LE TRÉSOR DES VENDÉENS, Épisode 5, le malheur est entré à l’Auroire

1831, Aubigny, village de l’Auroire

Charles Guerin

En cette fin d’année 1831 la tante Sophie ne pouvait plus se traîner tellement son ventre était gros, à chaque pas on eut dit qu’elle allait déposer son bébé sur le sol.

De la bonne graine disait mon père, à peine un an de mariage et déjà un petit Tesson. Bon dès que maman n’était pas là il parlait un peu plus fleuri en disant en substance que la Sophie l’aimait bien être culbutée. Maman plus économe de mots trouvait que leur histoire était belle et que le couple serait prolixe.

La petite angélique arriva après la fête des rois et ne devança ma petite sœur Rosalie que d’un gros mois. Car voyez vous ma mère avait aussi trouvé le moyen d’être grosse. C’était le septième enfant du couple en vingt un ans rien de très remarquable en soit. Moi avec mes yeux d’enfant j’avais toujours l’impression que ma mère était enceinte ou qu’elle allaitait. J’appris incidemment en écoutant les femmes à la buée qu’elles faisaient exprès de garder leur enfant aux seins pour ne pas retomber enceinte trop tôt. Subtilité de bonnes femmes me confia mon oncle Pierre à qui je posais les questions qui me tracassaient .

Lorsque ma sœur arriva en mars j’étais déjà un vieil habitué des naissances, pensez donc j’avais dix ans lors de la précédente grossesse de ma mère, maintenant j’allais sur mes treize ans. Je n’ignorais rien des mises bas chez les génisses et j’avais même aidé mon père une nuit où la Belouze avait eu quelques difficultés.

Par contre si je savais à peu près tout, certains détails m’échappaient encore, en guise d’anatomie féminine je n’ avais guère comme référence que le sexe de ma petite sœur que j’observais pendant qu’elle était au baquet. Je me demandais donc comment un bébé pourrait passer par un tel endroit.

J’avais bien tenté d’en savoir un peu plus en zieutant ma grande sœur Marie Anne mais rien n’y fit elle était prudente

L’accouchement se passa très mal et fut fort long, toutes les femmes étaient à l’intérieur pour assister ma mère et nous les hommes nous étions à nous geler dehors. La sage femme, noble ignorante qui n’avait de connaissances que son expérience fit ce qu’elle put, au bout de vingt quatre heures la petite arriva enfin. Mon père fut heureux de ne pas perdre ma mère, par contre l’arrivée d’une pissouze ne le fit pas sauter de joie.

Moi je m’étais endormi dans la paille de l’étable et personne ne pensa à me prévenir, j’en fus un peu chagriné.

Pour se rattraper mon père décida de m’emmener avec lui à la mairie déclarer l’enfant, mes oncles Louis et Jean devaient servir de témoins. Nous primes la route après avoir fait un casse croûte.

Maman dormait épuisée, ma sœur Marie Anne s’occupait du bébé. Nous devions impérativement déclarer l’enfant auprès de monsieur le maire Pierre Guérineau. Nous étions mardi et il y avait foule au village nous nous arrêtions sans cesse pour donner des nouvelles, pensez donc encore un chiard à l’Auroire. Le premier magistrat était en ce jour à la maison commune. On appela la petite, Françoise Rosalie.

En sortant nous allâmes directement chez Enard l’aubergiste, je bus ce jour ma première chopine de pinard autant vous dire qu’à treize ans l’effet fut immédiat. Surtout qu’on ne s’arrêta pas là, mon père oubliant que j’étais encore un peu jeune. En sortant je titubais et je faisais rire tout le monde, pour faire marcher le commerce qu’il a dit mon père nous allons aller chez Traineau l’autre cabaretier du bourg. Tous les paysans semblaient s’être donnés rendez vous en ce lieu, c’était étonnant en ce jour de semaine. Cette dernière station m’a complètement achevé et lorsque nous sommes arrivés à l’église pour prendre note du futur baptême avec le curé Pelletier je tenais difficilement debout. Autant vous dire que le bon père engueula mon paternel d’abondance.

Ce ne fut pas la seule engueulade qu’il se prit car ma mère qui avait repris un peu de force nous attendait de pieds fermes. La tante Sophie était outrée et l’oncle Jean ne fut guère à la noce de la soirée.

Moi je dormis tout d’une souche jusqu’au matin d’un sommeil bien agité. Le lendemain je fus jeté bas de ma paillasse par ma grande sœur qui m’envoya curer l’étable. Tu picoles comme un homme alors travailles comme eux, je fus nauséeux toute la sainte journée et ce n’est pas l’odeur fétide de la merde qui y changea quoi que cela.

Malheureusement à l’Auroire comme dans toutes les métairies, la balance de la vie penchait soit vers le bonheur soit vers le malheur.

Le 5 avril la petite de l’oncle Jean ferma les yeux pour ne jamais les rouvrir, ce fut pénible elle n’avait que deux mois, moi cela ne me fit ni chaud ni froid un peu comme les bébés chats que mon père jetait  sur le fumier.

Ma tante Sophie pleura toutes les larmes de son corps, les femmes sont bien des pleureuses moi je ne percevais pas la tristesse de la même façon qu’un adulte et je me disais qu’elle pourrait en faire un autre. Ma mère un peu superstitieuse disait que le malheur était entré à l’Auroire. C’était idiot, des morts il y en avaient déjà eu beaucoup au sein de ces vieille pierres.

Je ne fus pas du voyage déclaratif à la mairie mais le lendemain nous étions tous au cimetière du village, le père Pelletier ne fit pas d’envolée lyrique, ce n’était qu’un enfant.

Quelques pelletées de terre firent disparaitre à jamais la petite dans le coin des enfants du cimetière d’Aubigny et bientôt même les parents perdront la trace du petit tumulus de terre fraiche.

La vie reprit doucement, ma mère ne fut plus jamais enceinte, apparemment les dégâts occasionnés par le passage de ma petite sœur avaient rendu stérile le ventre de maman.

Par contre ma tante par les effort constants de mon oncle eut de nouveau le ventre qui s’arrondit et la poitrine qui s’embellit. Le soleil entrait de nouveau à la métairie

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