UNE ANNÉE DE LA VIE D’UNE FEMME, Semaine 10, La tentation

La tentation

Dans l’après midi les hommes étaient repartis au village pour jouer aux quilles, moi j’avais de l’ouvrage à finir. J’avais mon bébé à m’occuper ainsi que ma petite sœur qui avait besoin de moi comme une petite fille a besoin d’une mère.

Comme il faisait beau Thérèse se rendit dans le jardin pour jouer, il fallut que je la gourmande car elle effrayait les poules. Mon père disait qu’elle me ressemblait, peut-être mais je me méfiais des dires du père. J’étais donc seule dans la maison, attentive à mon ouvrage de couture, ma sœur grandissait il fallait que je lui reprenne une robe. Ce vêtement d’ailleurs je le connaissais bien car je l’avais autrefois porté.

Je ne l’entendis donc pas arriver et c’est avec stupeur que j’ai remarqué que quelqu’un dans l’ombre de la porte m’observait. J’eus grand peur mais la personne s’avança. C’était Aimé le valet, que faisait -il ici alors que tous les hommes étaient à Avrillé?

Surprise mais finalement heureuse de le voir, pourquoi ce jeune freluquet au visage presque imberbe aux muscles non faits ne me laissait pas indifférents.

Devant mon visage interrogateur, il finit par me dire  » maîtresse j’avais envie de vous voir » . Il n’était pas très sûr de lui d’autant que mon père interdisait expressément aux valets de pénétrer chez lui en dehors de sa présence.

Lui répondre c’était déjà l’encourager mais je n’eus pas le cœur à le renvoyer. Il s’approcha de moi, confus, rouge et hésitant. Je ne savais que faire ou plutôt je savais ce que je ne devais pas faire.

Cet enfant me fascinait, énervait mes sens et me couvrait de doutes. Comme une idiote je lui pris la main, ce n’était rien mais c’était tout.

C’était le début de quelque chose, une aventure, une histoire d’amour, une source d’ennuis, une pleine culpabilité, une grande honte.

Le simple fait de lui prendre la main compta plus pour moi que le premier coup de rein que me donna Stanislas. J’eus le sentiment que ce jeune fou me faisait l’amour, j’étais nue, au milieu d’une clairière, le soleil dardait ses rayons sur mon corps, j’avais chaud, je sentais des gouttes de sueurs qui fuyaient le long des vals de mes reins. La sensation était divine, magique, je me perdais.

Lui aussi était nu, son corps frêle dans la lumière me faisait l’effet d’une statue d’église éclairée par un vitrail . Mes yeux passaient des siens à son sexe. Je me disais, il n’a pas le même que Stanislas, plus long moins courtaud. Il s’avançait encore, maintenant triomphant, j’étais prête à m’offrir , à me donner.

Mais soudain un cri, un bruit, un fracas, Thérèse ma petite sœur me secouait autant qu’elle pouvait, réveille toi, réveille toi Aimé le valet est dehors il veut te demander quelques choses au sujet des vaches.

Je m’étais assoupie, je sortis et je vis Aimé, rouge comme dans mon rêve mais habillé. Revêtu de sa blouse les pieds nus, un pantalon déchiré, maculé de boue il n’avait plus rien d’une statue de saint.

Le maître m ‘a demandé d’aller faire la traite à votre place pour que vous puissiez commencer les crêpes.

J’étais confuse et bêtement je m’imaginais qu’il m’avait vue nu dans la clairière comme moi je l’avais vu. Je devenais un peu folle.

Il alla donc traire, mais moi je n’étais pas calmée. Alors je le suivis dans l’étable.

A deux nous irons plus vite lui dis je. En allant prendre place je fis en sorte de le frôler un peu, enfin beaucoup, pour qu’il s’imprègne un peu de moi. Je fis aussi mine de me pencher sur lui afin qu’il voit le départ de ma poitrine. Comprenait-il ce jeu, tenterait-il une avance?

Rien l’enfant homme ne bougeait pas, je savais qu’il en mourait d’envie, que pour lui j’étais l’initiatrice qui le ferait basculer dans le camps des hommes. Mais j’étais femme, j’étais mariée, j’étais plus vieille que lui et j’étais de plus sa patronne, alors le fossé était profond, il n’osa pas.

Mais maintenant il était trop tard, mon mari allait rentrer, les crêpes feraient sentir leurs doux arômes, la cheminée pleine de belles bûches réchaufferait notre chez nous et j’oublierais mes envies irréfléchies de jeune puceau.

Ma cuisine eut un bel effet sur les hommes, déjà repus des chopines qu’ils avaient bues, ils sombrèrent maintenant dans une quiétude somnambulesque.

Mon père dodelina de la tête et s’endormit dans le fauteuil de paille. Mes frères prirent le panier de noix et au chaud le cul dans l’âtre s’en délectèrent. Stanislas en bon bonhomme jouait avec ma petite sœur et d’une voix qu’il s’efforçait de faire ressembler à celle d’un enfant imitait une conversation entre deux petites filles. Thérèse rigolait de toutes ses belles dents de perle. Ces jeux et ces moments de bonheur lui faisaient elle oublier le souvenir de sa maman morte depuis peu.

Moi oubliant mes rêves de folle je savourais la quiétude de mon doux foyer.

Demain reprendrait le carême, le travail et à n’en pas douter les tracasseries les plus diverses.

 

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