Joseph qui comme tout le monde connait la réputation sulfureuse de l’hôtel de la gare ne tolère pas que son fils en ait fait son grand quartier général. Le ton monte rapidement mais Charles en fin stratège fait profil bas en se disant qu’il continuerait à faire ce qu’il voudra.
Après tout il travaille à la ferme correctement et il ne voit pas en quoi son père devrait se mêler de l’endroit où il boit sa chopine.
LA MAQUERELLE DE L’HÔTEL DE LA GARE, Épisode 1, LES HÔTELIERS