L’INFANTICIDE, ÉPISODE 8, la descente aux enfers

Entre temps, les deux voisines inquiètes sont venues toquer à la porte, Alfred effondré leur ouvre, ont-elles entendu les hurlements?

Mais elle voient, ne sont pas folles, elles pressentent le drame, n’osent cependant regarder l’enfant. Hortense se décide d’accompagner Alfred à la mairie, Marie Louise rentre chez elle pour s’y terrer, c’est sans doute une abomination.

Le premier magistrat à la maison commune écoute, mais les dires d’Alfred sont confus et il décide de se rendre sur place.

Dans la rue les habitants se doutent d’une catastrophe et se rassemblent, cela couvait et hier on a entendu des cris. C’est certain le Alfred  lui a mis une rouste et il l ‘a tué.

Dans la pièce étouffante de la chaleur d’été, il est là qui regarde le ciel, les yeux mi clos il attend. Sous ses langes n’apparaît que sa petite figure, il pourrait dormir mais aucun souffle ne vient soulever sa frêle poitrine.

Le maire s’approche, tout est correct visiblement, il y a rien d’anormal beaucoup d’enfants meurent encore et ce malgré les progrès de la médecine.

Il va s’en aller quand soudain il voit sous le petit menton un mince filet bleu, presque rien mais qui contraste avec la blancheur du linceul de la peau du nouveau né. D’un seul coup il doute, se fait raconter de nouveau le drame, ce n’est plus Alfred qui raconte mais la mère. Le récit ne colle pas, il y a des divergences. Il repart à la mairie et fait prévenir les gendarmes de Rebais et le docteur Mothe de Villeneuve sur Bellot.

La machine judiciaire se met en route, ils se pressent maintenant chez Albertine.  Le médecin  examine l’enfant et remarque des violences, incompatible avec le récit des parents

Ensuite tout va très vite, de  Coulommiers le juge d’instruction Fleuret se met en route avec le procureur monsieur Chatry et le docteur Fromageot médecin légiste.

Dans la maison même du drame, le docteur pratique une autopsie, pas de doute l’enfant a été tué et présente deux fractures du crâne, des traces de coups et des traces d’étranglement.

On interroge Bossant , on interroge Gautier, les deux se rejettent la faute. L ‘état d’Albertine est lamentable, elle a vieilli de dix ans, ses propos sont incohérents, elle accuse Alfred, raconte son crime puis dit que c’est elle la coupable. C’est une démente, les médecins déconseillent au juge une incarcération. Alors la décision est prise, Gautier seul est amené à la prison de Coulommiers, il y arrive escorté du gendarme Moufflet, il clame son innocence, mais les gardiens qui le reçoivent en cette journée du 27 juin 1912 s’en moquent complètement. Il est maintenant accusé d’infanticide et de complicité.

Albertine bénéficie d’un sursis mais son état s’améliorant et les charges qui pèsent sur elle de plus en plus lourdes elle est aussi conduite à la prison de Coulommiers. Elle pénètre dans les murs froids de la vieille bâtisse le 1er juillet 1912. Revêtue d’une robe de couleur brune, d’un jupon de la même teinte et d’une chemise blanche. Son  corsage est aussi coloré, elle a un fichu gris et une paire de bottines. Elle aurait presque belle allure si ses yeux n’étaient point si hagards et son regard si désespéré .Plusieurs paires d’yeux l’observèrent lorsqu’elle entra dans cette grotte sale et humide. Malgré la saison les murs suintaient encore une eau répugnante, le sol en était collant. L’odeur qui émanait de cette cage où s’entassaient de nombreuses femmes était rien moins que nauséabonde, faite de relents de cuisine, de sueur, d’excréments et de crasse.

Toutes savaient qu’elle était là pour infanticide, ce n’était pas du tout apprécié et immédiatement une grosse bonne femme qui semblait être la chef de ce troupeau s’en prit à elle.

Énorme, une croupe de bœuf,  les cheveux longs, sales, dénoués. Une face abrutie, une bouche sans dent, des yeux ronds globuleux , elle se carra devant Albertine et l’empêcha de poser ses affaires sur le seul grabat de libre. L’affrontement était inévitable, comme un passage obligé , comme une marque, comme un baptême. Une gifle la cueille de plein fouet, l’assommant à demi. Elle réplique immédiatement et la bagarre commence, encouragée par les mégères emplies de haine, la grosse se sait forte. Albertine se défend bec et ongles, griffe, mord, arrache des touffes de cheveux à la grosse.

Mais ses forces s’épuisent, elle a bientôt le dessous, de ses bras puissants la matrone la bloque sur ses genoux. Elle sent qu’elle lui soulève sa robe, les cris retentissent , les prisonnières chantent à tue tête. Elle a le cul à l’air une puissante claque s’abat sur ses fesses. C’est un battoir de lavandière, les coups redoublent, le tohu-bohu est épouvantable. Cela la brûle d’une infamie comme un fer rouge. La grosse cesse épuisée, Albertine se jette sur sa paillasse.

Elle est humiliée, mais elle sait maintenant que le parcours sera dur. Elle va se faire petite, se couler dans la masse comme elle le fait depuis l’enfance, elle va lutter. La grosse paiera d’une façon ou d’une autre.

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