DESTIN DE FEMME, Épisode 19, le trépas de Léon

J’étais heureuse, nous allions revenir à Liéchen, non pas que nous allions y retrouver des conditions plus avantageuses mais le Léon n’était plus guère embauché et il nous fallait partir.

On empila notre maigre mobilier, un châlit, deux coffres, deux paillasses, une table, deux bancs, la chaise de Léon et bien sur tout notre fatras, linge, vaisselle, baquets, dans des cages d’osier nos volailles et nos lapins. Nos deux vaches suivaient à la longe.

On retrouva notre maison d’avant, nous n’avions plus que Louis et Eugénie avec nous. Le problème c’était Léon qui s’étiolait et maigrissait à vue d’œil, constamment à se plaindre du ventre il ne gardait guère les aliments. Sa faiblesse était telle que parfois il ne pouvait aller au travail. Je tentais de suppléer mais le salaire d’une femme était plus petit que celui d’un homme et nous commencions à avoir des difficultés.

Bientôt il ne put se lever que pour faire ses besoins et encore là aussi il y avait des ratés, après avoir nettoyé la merde de mon père maintenant c’était celle de mon mari.

Non il n’était vraiment pas bien, je voyais qu’il allait partir, on ne reste pas si longtemps malade sans mourir.

Je pensais que lui aussi avait conscience de son départ prochain, au Noël 1840 nous savions tous que ce serait le dernier avec lui. Nous avions fait une dernière réunion de famille, mon fils aîné qui était toujours en bon terme avec son beau père accepta de venir. Rosalie vint aussi, un peu contrainte il est vrai ,mais je pensais qu’ils ne devaient pas se quitter sur une vacherie. Augustine, Eugénie et Louis accueillirent leur demi frère et sœur avec grande joie.

On alla tous à la messe de minuit et on réveillonna après, Léon ne put se déplacer et il dormait quand nous rentrâmes. Qu’allait-il advenir de nous si mon homme passait?

Rosalie Désirée Ruffier

Je le savais malade et quand ma mère vint me demander de revenir à la maison pour la Noël j’ai finalement accepté, bon je n’étais pas majeure et je n’avais guère le choix.

Même si je tremblais à l’idée de revoir Léon je jubilais de voir mes petites sœurs et mon petit frère.

Quand je suis entrée chez nous, il faisait sombre et dans la pénombre le lit du moribond se détachait à peine de l’obscurité, j’entendis une sorte de râle et m’approchais. Il était là allongé, blafard, squelettique. Son odeur était déjà celle de la mort .

Plus rien à voir avec le Léon triomphant, le sexe érigé, le ventre bedonnant et le cul gras qui voulait me prendre comme une ribaude, moi sa presque fille.

Intérieurement je jubilais de le voir ainsi diminué, aucun sentiment hormis celui de la haine, il avait mérité sa maladie, il était sale à mes yeux.

Il voulut me parler, mais rien ne put franchir sa bouche pincée par la douleur. Sa main fit une tentative pour se soulever, je ne fis même pas mine de tenter de l’aider. Je l’ai dévisagé, j’ai craché au sol et vilainement je lui ai découvert son corps grelottant.

Pendant de longues minutes j’ai observé ce corps à moitié nu, jambes grêles, sexe ratatiné, son ventre avait disparu, ce torse puissant qui m’avait bloquée se soulevait à peine. A voir son mauvais rictus de mourant je lui fis mon meilleur sourire et ressortis de la maison en le laissant offert au regard.

Ce noël fut plaisant pour moi car je savais qu’il se mourait, au sujet de ma mère j’étais un peu plus circonspecte, je lui en voulais de ne pas m’avoir crue, je lui en voulais de m’avoir battue et je lui en voulais de m’avoir exilée ,comme marquée au fer rouge mais je l’aimais.

Je suis repartie à la ferme pleine de joie et lorsque je vis mon berger qui pour l’heure  travaillait comme manouvrier, car les moutons étaient rentrés

Je lui fis un sourire et il comprit que j’étais prête, je n’avais pas respecté mon calendrier et j’avais perdu quelques mois pour la perte de ma fleur. Je n’étais pas très rassurée, qu’aurais-je fait si j’avais marqué?

Je le suivis dans sa cabane, une espèce de caisse faite de bois disjoint qui trônait au dessus des moutons. Pour y accéder il fallait grimper une rude échelle, à l’intérieur une simple paillasse faite de feuilles enveloppées dans un tissu de chanvre, une couverture en lin bien usagée venait la recouvrir.

Malgré la saison il y faisait presque chaud, la chaleur des animaux qui montait, réchauffait mieux qu’un âtre.

Je lui laissais l’initiative de cette initiation, il fit tout avec douceur, m’enleva mon bonnet et sentit mes cheveux. Il s’affaira à retirer mon corsage et lorsque ses mains touchèrent ma poitrine je fus déjà prise de spasmes, j’avais l’impression ne plus être que chaleur et moiteur. Il me déshabilla entièrement, lentement , méticuleusement , amoureusement. Je fermais les yeux extatiques lorsqu’il se mit tout nu. Il ne fut que caresses et baisers, il me buvait et me mangeait. Je le sentis à peine entrer en moi, il ne me fit point mal, et répandit sa douce semence dans mon calice virginal. Je ne sus pas si j’avais atteint la jouissance car je ne savais pas ce que c’était, mais simplement je sus que c’était le bonheur.

J’étais maintenant sa bergère, sa petite paysanne et je le rejoignais souvent en sa couche, je me serais bien vue liée autrement avec lui, mais visiblement il ne faisait aucune approche maritale.

Bientôt un oiseau de mauvais augure apparut dans la cour de la ferme, j’étais à porter une brouetté de purin quand mon petit frère Louis pointa son museau de fouine. Je sus toute suite qu’un drame s’était joué.

Le Léon était mort, quelle jubilation, quel bonheur, le salopard qui hantait mes nuits n’était plus.

Je pris congé de mes patrons et je repartis auprès de ma mère pour lui prêter assistance.

Quand j’arrivais le chef de ménage trônait allongé sur son lit, mains jointes, ses habits du dimanche qui flottaient un peu, mère lui avait glissé un chapelet. Son visage avec la mort avait repris un peu de sérénité, il était moins laid que vivant.

La cheminée était éteinte pour ne point gâter le corps avec la chaleur et seule la chandelle l’éclairait.

Un brin de rameau était accroché au bois de lit et des voisines qui faisaient office de pleureuses, bruissaient à petits cris.

La maisonnée veillait à tour de rôle et je ne pus échapper à mon tour. J’aurais veillé un morceau de bois ou un poulet mort que cela ne m’aurait pas fait plus d’effets.

Le lendemain quelques pelletées de terre sur le corps de celui qui avait tenté de me prendre de force mais qui était la mari de ma mère et qu’elle semblait malgré tout apprécier. Elle était maintenant veuve , serait-elle joyeuse?

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