Enfin il est l’heure, dans sa chambrette, elle fait toilette au lavabo. Quelle chance, beaucoup d’appartements en cette année 1939 n’ont que de l’eau sur le palier et des waters closet en commun. C’est un luxe, mine de rien ce mince filet d’eau, d’une main puissante , elle humidifie son savon et avec la force d’une blanchisseuse se frotte tout le corps. Elle retrouve un peu de fraîcheur, se pare d’une robe légère et se précipite en bas de l’immeuble. La chaleur la frappe au visage, l’étreint, lui vole son oxygène, mais rien ne peut l’arrêter, direction l’hôpital avenue de la porte d’Aubervilliers.
Elle aime l’attendre, mais son médecin a des horaires flexibles tirant vers une prolongation des journées, alors elle s’est munie d’un livre de Jean Giono pour le cas ou son attente se prolongerait.
Mais chance, à peine est-elle arrivée que le voila qui paraît, costumé, cravaté en homme de responsabilité,en notable qu’il va devenir.
Il se jette dans ses bras, l’embrasse,la soulève de terre et la fait virevolter, la chaleur est rude il ne convient pas de s’enfermer dans l’appartement de Françoise, du moins pas encore. Ils vont allés dîner, mais avant, se rafraîchir, puis parler et parler encore.
Un café et une petite table ronde en fonte , Raymond prend une bière, Françoise une menthe à l’eau.
Immanquablement la situation internationale se dresse devant eux, leurs propres problèmes passent pour des peccadilles.
Raymond est inquiet, la situation se tend entre les états, Hitler qui avec ses affidés a mis sous sa botte l’Allemagne s’apprête à vouloir avaler le corridor qui divise ses états. On a beau deviser et ne pas vouloir prendre parti, mais quelle idée saugrenue ont et les vainqueurs de la grande guerre en donnant Dantzig à la Pologne et en divisant l’Allemagne séparant la Prusse berceau de leur pays du reste de l’Allemagne.
Il a beau jeu de réclamer ce qu’il pense lui être dû, c’est sûr il va manger la Pologne comme il s’est repu de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie.
Mais cette fois nos gouvernants n’accepteront pas de compromis, la Pologne sera défendue quoi qu’il en coûte.
Daladier notre président du conseil, qui à conclu avec l’homme au parapluie l’anglais Chamberlain le plus honteux des accords à Munich, acceptant pour sauvegarder la paix le démantèlement du territoire de nos alliés les tchèques, est cette fois bien ferme dans son attitude.
Comment ce fou d’Hitler peut-il croire que cette fois ci encore personne ne bougera.
Raymond n’est pas un va-t-en guerre comme la plus part des hommes de notre pays il ne veux pas mourir pour Dantzig.
Il s’enflamme, s’énerve, fume, les conversations sont les mêmes de table en table.
Il mange en vitupérant, Françoise n’ose l’interrompre et s’inquiète plutôt de son divorce. Qu’importe les polonais , elle est toute à son bonheur et ne compte pas qu’on lui enlève l’homme qu’elle vient de conquérir de haute lutte. L’homme qu’elle vient de ravir à cette Jacqueline honnie. Elle qui a bravé ses convictions chrétiennes,qui considère qu’une union bénie par Dieu ne peut-être dissoute. Comment pourrait-elle déjà le perdre.
Non, elle a peur et les larmes lui viennent, les deux amants rentrent et malgré la chaleur qui persiste se lieNT l’un à l’autre en une joute amoureuse que seule peuvent connaître des jeunes amoureux.
Le 23 octobre 1939, Hitler et Staline s’entendent en une danse des monstres, la Pologne sera conquise, démantelée et chacun mangera sa part du gâteau.
Les Allemands sont sûr d’avoir les coudées franches. Partout c’est la consternation, Raymond se doute qu’il va partir, il le pressent, comment pourrait-il en être autrement.
Puis le 1er septembre l’ogre se jette sur sa proie, , les forces en présence ne penchent pas du bon coté, l’agressé est faible, mal équipé, il n’a que son courage, mais dans une guerre aux formes nouvelles ce n’est plus suffisant.
L’Angleterre le 3 septembre réagit, Chamberlain qui enfin ouvre les yeux, déclare la guerre à l’Allemagne. La France en la personne de son ambassadeur fait de même.
La grande confrontation commence.
Des millions de Français répondent à la mobilisation générale, l’organisation est parfaite, chacun sait ce qu’il doit faire, munis de leur carte de mobilisation les mobilisés rejoignent leur lieu de rassemblement. Les trains sont mis à la disposition des mobilisés
Raymond doit rejoindre Valence dans la Drome ensuite il est dirigé vers Saint Péray en Ardèche, lieu où son régiment se concentre. Pour lui ce sera le 184ème régiment d’artillerie lourde tractée, commandé par le colonel Gislard. De part son métier Raymond n’est pas simple artilleur, il devient médecin du 1er groupe sous le commandement direct du chef d’escadron Delmas.
Les conséquences sont immédiates, les hommes partent par millions et les premières mesures pour évacuer et accueillir les réfugiés des départements du nord, de l’est, de l’Alsace et de la Lorraine sont prises.
Françoise se retrouve sans emploi car les éditions Flammarion ont décidé de fermer et de licencier tout le personnel.
Elle est inquiète devant un avenir absolument inconnu et se doit aussitôt de chercher du travail.
Elle projette de demander une lettre de recommandation au général Weygand, mais madame la générale lui fait répondre qu’il ne peut rien faire. En cette semaine de désordre on ne peut plus compter sur ses relations.