Comme je l’avais pressenti la petite de Gustave et d’Ismérie décéda, fruit vicié dès le départ la conclusion de sa vie ne pouvait qu’être tragique.
La noce ne fut pas décalée pour autant et l’on se retrouva tous à Guérard une petite commune toute proche.
Moi je n’allais pas fort, la boule que j’avais dans la poitrine me faisait atrocement souffrir, j’étais faible car je ne mangeais rien. Je me fis donc porter et ne pus faire grand chose, pas de danse pour moi et adieu les amours passionnées des fins de noces.
Nous n’étions plus que deux à la maison, j’avais moins de travail et heureusement car j’étais bonne à rien.
Je me mis à tousser et à avoir des difficultés respiratoires, Charles inquiet m’emmena avec Hermance chez un autre médecin. Il me fit mettre nue et me palpa sur l’ensemble du corps. Il écouta ma toux et examina mes glaires. Pour être franc il le fut, » madame Trameau votre état est inquiétant », il n’y a aucun remède à votre état » .
La question que je ne lui posais pas me brûlait quand même les lèvres, combien de temps?
Il me donna des pilules contre la douleur en me recommandant de ne pas en abuser.
J’allais mourir et le docteur m’expliquait de faire attention à ces quelques cachets, le trajet du retour fut lugubre. Charles le taiseux perdu dans ses pensées ne s’exprima pas de tout le chemin.
Mon état s’empira soudainement et je dus m’aliter, Marie ma fille vint s’installer à la maison pour s’occuper de moi. Hermance ne me quittait pas non plus.
Mon corps s’abandonnait, je mangeais et je vomissais, je respirais et je toussais. J’avais l’impression que chaque quinte de toux m’arrachait un bout de poumon. J’avais mal partout, heureusement la médication me soulageait, j’entrais alors dans une phase de somnolence. On me tenait compagnie, mais aussi on me lavait, arriver à plus de soixante ans et se chier dessus quel avilissement.
Un beau matin un joyeux bonjour me sortait de ma léthargie, un fringant soldat se trouvait devant moi et me bisait, mon Daniel était revenu. Son engagement était terminé et il s’apprêtait à reprendre son ancien métier de botteleur. Il n’avait pas connaissance de ma maladie et ce grand benêt, ce grand voyou s’effondra en pleurant comme un gosse.
Ça présence étonnamment me redonna joie et courage et je repris même un peu de force. Bien sur je savais que je ne m’en sortirais pas mais peut être gagnerais je quelques mois précieux.
Le matin on m’installait sur une chaise longue en osier, je regardais passer les gens qui partaient au travail, ronde des bergers, des charretiers, des paysans trainant sabots avec leur faux sur le dos. Lavandières et lingères portant leurs paniers de linge, commerçants s’en allant à Coulommiers, cantonniers la pelle à la main et charriant des gravats.
» Bien le bon jour la mère Trameau, comment va ce matin? Tous avaient un petit mot. Je les saluais d’un petit geste fatigué.
Mais il fallut se rendre à l’évidence ma fin était proche, je respirais lentement comme dans un râle, mon kyste au sein était nécrosé et mes membres ne m’apportaient que douleur insoutenable. Les cachets ne faisaient plus effet
Daniel m’apprit qu’il allait se marier en juin 1906 avec Eugénie Maury une petite de Chailly. Je ne pus que lui sourire tristement jamais je n’arriverais jusqu’à cette date.
Je n’étais plus consciente qu’occasionnellement, mes enfants et petits enfants m’entouraient, lorsque je reconnus Auguste je devinais que j’allais partir.
Je n’étais pas morte que la veillée funèbre commençait, un prêtre vint pour m’apposer le viatique. Je n’entendais que de vagues bruits, et n’apercevais plus que des ombres furtives. Je percevais la chaleur réconfortante d’une main serrée dans la mienne mais je ne savais pas à qui elle appartenait.
Je sentais aussi que l’on me bisait, pourquoi?
Puis tout fut noir, alors que je ne pensais pas avoir les yeux fermés, j’entendis encore quelque voix puis plus rien.
Mon arrière arrière grand mère Victorine Tondu est morte le 11 mai 1906 à cinq heures du matin en présence des siens.
Gustave et Émile déclarèrent le décès et tous la portèrent en terre le jour suivant.
Auguste devint entrepreneur en fourrage et se fit une belle aisance avec la guerre, Émile resta à Chailly
Victor mourut domestique à Paris en 1919, Charles vit la seconde guerre mondiale et s’éteignit en 1946 à Nangis en Seine et Marne.
Joseph resta sur Beton Bazoches et Marie la seule non paysanne vécut jusqu’en 1953 à Jouarre aussi en Seine et Marne.
La famille offrit son tribut à la folie humaine, Gustave et Daniel mourront au combat respectivement en 1916 et en 1918.
Quand à Charles le mari, il rejoignit son épouse dans la terre de Brie en 1911.
Fin
Merci pour ce recit de la vie de Victorine et sa famille ..j ai suivi sa vie pas a pas ..je me doutais de sa fin..j ai imagine cette femme du debut a la fin de sa vie..encore merci
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Merci pour cette « belle » histoire dans laquelle je revois un peu la vie de mon arrière-grand-mère morte à 94 ans, elle eut 9 enfants de ses 2 mariages, toujours gaie et aimante malgré ses tristesses, elle eut la joie de connaitre ses arrière-arrière-petits-enfants, mes enfants… Sa vie, non plus, n e fut pas toujours drôle, mais toute sa postérité s’en est sortie à merveille. Elle est morte voici très longtemps mais nous l’aimons encore plus que tous.
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Merci pour ce récit. Tellement vrai. J’attendais chaque jour le nouvel épisode.
Merci encore.
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merci pour ce récit si poignant . ce fut un bonheur de vous lire. j’attends la prochaine histoire. merci pour tout et bonnes fêtes de fin d’année.
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Merci pour ce récit réaliste de la vie à la campagne que j’ai connu il y a soixante ans.
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Bonsoir
J’attendais le dernier épisode pour vous dire que depuis le 1er, j’attendais la suite.
J’ai beaucoup aimé
Merci
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Merci pour cette belle tranche de vie, y aura t il un autre récit aussi captivant ?
Merci, merci…..
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Merveilleux . A quand la prochaine histoire de notre terroir ou du votre.
Félicitations Pascal pour ce récit
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Je viens de terminer ce récit les larmes aux yeux. Magnifique te te histoire poignante. Bravo
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