
Blanche, debout le long de sa cheminée regarde son beau frère.
Ce dernier sans un mot, sans un bruit lape sa soupe. Ce n’est pas qu’il soit embêtant mais sa présence la gêne un peu. Elle ne sait pourquoi, c’est indéfinissable. Ce grand gars, frère cadet de son mari irradie la maisonnée d’une sorte de malaise. Elle évite de rester seule avec lui, ce n’est pas qu’elle ai peur de lui mais plutôt qu’elle a peur d’elle même.
Jamais il n’a rien tenté, jamais il n’a entrepris le moindre geste de séduction, mais son sourire, sa nonchalance, ses cheveux noir bouclés pourraient si il en exprimait le désir la faire basculer dans une tentation de la chair. Cela la répugne mais sans qu’il y puisse grand chose et sans le savoir il dégage un brin de sensualité qui ferait chuter la plus chaste des mères de famille. Elle l’observe et il lui vient des pensées coupables, son ventre se noue.
Il s’appelle Alfred Apollinaire et il est né à Sablonnières le village d’à coté, voilà bientôt 31 ans. Pour sûr il devrait être marié à cet age mais aucun destin matrimonial ne s’est présenté à lui. Il est donc là à proposer sa virilité, les femmes le cherchent au village, et certaines ont même semble t-il obtenu ses faveurs.
Blanche et Alphonse lui pose constamment la question de son avenir. Il ne peut vivre à vie au foyer de son frère, les gamines grandissent et Eugénie la plus vieille va devenir sous peu une femme. Ce n’est pas convenable ce célibataire dans cet environnement de donzelles en devenir.
Lui ne répond rien, élude, oriente la conversation sur autre chose. Il n’est d’ailleurs pas en permanence à la maison, son métier de manouvrier l’amène là où se trouve le labeur. Il disparaît ainsi des jours durant au rythme des fenaisons, des moissons ou des vendanges. Alors bizarrement cet homme qui dérange habituellement, manque à la famille, Pauline le plus jeune le réclame comme compagnon de jeux, Marcelle celle de l’entre deux regrette les bourrades amicales qu’ils ont par jeu adopté. Blanche sans lui est prise d’une sorte de langueur que son mari est bien en peine de lui faire passer.
Mais ces dernier temps en observatrice attentive elle remarque que son beau frère Alfred Gautier a changé, il n’est plus le même, n’a plus la même mélancolie dans les yeux. Elle le surprend même à être plus méticuleux dans son apparence, un matin ou elle eut à se lever plus tôt elle le surprit même à faire grande toilette. En semaine c’était une incongruité, il était là nu jusqu’à la taille, elle vola cet instant d’intimité, musclé, le torse velu, l’eau ruisselait sur son corps puissant.
Subjuguée elle ne se posait plus la question du pourquoi, le reste de la toilette fut pour Blanche un pur spectacle, des fesses puissantes, des cuisses ciselées enchantèrent son regard.
Pourquoi, pourquoi, elle ne le savait que trop, seule une femme peu faire mettre nu un homme devant une bassine d’eau savonneuse.
Ce jour là Alfred ne rentra pas au domicile de son frère Alphonse à Hondevilliers.
Ce petit village du nord est de la Seine et Marne est situé à proximité de Château Thierry et est encadré par les communes de Sablonnières et Basseville. Il ne se passe jamais rien et chacun en savoure les fruits.
Certes pour les jeunes la difficulté se fait sentir pour trouver âme sœur et la jeunesse est obligée d’aller chasser sur les terres des villages voisins.
Alfred qui même si il gîtait chez son frère cantonnier de l’état à Hondevilliers ne se sentait pas spécialement du village, d’ailleurs ses origines et ses habitudes se trouvaient à Sablonnières.
Mais son chemin, son destin aujourd’hui le mène vers Bassevelle, un petit village plus au nord à la frontière du département de L’Aisne.
D’un bon pas il prend la direction de la butte rouge, passe devant le café restaurant anciennement Triconnet. Il veut se faire le plus discret possible, mais attablé devant une boutanche il y a Charles Perrin le charretier de la Belle Étoile à Sablonnières et le facteur rural de Rebais Lapleige, les deux sont encore là à s’enivrer, rien que de la mauvaise graine qui va mal finir. Alfred les salue de loin et file promptement.
Il n’y a pas loin jusqu’à la butte rouge, au haut la vue est belle et l’on peut apercevoir par delà Bassevelle la rivière Marne qui serpente aux pieds de Pavant.
Il attend quelques minutes au sommet de la côte puis se dirige vers le bois du Tartre. Rapidement il passe devant la ferme de Flagny puis enfin pénètre à couvert de la sylve. Il se sent maintenant en sécurité, sous la protection des arbres, il redevient anonyme, le bois est désert en ce moment, les charbonniers et les bûcherons ont abandonné les lieux. Au détour d’un chemin moussu, alors que les sommets des arbres réunissent leurs branches et que le soleil est déjoué une obscurité presque angoissante survient. Il aperçoit les cabanes de branchages depuis peu inutilisées, elle est là à l’orée de l’une d’elles.
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