L’INFANTICIDE, ÉPISODE 5, la colère du cocu

Maintenant elle est seule, les deux voisines ont regagné leur foyer, Blanche qui sait que son beau frère n’est pas le père est parti, le bébé est langé et dort dans un berceau.

Le silence dans la pièce est total, Albertine regarde cette larve qui est sienne, elle ne sait même pas si c’est une fille ou un garçon, cela n’a aucune importance.

Elle ne sait pas non pas plus si elle doit l’aimer ou le détester, il est trop tôt pour savoir. Pour l’instant c’est le vide, elle a mal, a envie d’uriner mais n’arrive pas à se lever. La force lui manque pour lutter, elle s’abandonne et s’endort. De mauvais rêves l’assaillent, elle tombe d’une falaise, son corps est nu, la chute dure et dure encore, il lui semble qu’elle crie, jamais elle ne touchera le sol. Elle est étourdie, un abysse sans fond. Un appel, un faible bruit , comme un bruissement de feuilles sous une brise légère lui fait cesser sa tumultueuse dégringolade, elle ouvre les yeux. A coté d’elle, il est là, son regard tourné vers un monde qu’il ne connaît pas, il pleure. Que doit elle faire, personne ne lui à appris ces gestes , sa mère qui a eu dix sept enfants ne lui a rien inculqué.

Mais en ces choses comme en celles de l’amour peut être qu’il n’y a pas besoin d’apprentissage. Ces gestes venus des fins fonds de l’humanité sont sûrement innés. Après tout quand elle a été prise pour la première fois, elle a su instinctivement ce qu’elle devait faire. Les animaux savent quoi faire, alors pourquoi pas elle.

Mais si son instinct de mère lui dicte sa conduite son instinct de femme l’empêche d’agir.

Les rugissements vont s’amplifiant, le faire taire, sa tête maintenant explose, une migraine des mauvais jours est entrain de naître, de se former comme un raz de marée sur l’océan.

Elle l’attrape, le pause le long de son corps, il est tout chaud, sent une odeur qu’elle ne connaît pas, il pleure toujours.

Albertine sort un sein la petite bouche s’en saisit, il hésite , puis tête. La sensation est bizarre, c’est l’innocence qui se nourrit.

Là aussi deux sentiments radicalement opposés, un cœur qui ne s’offre pas et un instinct maternel qui s’ouvre.

Blanc, noir, chaud , froid, doux , rêche, le petit s’endort, elle le dépose dans son lit. Puis ayant recouvré un peu de force elle se lève, va se soulager, attrape un quignon de pain, boit un verre de lait, que fait Alfred, il devait être là depuis longtemps.

La nuit est tombée depuis longtemps, les paysans sont rentrés de leurs champs et la rue où grondait une foule cancanière s’est tue.

Elle s’est recouchée puis relevée de multiple fois, elle sait qu’elle va devoir l’affronter. Elle cherche ce qu’elle va pouvoir lui dire, mais rien ne vient, son imagination comme une pendule pas remontée ne marche plus.

Puis enfin le voilà, il entre ferme la porte, il s’assoie, à la grande table qu il a fait faire au menuisier du village. C’est sa fierté, son cadeau de mariage.

Il se tait, son visage n’exprime rien, ses traits figés sont comme un masque mortuaire. Albertine n’est guère rassurée, mais préférerait à ce mutisme une explosion de colère.

Toute l’après midi elle s’est préparée, elle a ressassé toutes les situations possibles a supputer toutes les réactions. Elle accepterait volontiers une correction, lui offrirait son corps pour qu’il tape et tape encore. Il pourrait aussi bien l’humilier, la traîner par les cheveux nue dans la rue, l’exposer à un carcan sur la place. Oui nom de dieu tout sauf ce silence oppressant, il attrape maintenant son couteau, elle a peur, mais il se coupe un morceau de fromage et mange.

Soudain le bébé pleure, c’est un signal à la colère qu’il avait contenu, une digue qui se rompt. Ses yeux à la lueurs de la lampe à pétrole se font terribles. Elle n’est plus la joliette de dix huit ans, n’est plus la rousse flamboyante à la frimousse enchanteresse. Elle n’est plus non plus l’amante à la rouge crinière, à la toison dorée. Plus d’ondulations amoureuses dans la paille fraîche de la grange aux Houdry, rien qu’un regard qui la foudroie et qui la brise.

Tout cela à fait place, à une haine féroce, elle est la rouquine aux cuisses légères, la catin au Perrin, la soumise des domestiques de la ferme de l’île,la pouliche de son patron, la perverse au facteur de Rebais, la fille du diable.

Mais plus que cela elle est la menteuse, l’ordurière menteuse. Il hurle maintenant, tape sur la table, bouscule les chaises, lui assène ses quatre vérités.

Il s’approche d’elle l’air méchant, lui saisit les cheveux l’oblige à s’agenouiller. Elle demande son pardon, jure fidélité, rien ne peut l’arrêter dans sa colère. Il la gifle, lui arrache son chemisier, la relève. Elle est maintenant pantelante, ses gros seins lourds de lait exhibés à sa hargne. Elle saigne du nez, supplie. Le petit hurle et hurle encore. Cela l’avait sorti de sa torpeur, mais maintenant cela le calme. Il regarde le berceau, regarde sa femme et lui dit débrouille toi comme tu veux mais je ne veux plus le voir. Sans lui dire où il va , il sort en claquant la porte.

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