1896, Alentour du moulin du Beignon,
Pierre Cloutour, Barthélémy Proux, Charles Guerin, Pierre Guerin, André Guerin et François Ferré.
Tous réunis dans le silence à une distance respectable du bois où ils avaient trouvé la pierre en forme de cœur, Ils délibèrent sur la façon de s’y prendre.
La lune n’était pas encore définitivement couchée, les arbres semblaient avec le jour qui montait plus grands qu’en réalité. Les chemins creux semblaient encore être les trous béants de l’enfer. Les oiseaux qui commençaient leur mélopée ajoutaient encore à l’atmosphère angoissante du lieux.
Les hommes pourtant forts gaillards ne brillaient pas d’une audace débordante.
Ils se décidèrent enfin et munis d’outil se rendirent sur l’endroit présumé. C’était rageant car cette pierre tous la connaissaient, les femmes en mal de fertilité ou d’amant venaient s’y frotter et paraît il les résultats étaient souvent spectaculaires. Aucun des hommes présents ne se seraient avisés de remettre cette légende en question, ce qui les ennuyaient le plus été qu’ils allaient bouger une pierre sacrée et que le malheur pourrait très bien s’abattre sur eux. Mais bon il fallait bien prendre le risque, leurs ancêtres l’avaient bien soulever pour y mettre le coffre et rien ne c’était passé.
Ils peinèrent un peu à trouver l’endroit car visiblement cela faisait un moment qu’aucun joli ventre de femme n’avait mendié une faveur à la dite divinité calcaire. Pourquoi cette foutue femelle ne nous avait elle pas confier qu’elle connaissait cette histoire, nous aurions tous profité plus tôt de cette manne.
Une fois trouvé ils se mirent à l’ouvrage dégageant les abords, le soleil maintenant les rassurait, l’endroit si maléfique la nuit devenait un second paradis.
Le pierre était grosse et il fallut s’armer de force et de patience, mais soudain elle bougea, roula sur elle même semblant hésiter puis s’abattit sur le coté.
Les hommes grattèrent fébrilement et sentirent soudain une résistance. Ils se firent fourmis et peu à peu dégagèrent un coffre de bois.
Pas très gros, en bois cerclé de fer rouillé, il avait résisté aux injures du temps et hormis la rouille qui le vieillissait il semblait avoir été enterré la veille. Il était fermé par une grosse serrure ouvragée.
La troupe fut saisie de stupeur mais aussi de joie et tous se mirent à danser autour, folle farandole, l’argent facile rendant fou ils étaient tous gagnés par la fièvre d’une future richesse bien méritée.
Il fallait faire vite maintenant, le matin gagnant ils risquaient d’être vus et dénoncés. Ils tentèrent d’ouvrir le coffre mais bien sur il résista, ils employèrent les grands moyens et avec leurs pioches, pelles et piques brisèrent l’ultime rempart à leur aisance.
Arrivant enfin à soustraire le magot de sa gangue protectrice, ils arrêtèrent stupéfaits, plusieurs liasses de billets dans le coffre les narguaient, point de pièces d’or ni de lingots, des billets seulement des billets. Une vive inquiétude les gagna, jamais ils n’avaient vu de tels billets, aucun d’eux ne savaient lire. Ils décidèrent de prendre le tous, d’enterrer les débris du coffre et de rentrer à la Cossonnière pour se partager le pactole.
Le chemin du retour fut long, les hommes étaient joyeux mais anxieux, plus très surs de la valeur de ce qu’ils avaient enfin trouvé.
A l’abri de la grange, il examinèrent le tout, comment faire pour se servir de tant d’argent, ils étaient pauvres et un tel afflux pourrait paraître louche.
On fit venir Jean Marie, au moins lui savait lire et pourrait au moins déchiffrer ce qui était écrit sur les billets.
Timidement il ânonna, A S S I G N A T.
Les hommes restèrent sans voix, ignorants, analphabètes, mais point idiots ils avaient tous entendu leurs aïeux parler de ce papier monnaie que la république entendait substituer à leur monnaie ancestrale.
- Mais quoi qu’on va faire de ça
- çà vaut rien
- Même nos vieux n’en voulaient pas
- On peut à peine se torcher le cul avec
- Oui on est bien des beaux couillons
- Moi je vais quand même tenter d’aller boire un coup avec.
Tous regardèrent le François avec ébahissement, si cette andouille allait à l’auberge avec des billets qui n’avaient plus cours tous passeraient pour des imbéciles et ramèneraient la maréchaussée.
Tous se voyaient déjà enchaînés au banc d’infamie des bagnards.
- Vas tu fermer ta gueule le François, personne ne prendra quoi que ce soit, notre trésor était une chimère n’en parlons plus on s’en va foutre le feux là dedans et on va reprendre le travail comme avant.
- Oui notre trésor à nous c’est notre terre et nos mains.
Barthélémy fut donc chargé de brûler les billets, au moment de les faire partir en fumée il s’en garda quelques uns en souvenir, après tout cela lui rappellerait ses ancêtres.
Les femmes se moquèrent copieusement de leurs hommes, Victoire qui n’en menait pas large de n’avoir pas parlé de la forme de la pierre bien plus tôt se sentit revivre et fit remarquer à Pierre son mari que les pierres fabuleuses elle n’y croyait guère. Le vieux Cloutour lui fit remarquer qu’à part son foutu dieu elle ne croyait à rien.
L’autre Victoire de la maison, la plus jeune consola Barthélémy en lui offrant le soir le seul trésor qu’elle possédait.
Les trois frères Guerin rentrèrent la queue entre les jambes, Louise tança méchamment son mari en lui disant que décidément il était bien bon à rien. Clémentine fit remarquer à Charles que de toutes façons l’histoire aurait mal fini et que ces billets auraient apporté le malheur.
Tous repartirent au labeur, la petite Mathilde Guerin se vit gratifier d’un de ces billets usagés inutiles aux adultes. Elle considéra ce don comme un bien fait et le serra contre elle jalousement, c’était son trésor ce serait son talisman. Ce simple bout de papier là rendit heureuse et elle se promit qu’à chaque fois qu’elle aurait de la peine, elle le regardait et le toucherait.
A la Cossonière ce fut Jean Marie qui réussit à soustraire au feu un billet, lui aussi considéra que cet argent dédaigné par son père était un vrai trésor. Il s’imagina dès lors chevauchant avec les Charette, D’Elblée, Bomchamps pourfendant le républicain pour son roi et pour sa terre. Il faisait fi de la véritable histoire que ses parents racontaient à la veillée celle ou une famille avait été massacrée et ou des jeunes soldats égarés dans une guerre civile impitoyable avaient commis l’irréparable et avaient ensuite été punis par les fourche divine.
Cette histoire fut le trésor de ses deux enfants, ils ne savaient pas encore quel chemin la vie leur ferait prendre
Il y a eu des méfaits des 2 cotés… un peu comme en Biélorussie en 1941 sur une autre échelle.
J’aimeJ’aime