DANS L’INTIMITÉ D’UNE JEUNE VEUVE, Épisode 4, Le lieu de l’amour et du repos

Lorsque Françoise pénètre dans sa chambre accompagnée de ses hôtes elle sait que cela ne sera pas facile et qu ‘une multitude de souvenirs l’assailliront.

Elle est fière de cette chambre, indépendante, chauffée et éclairée par la lumière du jour, elle y prend plaisir à y rester même en dehors des nuits.

La cheminée qui est celle qui donne dans la cuisine, se trouve sur l ‘un des cotés de la pièce, rien de bien extraordinaire quelques objets usuels pour l’entretien du feu. Mais au dessus s’expose un magnifique miroir, cet objet compagnon de son intimité est en vérité le seul à qui elle dévoile sa nudité. Lorsqu’elle est sure d’être entièrement seule, avant coucher, lors de sa toilette ou d’un changement de tenue, elle s’admire, sourit de sa poitrine encore ferme, de sa taille non épaissie par les ans. Elle soulève même quelques fois son jupon et surprend sa main à quelques caresses intimes.

Elle sort de ses pensée, l’experte l’estime à 30 francs .

La commode en marqueterie de placage avec sa tablette en marbre de Saint Anne * est pleine des effets de son mari et des siens propres. Chacun avait ses tiroirs.

Dans le premier les redingotes * et les habits, le tout en drap bleu, avec pliés à coté 3 pantalons, le préféré de Françoise est celui en nankin*, les autres en drap de couleur olive et en créponne*. Trois gilets dont l’un en soie complètent l’élégance de la tenue du capitaine.

Mais surgissant du passé comme un coup de poignard, l’uniforme complet du fier militaire, habit chapeau, dragonne et épée. Elle revoit encore son mari lors de leur première rencontre, un bal donné chez des amis communs, l’orchestre, les bottes des militaires qui claquaient sur le parquet, les moustaches cirées, l’odeur des cuirs et des transpirations. L’enivrement par les danses, elle se souvient que dans cet uniforme Jean Baptiste l’avait prise une première fois par la taille. Électrisée par ce simple contact, sa vue s’était troublée, ses pointes de seins s’étaient dressées et d’étranges fourmillement l’avaient traversée dans son intimité. Premier émoi dont elle se souvenait comme si c’était hier et qui lui donnait encore le rouge aux joues.

125 Francs estime la grosse fripière qui casse le charme de ses souvenirs. Dans le tiroir suivant, ses châles, ses bonnets en mousseline et en gaze ainsi que ses bas. Mme Lebreton les déplie et en estime la qualité, devant tous ces hommes quelle inconvenance et quelle cruauté.

En dessous Françoise range les bas* et les cravates de son mari. La fierté de Jean Baptiste se trouvait sur la tablette de marbre, 19 volumes reliés in 12*, Virgile, mémoires pour servir l’histoire des hommes illustres de la république, lettres chinoises, vie de Richelieu, exploit militaire et dictionnaire médical. Le capitaine érudit les compulsait sans cesse , annotés, cornés ils étaient usés par le temps. Il y en avait bien pour 6 francs.

En face de la commode un vieux secrétaire que la fripière considère comme déshonoré* mais que son mari utilisait pour écrire à ses nombreux correspondants. Dans une autre armoire, le linge de la maison et ses propres robes. Encore une fois Mme Lebreton expose ses jupons de dessous ce qui gêne fort Françoise. Elle se souvint que son mari aimait particulièrement celui en flanelle et qu’il ne lui ôtait jamais quand il lui faisait l’amour.

Mais l’élément central de toute chambre est l’alcôve*, lit, paillasse, matelas, oreillers, rideaux en indienne commune. Lieu de repos, d’amour, de naissance et de mort cet endroit est comme un sanctuaire dont les rideaux en accentuent encore le caractère, leur jeune fils avait interdiction d’y pénétrer et Françoise fait son lit elle même sans qu’il soit question que la servante n’y touche. Bien sur Françoise ne va pas au lavoir et une lingère lui blanchit les draps de temps en temps.

A coté de sa table de chevet en bois de menuisier gris, son prie dieu, jamais au grand jamais elle ne s’endort sans sa prière. Jean Baptiste se moquait d’elle lorsqu’elle après l’amour elle remettait ou réajustait son jupon et sa coiffe de nuit pour se relever et se donner à dieu après s’être donné à lui.

Normalement glissé sous le lit, le pot de chambre en faïence trône de façon indélicate à coté du lit, il est lui aussi estimé. Ce vase bien commode la nuit est de forme Bourdaloue*, Françoise le vide elle même chaque matin par la fenêtre donnant sur sa cour.

Du coté du chevet de feu son mari, Françoise a positionné son bidet* , composé d’une cuvette de faïence, monté sur un petit meuble à quatre pieds il sert à Françoise pour son hygiène intime.

L’experte, en objet mais pas en civilité fait remarquer tout haut à l’assistance que pour elle seules les catins se lavent en cet endroit. Le notaire gêné esquisse un sourire en détournant le visage et les deux témoins devant le regard courroucé de Françoise ne font pas de commentaire.

L’estimation des bien de la chambre du couple est enfin terminée.

Beaucoup de choses dans cette chambre, un grand miroir signe d’une certaine aisance, des habits nombreux témoignant d’une variation des toilettes en fonction des événements de la vie.

Une collection de livres et des gravures qui prouvent la culture du couple et un certain niveau de vie. Le prie dieu témoignent d’une spiritualité avancée et d’une foi chrétienne incontestable.

Et enfin des élément de toilette comme le bidet qui a n’en pas douter ne fait pas partie de l’ameublement d’immense majorité des françaises.

Contrairement aux demeures paysannes ou l’on sent que les habitants ne s’y attardent guère, la demeure bourgeoise du couple Serais témoigne d’une appropriation des lieus bien supérieure, et d’un aménagement du décor de leur vie.

La visite se poursuivra par la chambre du fils et de la maman de Françoise.

Marbre de Saint Anne : marbre essentiellement de couleur gris, usité comme tablettes de meubles et de cheminées.

Redingotes : Manteau à longues basques

Nankin : Toile de coton à tissu serré de couleur jaune clair fabriquée originairement en Chine à Nankin.

Créponne : Étoffe de soie de laine ou de coton

Bas : Le terme bas est le diminutif du mot bas de chausse (distinct de hauts-de-chausses) qui désignait la partie des vêtements masculins recouvrant la jambe du pied au genou

Reliure in 12 : hauteur du livre de moins de 20 cm

Déshonoré : Dans le sens abîmé en mauvais état

Alcove : Enfoncement pratiqué dans une chambre pour y mettre un ou plusieurs lits

Bourdaloue : Pot de chambre de forme légèrement allongée afin de permettre aux femme d’uriner debout.

Bidet : petit meuble en forme de siège avec un seau permettant les ablutions intimes.

Pour lire les épisodes précédents cliquer sur ces liens

 https://larbredeviedepascal.com/2019/01/22/dans-lintimite-dune-jeune-veuve-episode-1-le-conseil-de-famille/

https://larbredeviedepascal.com/2019/01/25/dans-lintimite-dune-jeune-veuve-episode-2-promenade-dans-un-inventaire/

https://larbredeviedepascal.com/2019/01/27/dans-lintimite-dune-jeune-veuve-episode-3-un-interieur-bourgeois/

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