La chandeleur
La chandeleur était pour moi la plus belle des fêtes, cette année cela tombait un mardi et nous n’avions pas le droit de travailler, c’est l’un des domestiques qui serait de garde pour les animaux. Je n’entends pas la garde de Marguerite comme la garde d’un animal bien sûr.
Normalement en cette période le temps s’améliorait, les jours se rallongeaient et nous allions sortir de cette espèce d’engourdissement propre à l’hiver. Mais visiblement les éléments en avaient décidé autrement.
Lorsque je me levais et sortait pour mes besoins, le froid paralysait la campagne. L’eau que j’avais laissée dans le seau était dure comme de la pierre, l’on pouvait marcher sur les flaques d’eau sans qu’elles ne cèdent.
Notre chien qui tous les matins me faisait fête et venait me renifler n’osait guère sortir de na niche. Les arbres couverts de givre offraient le spectacle magnifique des gouttelettes d’humidité surprises par le gel du matin et qui décoraient la végétation de mille petites chandelles.
Pendant que coulait en un jet puissant le liquide chaud de mon pissa, formant des volutes de vapeur qui petite m’amusait je pensais au vilain proverbe » à la chandeleur le froid fait malheur ».
La chandeleur est pour nous autres les chrétiens un événement important et le curé nous le martelait depuis l’épiphanie. En ce jour nous commémorions la présentation de Jésus au temple, comptez bien c’est toujours quarante jours après Noël. C’est en quelque sorte le début de sa vie publique.
Double fête car nous célébrions aussi la purification de la vierge. Car voyez vous la bonne dame était tout aussi impure que nous qui étions obligées de faire nos relevailles. Cette idée d’impureté par le sexe, la grossesse, l’enfantement ne me plaisait guère. Comme le fait d’être impure pendant nos règles je trouvais cela injuste. A quel moment les hommes étaient-ils impurs, lorsqu’ils déversaient leur semence dans nos ventres ou qu’ils battaient leur femme pour qu’elle se donne?
Non cela m’ennuyait, alors je ne retenais que la présentation de l’enfant Jésus.
D’après ce que nous avait raconté un curieux bonhomme qui au cours de l’hiver était passé chez nous pour animer une veillée la chandeleur serait le mélange d’une fête chrétienne et d’une fête païenne.
Autrement dit le fait d’amener des chandelles à l’église serait la résurgence d’un ancien culte où les paysans promenaient des torches dans leurs champs pour les fertiliser et dans les étables pour s’assurer d’une bonne fécondité. Cela m’amusait de savoir cela, de fait c’était un joli mélange.
La maison se réveilla gaiement, le père enfila son pantalon sur ses jambes maigres ce qui m’amusait tous les matins, pissa dans le pot en en mettant partout sur la terre battue apportant encore un surplus d’humidité. Pourquoi n’allait-il pas dehors, marquait-il son territoire comme un chat lève la queue. Il alla s’asseoir cassa son pain dans la soupe chaude que je lui présentais. Ensuite ce fut le Stanislas qui apparut, échevelé, la marque du drap sur sa joue pas rasée. Lui aussi avait mis son pantalon mais en laissant sa chemise en dehors, chacun son cérémonial. Puis ce fut sa seigneurie qui cahin-caha se leva, il fallut que je l’aide à se vêtir.
Nos deux valets pointèrent leur museau, j’avais déjà donné le sein à ma petite pour me soustraire au regard libidineux du plus jeune des deux. Curieusement les yeux bleus de l’autre ne me laissaient pas indifférente et il m’eut plus de m’adonner à la tétée devant son regard gourmand.
J’avais exigé que mon Stanislas se rase, mon père dut en faire de même et je retrouvais mes deux bonhommes sous la grange devant une bassine. J’avais fait chauffer un peu d’eau sur le feux pour que cela soit moins douloureux. Ils se rasèrent mutuellement car nous n’avions pas de miroir. De temps à autres nous faisions appel au barbier mais il fallait évidemment payer et nous n’avions guère d’argent pour ces actes de propreté. Nous ne le faisions que pour les grandes occasions.
Pendant que les hommes se préparaient je mis dehors les deux valets car je voulais me coiffer. Pendant ce temps mes frères apparurent enfin, je ne sais pas ce qu’ils avaient fait la veille mais leur mine défaite montrait clairement quelques libations.
On finit par être tous prêt, nous avions notre chandelle, grande et belle, nous devions tenir notre rang de métayer et ne point en avoir une trop petite.
Le soleil nous chauffait à peine et les grolles au dessus de nous semblaient se moquer de notre air frigorifié. Ma sœur s’amusa à souffler pour faire de la buée, mon père en fit autant et comme des gosses nous fîmes tous ce geste enfantin jusqu’à l’église.
Il y avait foule en ce jour, aucun villageois n’aurait manqué la bénédiction des chandelles. C’était vraiment un moment important.
L’office fut magnifique et chacun alluma sa chandelle pour qu’elle fût bénite.
Contrairement aux autres sorties de messe on s’empressa de rentrer à la maison. L’idéal était de garder sa flamme allumée jusqu’à son domicile, cela portait bonheur. Mais nous étions en février et le vent d’est qui nous refroidissait tant, nous la soufflait alors que nous étions à peine à la sortie du village.
Mon père curieusement y vit un mauvais présage, Stanislas remarqua que l’année d’avant nous n’avions pas ramené non plus notre chandelle allumée et qu’il ne nous était rien arrivés.
Ce fut notre discussion sur le chemin du retour, de fait l’ambiance fut moins chaleureuse, allons c’est la chandeleur et ce soir on mangera des crêpes.
UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, Semaine 4 , la fausse alerte
UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, Semaine 4, la nuit de l’ivrogne.
Je suis une grande lectrice mais depuis que j ai une tablette j ai délaissé les livres. Mais grâce à vous j ai repris le goût de la lecture .merci beaucoup
Pascale
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